Bien, tout d’abord posons les bases de ce post, ce livre est un (gros) bijou, le reste, c’est du détail

. Combien de fois me suis-je exclamé au fil des pages « C’est brillant », « Put… comme c’est bien foutu », le reste à l’avenant.Cet été était parfait pour le découvrir, je crois que j’aurais eu du mal à le lire sous la canicule

. Je me suis demandé à la fin s’il y avait un seul jour de beau temps décrit dans l’ouvrage. Je n’en suis pas sûr, en tout cas, je ne l’ai pas remarqué et en retire une sensation de légère humidité et de grisaille opaque sans horizon. Pour autant, certaines description valent leur pesant de cacahuètes, quelques landes, les déambulations de Stephen Black entre
Londres et Illusions-Perdues, les intérieurs de bibliothèque ou de salons alors que la bruine et la brume bouchent l’horizon des carreaux sont vraiment superbes.Mon rythme de lecture a été aussi lent que la montée en intensité du roman. J’avoue avoir eu du mal à lire plus de 50 pages d’affilées. Je crois que je ne suis pas assez « éduqué » à ce genre de lecture, type victorien, et ma chère et tendre qui est une grande fan de Miss Austen m’a confirmée en lisant un chapitre (arrivée de Norrell à Londres) qu’on était dans un genre littéraire d’une très grande proximité. Même sur le final (les 200 dernières pages, elle prend son temps Mrs Clarke

) – qui est grandiose – je confesse avoir continué à « suçoter » les chapitres sur le même rythme, avec une délectation grandissante.Comme Aléa, j’ai particulièrement apprécié le système de magie. De prime abord, on se dit « rien de neuf sous le soleil ». Pourtant, sa cohérence, sa globalité, sa « re-découverte » à travers ces notes de bas de page m’ont bluffé, démontrent le superbe travail réalisé par l’auteur et constituent à mes yeux le point fort de l’ouvrage.Sur la lenteur du récit, notamment la première moitié. C’est davantage pour moi une langueur, une indolence voulue et gérée par l’auteur. Elle correspond au morne paysage de la vie politique et aristocratique de Londres, à cette inertie d’une société codifiée. Comme beaucoup d’entre vous, j’avoue avoir été parfois désabusé par ce faux-rythme,
l’introduction de Norrell dans les beaux salons est particulièrement longue. Pourtant, déjà, certaines scène laissent entrevoir le potentiel de l’auteur. Je pense précisément à
l’animation des statues dans la cathédrale (la première scène « d’action »), ou plus tard
aux pérégrination de Strange au Portugal, qui elles aussi débutent sur un rythme qui n’est pas flamboyant pour s’accélérer considérablement par la suite. Avec le recul, je crois que j’ai en définitive apprécié d’être ainsi promené par l’auteur, le temps que le décor s’installe et que nous appréhendions réellement le monde qu’elle a adapté.Concernant le côté « un peu trop anglais » relevé par Belgarion, je serais plus tolérant que lui. D’abord, ça ne m’a jamais agacé, bien au contraire (encore une fois, les goûts et les couleurs, bref, sur ce coup-là, mon avis est similaire à celui de darkfriend), ensuite, comme le fait remarquer Gillosssen, ça fait quand même partie de l’essence du roman ; enfin, j’ai remarqué à l’occasion que Susanna Clarke profitait à l’occasion de ce côté « so british » pour tancer gentiment ses compatriotes. Je n’ai pas noté précisément ces passages, j’essaierais de remettre la main dessus, mais il m’a semblé sur le coup que cela pouvait aller assez loin, tout en restant parfaitement subtil.Je ne m’attarderais pas plus que ça sur les personnages, beaucoup de choses ont déjà été dites, mais comme les autres apparemment, j’ai beaucoup apprécié les « second rôles » : Wellington, Childermass, Segundus, le gentleman aux cheveux comme du duvet de chardon (quel superbe salopard celui-là), entre autres. Sur le débat Strangiste/Norrelliste, je ne me prononcerais pas : à aucun moment je n’ai pu m’identifier – ou pour le moins soutenir – l’un des deux zigotos, me sentant infiniment plus proche d’un Stephen Black par exemple.Un petit mot tout de même sur l’objet pour ajouter ma voix au concert de louanges. La qualité d’impression est parfaite, le concept (pavé-grimoire) bien maîtrisé, le choix du papier judicieux et l’utilisation d’une typo à la fois parfaitement lisible et différente de ce bon vieil AGaramond est une véritable bonne intuition. Bref, sur le rapport qualité-prix, difficile de faire beaucoup mieux.Comme de coutume, j’arrive après la bataille avec mes post, mais j’ai vraiment trop apprécié ce bouquin pour ne pas le clamer haut et fort sur le sujet consacré

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