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Suite à une très intéressante discussion avec Dame Eowyn dans un sujet sur Pullman, je m'en vais vous soumettre à tous sa dernière question, ma foi très pertinente...ayant toutes deux constaté un caractère penchant vers une certaine mélancolie (ce qui n'a rien de négatif) pour moi, pessimisme en ce qui la concerne, parfois du désenchantement et quelquefois aussi un peu d'idéalisme (ce qui entraîne souvent le précédent)...Dame Eowyn posait la question suivante :"Penses-tu que cette façon de voir le monde, un brin désenchantée, est une cause de l'inclinaison que l'on peut avoir pour la littérature de fantasy ? " Pour ma part, et pour reprendre ce que j'ai commencé à te répondre, je pense que la nostalgie de quelque chose m'attire vers la fantasy, ce serait résumer bien pauvrement mon goût pour la fantasy que de le réduire à ça, mais je ne peux nier qu'il y a quelque chose de ça...peut-être ces univers magiques, plein d'illusion et de rêve me sont nécessaire pour faire un break, peut-être que d'imaginer un autre monde où tout est possible me réconforte-t-il? En fait ça ne me satisafait pas du tout comme réponse, je vais y penser plus longtemps avant de me prononcer... ;) Thys

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Je pense, ... j'en suis meme persuadé, que la fantasy, au meme titre que la sf, est un moyen détourné de parler des problèmes de la vie, qu'ils soient méta-physiques ou non, de nos peurs, de nos espoirs ... le fait que nos lectures soient truffées de mondes et de créatures immaginaires ne change pas grand chose ... ce ne sont que des facades (ceci n'a rien de péjoratifs) qui mettent en scènes la réflexion de l'auteur sur les sujets qui le touchent ... et c'est justement à cela qu'on reconnait les grands bouquins de fantasy .... ceux qui font autre chose que de raconter une simple histoire ... Et si tu es attiré par la fantasy, c'est que tu y trouves des réponses à tes angoisses, des choses qui te font réflechir, et qui te permettent paradoxalement de mieux comprendre le réel ...

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Merci, Thys, d'avoir ouvert ce sujet :) Avant de répondre à mon tour à la question, j'ajouterais entre parenthèse (je déborde toujours dans les sujets, pardon) que ton meilleur ami a raison à propos de Cioran : le lire est très revigorant ; aux moments les plus noirs de ma vie, j'y ai trouvé paradoxalement la force de vivre et de rire à gorge déployée ; l'humour, noir ou pas, la dérision est un antidote. D'ailleurs, Cioran était un homme qui, en privé, aimait rire et vivre, cela se ressent assez dans ces vociférations :) Quant à la question. Je suis très satisfaite lorsque tu parles de nostalgie, car c'est ce que je ressens très précisément. Le mot est pour moi le juste mot. Je ne suis pas, à ce jour, une grande lectrice de fantasy, j'ai découvert le SDA, il y a quelques mois (novembre ou décembre dernier), puis Pullman et maintenant "Stardust" et "La trilogie des elfes" de Fetjaine, c'est peu comme culture en ce domaine. Le plaisir que j'ai pris et prends à lire ces livres me rappelle incontestablement celui que j'avais enfant. Ce n'est pas le même plaisir (immense pourtant) que celui que je prends en lisant de la littérature "classique" (dont je me nourris abondamment). Donc j'ai cherché à savoir ce qui différenciait ces plaisirs et voici mon analyse : je dirais qu'il y a une nostalgie de l'enfance, dans mon cas, nostalgie peut-être même de l'idée de l'enfance, plus que de l'enfance elle-même... A voir. L'enfance est le monde de TOUS LES POSSIBLES. Plus tu vieillis, plus les possibles s'amenuisent et le monde rétrécit nécessairement. Chaque choix est la destruction d'un possible. Enfant, tu peux devenir n'importe qui ; les années passant, tes premiers choix guident les suivants et en empêchent d'autres... C'est le premier point. Dans le monde de la fantasy, peut-être comme dans les contes de fées traditionnels de notre enfance, y a -t-il un univers plus vaste que celui de la vie prosaïque... même s'il a ses règles et ses limites internes. Je ne dis pas nécessairement que l'on recherche une consolation, même inconsciente, dans ce genre littéraire, mais il y a peut-être un peu de cela... dans ce "break" dont tu parles... je ne sais. Peut-être que cette lecture donne de l'inspiration à notre vie quotidienne en stimulant notre imagination, qui à son tour peut enrichir notre pensée et nos actes et élargir notre monde... Deuxièmement, et c'est lié : la littérature de fantasy raconte des histoires, de véritables histoires, ce qui n'est pas toujours le cas de la littérature "traditionnelle" (cf. le nouveau roman, c'est l'extrême, mais cette étape a laissé des séquelles dans la littérature française). Or, le premier plaisir de lecture, celui qui remonte à l'enfance était celui des histoires, avant le style, avant la beauté des mots. On retrouve ces histoires dans la fantasy, les soeurs de nos premières histoires lues ou entendues. Voilà, pour l'heure, c'est un peu embrouillé. Je vais y réfléchir davantage ;)

