L'endroit : les élégantes chambres de Maître Elrond dans l'oasis elfique connu sous le nom de Fondcombe. L'humeur : une grande impatience. Le problème : Liv Tyler, la fille aux oreilles pointues et aux lèvres charnues, est introuvable.A ce moment, les acteurs et l'équipe technique attendent sur un plateau caverneux des studios de Stone Street et se préparent à tourner encore pour Le Retour du Roi, la très attendue dernière partie de la trilogie du Seigneur des Anneaux, adaptation de l'?uvre de fantasy de J.R.R. Tolkien.Soudain, Liv Tyler arrive en courant, contrite et embarrassée, ses bottes fourrées apparaissant sous sa gracieuse robe. " On m'a dit d'aller à une retouche de maquillage ", dit-elle, expliquant son retard à Caroline " Caro " Cunningham, la première assistante-réalisatrice, visiblement irritée et qui est en permanence aux abois pour limiter ce genre de perturbations.Le maquillage est parfait. L'incident est clos. L'actrice retrouve son calme et retrouve l'aura de la princesse elfique Arwen, qui implore son père Elrond (Hugo Weaving) d'aller prêter assistance à son amour mortel, le puissant guerrier Aragorn (Viggo Mortensen), alors qu'il réclame sa place légitime de souverain de la Terre du Milieu.Et un couronnement peut en amener un autre.Le véritable homme qui pourrait devenir Roi, alors que la trilogie balaie tout sur son passage avec la sortie du troisième chapitre le 17 décembre et que la saison des récompenses va commencer, c'est le réalisateur : Peter Jackson. Le bonhomme à lunettes, avec ses shorts froissés et ses baskets usées (quand il n'est pas pieds nus) se laisse tomber lourdement dans son siège de plateau préféré, un fauteuil aux tons bordeaux. C'est un trône tout à fait convenable pour un génie du cinéma qui fuit les prétentions hollywoodiennes et préfère créer son art à quelques minutes de chez lui, dans son pays natal, lieu propice aux scènes glorieuses.Le chérubin, un Kiwi de 41 ans, est flanqué de co-scénaristes astucieuses : Fran Walsh (sa compagne depuis 16 ans et mère de ses deux enfants) et Philippa Boyens, qui font des mises à jours du script à la volée, incroyablement polyvalentes, comme à leurs habitudes.Mais il est clairement motivé pour peaufiner son film préféré de la série. Le Retour du Roi conclut l'histoire du hobbit Frodon (Elijah Wood) et de sa quête (détruire un anneau maléfique) qui a commencé en 2001 avec La Communauté de l'Anneau et s'est poursuivie l'année dernière avec Les Deux Tours, qui sort en DVD mardi (une version longue est prévue le 18 novembre) avec dix minutes d'images inédites du Retour du Roi.Avec un budget total aux alentours de 310 millions de dollars, les trois films ont été tournés simultanément et les prises de vue principales achevées en 2000. Mais le budget a permis de réunir tout le monde chaque année pour des prises de vue et des ajustements supplémentaires, la dernière tournée ayant eu lieu le printemps dernier." Tout le monde sent que nous allons être en règle avec l'histoire", déclare Peter Jackson, prenant un rare moment de repos. " Les scènes ont tendance à être plus chargées en émotion, c'est pourquoi les acteurs prennent du plaisir à les faire et pourquoi je prends du plaisir à les filmer. Il faut absolument que ce soit le meilleur. Nous le devons à tous. "Le point d'orgue de cette clôture, dont le réalisateur confirme qu'elle pourrait excéder les trois heures de ses prédécesseurs, est l'extraordinaire fracas des Champs du Pelennor. Le féroce face-à-face entre les bons habitants de la Terre du Milieu et les sombres forces de Sauron promet de faire passer l'escarmouche du Gouffre de Helm pour un pique-nique de hobbits en famille.Soutenu par les précédents succès, Peter Jackson est plutôt calme par rapport aux circonstances. " L'humeur est plutôt à la joie, dit-il, je ne ressens sûrement pas autant de contraintes qu'il y a quelque temps. " Mais la tranquillité sûre d'elle qui l'habite est en contradiction avec le sentiment d'urgence et le dessein qui plane dans l'air et qui va au-delà du résultat à l'écran.L'idée est lancée. Il ne faut pas seulement placer Le Retour du Roi dans une position encore plus favorable que les autres, il faut aussi s'assurer qu'il remportera cette année les Oscars les plus importants, à savoir celui du meilleur film et celui du meilleur réalisateur. Jackson et compagnie avaient jusqu'ici dénigré les prix et les fans criaient leur mécontentement. La