1
Au fait, j'ai oublié de poster ici mon avis : bien sûr, j'ai regretté le TRES long délai entre l'écriture (et la publication en VO) et la traduction et parution française. En effet, ce que Le Guin y dit de Terremer, notamment, ne concerne que les trois premiers tomes et deux nouvelles, or le corpus a doublé depuis. Par ailleurs, ses interrogations, à l'époque originales, sur "quelle serait l'enfance d'un sorcier ?" sembleront quasi comiques à tous ceux qui ont grandi avec HP.Mais si l'on oublie ces points mineurs, je me suis vraiment régalée. D'abord, j'ai beaucoup aimé ce que Le Guin dit de son propre processus créatif, mais aussi ce qu'elle dit à propos du style en général et en fantasy en particulier. Et j'ai lu avec un grand intérêt ce qu'elle écrit du SDA. En somme, je suis ravie de mon achat et de ma lecture. Pour moi, c'est un indispensable pour les fans de l'auteure.

4
Tout à fait d'accord avec cette critique :-).J'avais mis mon avis sur ce bouquin dans le fil de Terremer. Que dois-je faire ? Le recopier ? Ou un modo transfèrera-t'il mon post d'hier ?

6
Lisbei a écrit :j'ai regretté le TRES long délai entre l'écriture (et la publication en VO) et la traduction et parution française.
Je ne l'ai pas précisé mais effectivement tu fais bien de le souligner. :)