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... non, je ne pense pas que les lecteurs appartiennent nécessairement, et tous, à cette catégorie ou celle des "grands enfants", car cela paraît un peu péjoratif ou réducteur (je suis d'accord avec toi, Thys)... je crois plutôt à l'amour d'une certaine idée de l'enfance, au regret du "vert paradis des amours enfantines", à la nostalgie des possibles comme le remarque avec justesse DjouJyBienn, qui m’a bien comprise. La nostalgie est toujours nostalgie du passé et, "à nos âges", le passé c'est l'enfance, n'est-ce pas ? Donc je crois que c'est lié, ce qui n'empêche pas d'être raisonnable et adulte, voire affreusement sérieux. Rester proche de l’enfant que l’on a été signifie, non pas régresser, mais au contraire voir des choses que ceux qui ont oublié l’enfant ne voient plus, et n’ont peut-être jamais vu. Peut-être, pour éclairer le mot et, peut-être en choisir un autre, voici une définition extraite de l'Encyclopaedia Universalis : "Issu des mots grecs noston («retour») et algon («souffrance»), le terme «nostalgie» indique par sa seule étymologie un état d’âme, une humeur au sens allemand de Gemütsstimmung, qui, du champ médical auquel il appartint d’abord, gagna ensuite les champs littéraire et philosophique, en particulier sous la figure du Sehnsucht des romantiques allemands. C’est dire déjà, pour suivre ces derniers, que la nostalgie ou encore l’aspiration douloureuse – la «désirance», selon une nouvelle traduction de Freud – tendrait vers un passé regretté auquel l’imagination, aiguisée par les vicissitudes de l’existence et les contraintes de la réalité, prêterait toutes les ressources de la consolation." Je trouve que cette définition s'accorde bien avec les mots "break" et "vide" qui reviennent sous la plume ou dans la bouche des lecteurs de fantasy ... La mélancolie, quant à elle, suggère aussi une idée de retour sur soi et de deuil de quelque chose, d'un regret de la fuite du temps... Reste à dire quel est le terme qui convient le mieux, ou s'il s'agit d'autre chose... Les gens au tempérament très rationnel n'aiment pas la fantasy (ceux que je connais, en tout cas), car la raison procède avec des lois strictes, aussi bien dans la théorie que dans la pratique et n'admet aucun autre critère que les siens, alors que la fantasay casse les structures du réel prosaïque (et décevant ?). Le nostalgique, au fond, est nostalgique du réel inconnu (cette vaste contrée imaginée pendant l'enfance) et qu'il connaît maintenant trop et trop bien. En outre, il y a dans la fantasy - d’après mes maigres lectures - une quête, une sorte d’initiation du ou des héros, qui ne sortiront pas inchangés de leur vécu, qui est peut-être comparable au gué de l'adolescence que nous avons traversé... Grâce à cette initiation, peut-être revivons-nous à nouveau cette transformation subie... Je ne sais. Mais ce que je crois, c'est que les lecteurs de fantasy ont un tempérament, une humeur qui ne se satisfait pas complètement d'un monde figé, et sans espoir, le nôtre.

