Malkus a écrit :C'est qu'aujourd'hui, dans notre monde bordélique, c'est si difficile de faire la synthèse de "qui on est", ou encore de "qui est l'autre", qu'on pourrait penser qu'en se réfugiant dans un ailleurs "d'avant la chute" (notre monde post-historique?), on y côtoie des civilisations très opposées, qui ont encore leur métissage plein de promesses à inventer.
Je dois avouer que je n'ai pas très bien compris l'ensemble de ton propos

"Avant la chute" c'est avant que les civilisations se mélangent ? C'est plus facile de savoir qui on est quand on n'est pas mélangé ? C'est bordelique parce que les différences s'estompent ? je comprends pas bien.
Nariel a écrit :De toute façon, je suis une mauvaise lectrice, je ne prête jamais grande attention à la description physique des personnages donc j'aurais tendance à les voir tous typés européens
Je suis une mauvaise lectrice aussi mais ce que tu dis est pour moi assez révélateur de ce que soulève des auteurs comme Durham ou Jemisin. Et soyons clair ce n'est absolument pas un reproche hein

Et cela me ramène à ce qu'avait dit Aka-Thor (mais qu'il a nuancé ensuite

)
Nous ne faisons que retranscrire le monde que nous connaissons dans un univers imaginaire.
que j'avais trouvé "dérangeant"C'est là qu'est la difficulté quand on est un peu différent (et je ne parle pas que de couleur, hein finalement trop gros, trop petit, trop intello, tous les trop qui mettent en avant une différence patente sont valables) être à la fois soumis au modèle ambiant ( blanc, occidental dans le cas qui nous intéresse et pour faire court

) parce qu'on vit dedans tous les jours et qu'il devient la seule référence connue, et espérer un peu follement que de temps en temps le modèle soit un peu plus proche de ce que nous sommes. Parce que si on n'est jamais représenté, même de façon très embellie, si on n'est jamais proposé comme modèle - ou comme héros/héroïne de l'histoire - et bien il arrive un moment où l'on ne se projette plus tout à fait et cela nuit peut-être au plaisir de la lecture. Je me souviens de ma rencontre avec Durham et d'avoir parler avec lui de l'élection d'Obama et en dehors de toute considération politique, de sa joie de savoir que, à partir de ce moment de l'Histoire de son pays, dans l'inconscient de ses enfants, être noir et être président ce n'était plus incompatible, dans les faits (parce qu'après tout il y a aussi les reves et les ambitions) Alors que lui avait toujours eu l'impression à l'école que quand on racontait l'Histoire on ne parlait jamais de quelqu'un comme lui. Et que c'est aussi à ça que devrait servir les histoires imaginaires : permettre à chacun de se "croire" à la place de tel ou tel personnage. Sur ce sujet, même si le bouquin n'est pas toujours convaincant, je conseille souvent, à ceux qui ont du mal à percevoir cette "sensibilité" sur la non représentativité (et ce n'est pas un reproche hein ce n'est pas quelque chose que l'on peut expérimenter tous les jours, à part à se rendre au marché de Dakar ou d'Oulan-Bator quand on est blanc

) de parcourir "Je suis noir et je n'aime pas le manioc". Quand on est noir et qu'on a toujours vécu en France, et bien on ne se considère pas comme exotique et on dit nous en parlant de la civilisation occidentale. On peut tout à fait se voir, se sentir comme un "européen" et ressembler à Kirikou. :pC'est la réalité du XXIème siècle et donc il est assez normal que certains aient envie de voir apparaitre cette diversité dans les mondes imaginés, qu'ils soient fait ou pas construit à partir de morceaux de l'Histoire médiévale occidentale. Alors après selon le genre de lecteurs que l'on est, on réussit à se projeter dans autre chose que l'aspect physique extérieur. Perso j'aime les histoires avec introspection parce que ce sont les émotions plus ou moins identiques aux miennes qui m'intéressent. D'où ma difficulté avec les personnages de Martin par exemple.