10
Tzeentch a écrit :On en parlait le voilà. Pour ma part, c'est l'une de mes prochaines lectures. Le langage de la nuit. Essais sur la science-fiction et la fantasy par Ursula K. Le Guin aux éditions les Forges de Vulcain.Résumé : En 1979, Ursula K. Le Guin est au sommet de sa gloire : ses romans de science fiction et de fantasy se sont imposés comme des chefs d'œuvres et elle est une des romancières américaines les plus primées. Toutefois, parallèlement à ces succès publics, elle a la réputation d'être une théoricienne hors pair, et une oratrice remarquable. Elle parcourt alors universités, congrès, bibliothèques et librairies pour parler des sujets qui la passionnent : le féminisme, l'anarchisme, le rôle humaniste de la littérature, et, surtout, la fonction des littératures de l'imaginaire.Le Langage de la nuit est le recueil d'essais littéraires qui résument sa pensée et composent un manifeste pour l'imaginaire, car si nous pensons et parlons le jour, la moitié de notre vie se passe la nuit, où se réfugient la poésie et l'imaginaire. Pourquoi les littératures de l'imaginaire ont cessé, au vingtième siècle, d'être le cœur de la littérature ? Que permet la science-fiction ? Quelle est la place de la littérature jeunesse dans la littérature ? Autant de questions qui occupent les lecteurs depuis cinquante ans et qui trouvent des réponses dans ce volume, préfacé par le romancier Martin Winckler, fin connaisseur de la science-fiction, et grand admirateur de l'humanisme merveilleux de Le Guin.
http://b.decitre.di-static.com/img/200x303/ursula-le-guin-le-langage-de-la-nuit/9782373050172FS.gif
Je viens de le finir et ce fut fort enrichissant.L'ouvrage se compose, outre la préface, de dix chapitres : articles publiés ou discours prononcés entre 1973 et 1977.Ursula Le Guin livre ses réflexions sur la fantasy et la science-fiction, le pouvoir de l'imagination et la peur qu'elle suscite chez nos contemporains, sur les préjugés sur la littérature de l'imaginaire comme sur ses travers, sur la littérature jeunesse, ses catégorisations et son importance, sur la création des mondes en SF et en fantasy, sur les contes, leurs messages et leurs réceptions en fonction de l'âge, sur la place de l'Autre (sexuel, social, culturel, racial) dans la science-fiction et la fantasy, sur l'ambition du genre : un écrivain de SFFF peut-il être romancier ?De son point de vue, Tolkien l'est assurément : Frodon et Gollum sont de grands personnages de roman, complexes et profonds, si l'on prend la peine de les considérer comme autre chose que de petits êtres aux pieds poilus. Et de Tolkien, il en sera beaucoup question, de son œuvre et de sa profondeur, de son style loué par Ursula Le Guin, comme de ses imitateurs.On en apprend enfin un peu sur l'auteur elle-même puisqu'elle revient sur sa découverte de la fantasy avec lord Dunsany et sur son parcours de lectrice, ainsi que sur sa méthode d'écriture.On regrettera peut-être la croisade de l'auteur contre les super-héros de comics (le mot de "croisade" est peut-être un peu fort, mais j'ai tiqué à chaque fois qu'elle en parlait), qui constituent selon elle un nivellement par le bas. Je ne pense pas que ce soit tant Superman ou Batman qu'elle critique (même si elle a aussi une vision assez négative de la bande-dessinée), que le vide et la médiocrité des productions où ils apparaissaient ; transposées aujourd'hui, je pense que ses critiques se dirigeraient contre les films Marvel, vides et aseptisés, produits à la chaîne et aussi vite oubliés.Du coup, on aurait aimé avoir en contrepoint le point de vue de l'Ursula Le Guin de 2017 pour mieux mesurer l'évolution de sa pensée.Bref, c'est dense, très dense puisque le livre ne fait que 150 pages. C'est parfois drôle, toujours intelligent, jamais ennuyeux, et surtout (ou malheureusement) ça n'a pas pris une ride : le propos reste d'actualité et frappe encore juste quarante ans après avoir été formulé.Mention spéciale au deuxième article intitulé "Pourquoi les Américains ont-ils peur des dragons ?", qui est d'utilité publique et devrait être lu par tous ceux qui disent détester la fantasy parce que les dragons, les elfes, tout ça, c'est pour les enfants. Dans la préface, Martin Winckler pense que le succès de Game of Thrones dément un peu le propos de Le Guin, mais je ne pense pas que ce soit le cas : d'ailleurs, dans l'article, elle parle justement de cette relation étrange qu'entretient le grand public - que ce public considère que la fantasy est un enfantillage ou, de manière plus générale, que la littérature est une perte de temps - avec les best-seller :
"De même, si l'on se place dans la perspective d'un homme d'affaires, un geste qui ne produit pas un profit immédiat et tangible est parfaitement inutile. La seule personne qui ait une excuse pour lire Tolstoï ou Tolkien sera donc le professeur de lettres, parce qu'il est payé pour le faire. Certes, notre homme d'affaires s'autorisera peut-être à lire, de temps à autre, un best-seller - non pas parce qu'il s'agit d'un bon livre, mais parce qu'il s'agit d'un best-seller. Ce livre a eu du succès, il a rapporté de l'argent. Pour ces êtres étrangement mystiques que sont les banquiers, cela justifie son existence, et ils le lisent en espérant recevoir un petit peu de son pouvoir et du mana de son succès. Et, soit dit en passant, si ce n'est pas là de la pensée magique, je ne sais pas ce qui pourrait en être."
Autre passage croustillant du même article sur le fan de fantasy et plus précisément de Tolkien :
Ce que peut nous apprendre la lecture des mésaventures d'un hobbit qui veut lancer un anneau magique dans la lave d'un volcan imaginaire a peu à voir avec votre statut social, ou le succès de votre mariage, ou avec votre revenu. En fait, on peut dire que l'intérêt pour l'un a un effet négatif sur les seconds. La fantasy et l'argent sont inversement corrélés - ce que les économistes désignent sous le terme de Loi de Le Guin. Je peux vous donner une application étonnante de la Loi de Le Guin ; quand vous roulez en voiture et que vous apercevez sur le bord de la route un de ces jeunes gens qui ne possèdent rien de plus qu'un sac à dos, une guitare, de longs cheveux, un sourire et un pouce, arrêtez-vous pour le prendre. À tout coup, vous apprendrez que ces vagabonds ont lu Le Seigneur des anneaux. Certains le connaissent même pratiquement par cœur.
À lire et à faire lire donc.

11
Cool, merci beaucoup pour cette critique détaillée, très intéressante à lire. J'aime toujours voir que d'autres sont moins feignants que moi quand il s'agit de rédiger un avis :rouge:.

17
J'ai feuilleté la réédition en poche du Langage de la nuit. Ce volume, comme on le sait, se compose d'une bonne quinzaine d'articles et de courts essais. J'avais bien envie de le prendre pour pouvoir papillonner à ma guise parmi ces textes brefs, grâce à la table des matières... j'ai donc cherché, machinalement, la table des matières... et ne l'ai pas trouvé. J'ai cherché un bon moment, mais, soit je n'avais vraiment pas les yeux en face des orbites, soit cette réédition poche est tellement mal ficelée qu'elle ne contient même pas de table des matières ! Pour un recueil de textes courts, c'est du grand n'importe quoi :angry:
Moralité : je regarderai plutôt l'édition grand format aux Forges de Vulcain, dont j'espère qu'elle inclut une table des matières (en plus d'avoir une couverture regardable).

19
Rogntudjû, ces éditeurs sont des inkhâpâââbles :tetemur:
Hébin, je vais me tourner vers l'édition originale en anglais. Après tout, je lis l'anglais et j'aime bien le style de Le Guin. Tant pis pour le soutien à la VF...