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ThysVIII, je ne pense pas qu'il faille avoir une personnalité melancolique pour aimer la Fantasy, mais je pense que la Fantasy trouve un echo dans une certaine melancolie de l'enfance que nous portons tous inconsciemment.

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je me suis vraiment mal exprimée...je redis donc la part d'enfant qu'il reste en chacun de nous...mais j'en suis toujours au même point entre nostalgie et mélancolie

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Dame Eowyn, je vais reagir à la fin de ton post : "Mais ce que je crois, c'est que les lecteurs de fantasy ont un tempérament, une humeur qui ne se satisfait pas complètement d'un monde figé, et sans espoir, le nôtre" Un desenchantement par rapport à notre monde qui nous feraient lire de la Fantasy ou de la SF (car souvent on lis les deux) c'et bien possible car sinon on se contenterai de roman "classique". Mais dans ce cas là les gens iraient plutot sur la SF quand ils ont un espoir par rapport à notre monde et/ou l'esprit cartesien, et la Fantasy quand ils pensent que ce serait mieux completement differemment et/ou l'esprit artistique ??? Mais les gens qui lisent des romans à l'eau de rose avec des riches heritiers qui epousent des pauvres filles, c'est aussi un moyen de retrouver la nostalgie des reves de princesse, non ??? Et n'est ce pas eux qui sont les plus nostalgiques de leur vie qui n'a pas pris du tout le tournant qu'ils esperaient et qui etaient du domaine du possible, meme si improbable ???

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DjouJyBienn, je pense que la fantasy par rapport à la SF est peut-être plus poétique (quoique... ce serait à voir, mais je n'ai lu que Bradbury et Barjavel en SF, alors je suis très très mauvais juge) et convient mieux, de ce fait, aux tempéraments nostalgiques à cause de cela... Quant aux romans à l'eau de rose, j'avoue être très ignorante, mais je pense qu'il s'agit d'une "littérature" très formatée, avec un imaginaire (et un vocabulaire et une intelligence) pauvre(s)... Les bons auteurs de fantasy créent des mondes très pensés et cohérents, qui sont des doubles du nôtre.

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nostalgie, ce n'est pas ce qui me vient à l'esprit quand je lis de la fantasy, surtout lorsqu'il s'agit d'un bouquin de pratchett ;) idem, je viens de découvrir Artémis Fowl (merci qui ? merci Elbakin!) et je n'ai pas trouvé ça triste ! ce qui m'attire dans la fantasy c'est l'imaginaire sans limites, avec en prime, d'accord avec Djoujy, généralement un peu plus de poésie que dans la SF (mais c'est d'une manière générale, car on trouve de la fantasy sans once de poésie, et de la SF très poétique bien sûr).

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...donc on va rester dans la question de base du sujet...j'y réfléchis encore...est-ce que et en quoi un humeur un peu mélancolique peut attirer vers la fantasy...je refuse l'explication de la simple "évasion", c'est réducteur comme justification... Pour ce qui est de la nostalgie, il me semble que tu as vu juste Dame Eowyn mais, malgré tout, je ne crois pas que cette nostalgie se résume à ça...hum...je vais y penser...je ne suis pas très bien évéillée aujourd'hui, c'est pas facile... ;) Thys

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moi, j'aime bien la nostalgie de Dame Eowyn. Nostalgie d'un temps ou l'on disait que l'on serait chevalier, pompier, astronaute, cowboy, qu'on ferrait le tour du monde,... Nostalgie d'un temps ou l'on s'endormais en revant que l'on sauvait le monde grace à nos pouvoirs Nostalgie d'un temps ou rien n'etait important sauf de s'amuser et ou tout semblait possible Nostalgie d'un temps ou la science c'etait de la magie qui paraissait evidente et que l'on ne cherchait pas à comprendre Et la Fantasy c'est un peu tout ca reuni, non ?

