


Terry Pratchett, une icône de la « fantasy »Objet d'un culte savamment entretenu outre-manche, le père du cycle des « annales du disque-monde » était la vedette des dernières Utopiales de Nantes.Phénomène de l'édition en Angleterre, où son oeuvre est l'objet d'un culte qu'il sait entretenir, Terry Pratchett est sans nul doute le plus remarquable auteur de ce qu'on appelle parfois la light fantasy, mais qu'on préfèrera désigner ici du terme fantasy humoristique. Parce que son domaine d'excellence, c'est le comique et l'humour, sous toutes les formes, du non-sens à l'humour noir et l'autodérision. Nul écrivain, à part lui, n'oserait écrire : « Elles s'imaginaient voir la vie à travers les livres, ce qui est impossible, pour la bonne raison que les mots bouchent la vue. » On lui doit l'hilarant grand livre des gnomes à destination de la jeunesse, le délirant de bons présages, écrit en collaboration avec Neil Gaiman, que Terry Gilliam envisagea de porter à l'écran. On lui doit surtout l'inénarrable cycle des « annales du disque-monde » dont le 23ème opus, Carpe jugulum vient de paraître à l'Atalante et le quinzième, le guet des orfèvres, chez Pocket. Il faut ajouter à cette suite divers appendice comme Disque monde : le Vademecum ou l'album le dernier héros, illustré par Paul Kidby, qui conte les exploits d'un certain Cohen le barbare ; la référence culturelle est un des péchés mignons de Terry Pratchett. Carpe jugulum en témoigne, qui, sur le thème vampirique, fait feu de tout bois.Personnages savoureuxMais qu?est que c?est que le disque-monde ? : un système cosmogonique très particulier, composé d?un disque posé sur le dos de quatre éléphants, portés eux-mêmes par une tortue géante. Sur ce disque on trouve des montagnes, des plaines, des vallées, des ville comme la mégapole Ankh-morpok, des royaumes comme celui de Lancre, se succédant les uns les autres jusqu?au bord du monde, jusqu?a la grande cataracte. Et sur ce disque-monde vit une kyrielle de personnages savoureux, dont certains apparaissent de façon récurrent : Rincevent, le magicien cataclysmique, les sorcières - Esmeralda Ciredutemps, Nounou Ogg et Magrat Goussedail-, dont Pratchett note finement qu?elles vivent toujours « à la lisière des choses », la mort et son fringant coursier qui fait de régulières et marquantes apparitions. Terry Pratchett était la vedette des dernières Utopiales de Nantes, où nous l?avons rencontré et soumis à la question. Il est né à Beaconsfield, une petite ville située à une trentaine de kilomètres de Londres dans le Buckinghamshire, où il a passé une enfance idyllique. Il n?a pas du tout apprécié sa scolarité. "Il y a quelques années, l?association américaine des bibliothèques m?a demandé une devise afin de décorer ses tee-shirts. Mon slogan a été « tout ce que j?ai appris, je l?ai appris à la bibliothèque municipale. L?école ne m?a appris qu?a cracher. »" Un ami de sa famille lui a offert un jour le Vent dans les saule, de Kenneth Grahame. « Je ne savais pas qu?il existait des livre comme ça. Je l?ai lu avec avidité. Cette lecture a déclenché instantanément quelque chose en moi. J?ai voulu lire le plus de livres possibles. C?est comme ça que j?ai été amené à aider le bibliothécaire le samedi après-midi ; ce qui me permettait d?emprunter plus de quatre ouvrages par semaine. J?ai cherché d?autres livres comme le vent dans les saules.» J?ai lu tous les livre de fantasy et de science-fiction de la bibliothèque ? ils n?étaient pas nombreux ; puis les livres sur la paléontologie ou l?astronomie, parce que ca ressemblait à de la science-fiction. C?est comme ça que j?ai fait mon éducation. Je cherchais tout le temps à retrouver le sentiment que j?avais eu en lisant de la SF et de la fantasy : le sentiment que l?univers est un endroit très intéressant. Je me souviens quand le seigneur des anneaux est arrivé à la bibliothèque de Tolkien. Je l?ai lu le premier. Je faisais alors du baby-sitting pour des amis de mes parents. Le bébé dormait à l?étage. j?étais sur le sofa à lire Tolkien et , dans mon souvenir, la forêt commençait là au bord du tapis.» ma grand-mère avait une étagère avec quelques livres peu nombreux mais essentiels : le comte de Monte-Cristo, les Sherlock Holmes de Conan Doyle, 20000 lieus sous les mers et des ouvrages d?un auteur qui compte beaucoup pour moi, G. K. Chesterton. On était à Beaconsfield, la ville ou Chesterton avait vécu et ma grand-mère l?avait connu. Il y a des échos de Chesterton dans mon ?uvre. Il a écrit que le rôle de la fantasy était de prendre ce qui était tellement familier et connu qu?on ne le regardait même plus. Il suffit de le retourner, de le montrer sous un autre angle pour que l?on porte un regard neuf là dessus. Ce me semble être l?un des rôles principaux de la fantasy. » Nous nous garderons bien de commenter de crainte d?entendre Mémé Ciredutemps nous houspiller dans Carpe jugulum : « Commencez pas à tartiner de l?allégorie partout. » Source: le Monde (des livres) - vendredi 12 mars 2004 / Jacques Baudou