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Je n'ai pas vraiment l'impression d'être nostalgique quand je lis de la fantasy...une humeur mélancolique peut-être bien et même certainement car quand j'y réfléchis je lis principalement de la fantasy quand il fait gris, qu'il pleut, que je ne peux voir personne ou simplement que je n'ai envie de voir personne...alors je lis un bouquin de fantasy, je me vide l'esprit et je ressors de là avec une vision plus sereine, plus gaie...ca se rapproche de la nostalgie peut-être mais je ne crois pas que cela en est...je pense qu'au fond je suis restée une enfant, et que tout au fond en dessous de cette couche composée de joie, de peine, de responsabilités que nous apprend la vie...je suis et j'espère que je le resterai un enfant qui s'émerveillent de tout et de rien...et qui rêve toujours de magie, de monstres, de héros

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...je suis d'accord sur la nostalgie mais ça m'embête quand même un peu de dire que la fantasy est une littérature pour les "grands enfants", je rejoins assez djoujy sur ses différentes sortes de nostalgies... Mais je n'arrive toujours pas à répondre à la question, est-on en partie attiré par la fantasy parce qu'on a une personnalité désenchantée ou mélancolique...? Thys

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me suis mal exprimée peut-être...la fantasy trouve un écho en nous : on a gardé une part d'enfant...quand à savoir si cette part d'enfant est de la nostalgie...ma foi là faut encore que je réfléchisse...ca pencherait plus vers la mélancolie que la nostalgie...quoique c'est dur de départager...je creuse...je creuse

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...ne t'inquiètes pas Astérie, je t'avais bien comprise, c'est juste que je voulais faire attention de ne pas faire de réduction abusive dans mes propres propos :) Thys

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Je trouve que le terme de "désenchanté" est très juste. En effet ce que l'on trouve souvent dans la fantasy ce sont des héros aux personnalités très travaillées. Que ce soit dans un instant de bonheur ou de malheur ce qu'ils ressentent est toujours très fort, beaucoup plus que ce que nous pouvons éprouver dans la vie courante. Ne sommes nous pas alors déçue par cette vie réelle qui n'est alors qu'un pâle reflet de celle que l'on peut trouver dans les livres de fantasy? C'est ce que je pense pour ma part. De plus je pense que dans la fantasy l'introduction de la magie , souvent associée à la noblesse, renforce la démarcation entre la vie terne de la population moyenne et celle enchantée d'une certaine élite (à l'image de ce qui se passait au moyen-âge). Souvent la magie est un moyen d'accèder à une vie supérieure au niveau des sens (d'après Jordan, Hobb ou encore Zelazny). Bon j'espère que quelqu'un aura compris ce que j'ai essayé de dire...

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Houlà! Moi non plus bien sûr quand je lis de la fantasy je ne pense pas "mélancolie", au contraire, d'ailleurs je ne pense pas vraiment à mes humeurs, ma personnalité n'entre pas vraiment en jeu quand je lis, mais la question c'était surtout, est-ce qu'un certain type de pesonnalité est attiré par la fantasy... J'étais venu répondre ici pour dire que finalement je pensais que non, ça n'avais vraiment rien à voir, mais la phrase de Dame Eowyn, est très bien tournée et elle tend à me faire modérer mon avis "Mais ce que je crois, c'est que les lecteurs de fantasy ont un tempérament, une humeur qui ne se satisfait pas complètement d'un monde figé, et sans espoir, le nôtre"...peut-être que ça entre en jeu effectivement...ça n'est pas tout, j'aime aussi la fantasy pour les mêmes raisons que Milly, mais je ne peux pas ignorer cet aspect là non plus...comme quoi confronter ses idées y'a quand même rien de mieux pour clarifier ces mêmes idées :lol Thys