Hé hé ... On le retrouve bien là quand même :)J'aime le fait que la paléontologie ressemble à de la SF ... C'est un raccourci amusant mais qui est peut être révélateur de la façon dont les gosses prennent les choses ;)Et finalement comme beaucoup concernant le SdA, une bulle de TdM se forme autour du lecteur et il l'exprime très bien .Et le "rôle de la fantasy" qu'il décrit, ca vous inspire quoi ? ;)Et merci pour la saisie Candide !tout ce que j?ai appris, je l?ai appris à la bibliothèque municipale. L?école ne m?a appris qu?a cracher
C'est assez court donc je la met là!Q : Terry, quand as-tu commencé à écrire de la littérature de l'imaginaire, et pourquoi ?Pratchett : La science-fiction et la fantasy m'ont toujours plu. J'ai commencé à écrire dans ces genres dès mon enfance.Q : Il y a eu une approche particulière avec l'éditeur qui a publié ton premier roman fantasy ?Pratchett : Euh ? Non, rien de tel. J'ai seulement expédié une copie à l'éditeur et tout de suite après il a été accepté. Je crois que c'était en 1968...Q : D'où est née l'idée principale du monde fantasy fou que tu décris ?Pratchett : Le Disque-Monde ne représente pas un monde fou. Ou, tout du moins, comparé à notre monde, il est assez "sain". Je dirai que le Disque-Monde n'est pas un monde fou, il en a seulement l'air !Q : Y a-t-il une raison en particulier pour laquelle tu as décidé d'écrire de la littérature fantasy avec cette particularité qui te distingue de la norme ? Peut-être as-tu constaté un manque d'histoires de fantasy écrites de cette façon ?Pratchett : Je ne saurais dire. Il s'agit seulement de ma façon d'écrire, je crois. Je n'avais pas de grandes idées dans la tête quand j'ai commencé à me risquer à écrire ces histoires. Je voulais juste écrire le type de choses que j'aime lire.Q : Terry, penses-tu qu'il existe une différence entre tes romans paradoxaux de fantasy et les œuvres de science-fiction d'auteurs comme Robert Sheckley et Douglas Adams ?Pratchett : Je crois que nous utilisons tous trois dans notre travail le "genre humoristique" traditionnel. Les différences qui existent sont les mêmes que l'on peut rencontrer dans n'importe quel groupe d'auteurs.Q : Quel est l'ingrédient principal utilisé dans tes romans qui te permet d'être toujours dans les listes des best-sellers ?Pratchett : Le "feedback" dit que les gens aiment un mélange fait principalement d'humour et de philosophie. A part çà, s'il était possible d'isoler un ingrédient magique pour réaliser un "best-seller", nous serions déjà tous en train de l'utiliser...Q : As-tu une vague idée des ventes de tes livres publiés en Italie par Mondadori ?Pratchett : Non, vraiment pas. Tout cela passe dans les mains de tant de gens qu'il est vraiment difficile de prendre connaissance de chiffres de ce genre.Q : Un film comme La folle histoire de l'espace, de Mel Brooks, ou une série télé du type de Red Dwarf peuvent-ils aider le public à se rapprocher en masse de la science-fiction dans un sens plus générique, ou penses-tu que ces productions ne sont suivies que par peu d'aficionados ?Pratchett : C'est exactement l'inverse qui se produit. Ces film et téléfilm sont regardés par des millions de personnes (tout du moins en Angleterre). Mais en réalité ils ne traitent pas de vraie science-fiction : ils n'utilisent que les scénarios et quelques intrigues de la science-fiction.Q : Y a-t-il des nouveautés prévues pour le futur ?Pratchett : Énormément.Q : Y a-t-il des projets, par exemple, visant à porter Les Annales du Disque-Monde sur grand écran ?Pratchett : Il y a toujours des projets de ce type, même s'ils sont généralement proposés par des Américains peu convaincus. En tout cas, une adaptation télévisée pourrait rapidement prendre forme.Q : J'ai récemment lu dans une revue spécialisée que tu en as marre des autoroutes de l'information. Pourrais-tu mieux expliquer ce que tu entends par là ?Pratchett : Je n'en ai pas marre, mais j'en ai vraiment jusque là de toutes ces histoires de réseaux. Internet est vendu comme l'instrument magique qui guérira tout. Certes, Internet est divertissant, mais fondamentalement, c'est seulement une autre maudite CHOSE. Le futur n'est pas modelé par la toile. Pou moi, quiconque veut réellement commander une pizza par Internet est quelqu'un de terriblement triste.Source
Le futur n'est pas modelé par la toile. Pou moi, quiconque veut réellement commander une pizza par Internet est quelqu'un de terriblement triste.
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