croisade pour la reconnaissance commence avec la première sortie DVD des Deux Tours." Peter est trop humble pour faire campagne lui-même ", déclare Richard Taylor, un ami et collaborateur depuis 15 ans et qui supervise Weta Workshop, la fabrique d'effets spéciaux reconnus, où sont moulés les masques ricanants des orques et où sont forgées les armes elfiques. " Il ne s'en préoccupera pas plus que cela. Il a finalement de plus grandes choses à faire. Mais ce serait bien évidemment formidable s'il était reconnu comme le réalisateur au-dessus des normes qu'il est. Il ne fait aucun doute pour nous que ces films auront une longévité exceptionnelle, qu'ils seront encore regardés dans soixante ans. "Peter Jackson et sa talentueuse équipe aux moyens ultramodernes installée dans la banlieue de Miramar, n'ont pas encore fini leur ?uvre qu'ils sont presque aussi légendaires que leurs mythiques héros. Les deux premiers films ont accumulé un total de 19 nominations aux oscars et en ont gagné six. Ensemble, ils ont amassé plus d'1.8 milliard de dollars dans le monde entier, devenant la série de fantasy la plus couronnée de succès depuis Star Wars. De plus, c'était la première fois l'année dernière, depuis 1974 et Le Parrain II, qu'une séquelle était nominée comme l'opus précédent pour l'oscar du meilleur film.Et, toutes nos excuses pour James Cameron (Titanic), Peter Jackson est déjà le maître du monde chez les réalisateurs en termes de salaire et d'influence. Il a d'une part bâti son propre empire de faiseur de films à des milliers de kilomètres des influences d'Hollywood. Mais, d'autre part, son prochain projet est un rêve devenu réalité, une réécriture du classique du grand singe qui l'a poussé à devenir réalisateur : le King Kong de 1933. Au minimum, il gagnera un record de 20 millions de dollars pour ce privilège. C'est même plus que ce que touche Steven Spielberg.Un toss avec l'anneau pour le " maître oscar ".Taylor et ses collègues maîtres des effets spéciaux de Weta ont été fort justement récompensés pour leur travail de fond aux oscars avec La Communauté et Les Deux Tours. Mais on a le sentiment, et pas seulement ici à " Wellywwod " où le réalisateur est un héros local et un gros employeur, mais aussi à Hollywood, que les membres de l'académie gardent les honneurs ultimes pour le dernier film.Il n'y a aucune garantie à cela, surtout lorsque l'on sait que d'autres grands drames seront en compétition cette année, comme The Alamo, The Last Samouraï ou l'aquatique Master and Commander : The Far Side of the World.Et il y a cette rancune étrange que les votants pour les Oscars entretiennent apparemment envers la fantasy et la science-fiction. Alors que quelques titres relevant de ces catégories ont été en compétition pour le meilleur film, comme Le Magicien d'Oz en 1939 ou Star Wars en 1977, aucun n'a jamais gagné. C'est comme s'ils étaient synonymes de frivolité." C'est une honte, n'est-ce pas ? ", déclare Taylor. Le manque d'entrain de Peter Jackson l'année dernière a peut-être contribué à cet oubli dans la catégorie de meilleur réalisateur. " Il ne fait aucun doute que Peter devait être déçu. Mais je suis assez proche de lui et il n'a eu aucun signe d'abattement. Il est quelqu'un de trop bien et trop un gentleman pour cela. "Quoi qu'il en soit, New Line Cinema, le studio derrière ce projet, a reçu le message : bien que l'académie admire de façon évidente les résultats, elle considère plus la trilogie comme une vitrine pour les effets spéciaux, que comme un extraordinaire voyage et un tour de force des acteurs.Donc, au lieu de se concentrer sur des tours comme Gollum, le gobelin sifflant en images de synthèse inspiré par la performance de l'acteur Andy Serkis, il est temps de faire jouer l'élément humain et les rencontres intimes.Comme Peter Jackson décrit le principal objectif des reshoots de cette année. " Nous étions enclins à regarder des scènes déjà tournées et de rendre les interventions des acteurs plus intenses. "Cela peut aussi avoir conduit les acteurs à recevoir plus de considération. Seul Ian McKellen, dans le rôle du sage magicien Gandalf, avait tapé dans l'?il de l'académie et nominé pour La Communauté.Bernard Hill, qui joue le rôle de Theoden, Roi du Rohan, pense que le Sam, indéfectible compagnon de Frodon, de Sean Astin devrait être remarqué. " C'est un rôle si difficile, être le copain, au second plan, du héros ", déclare-t-il. " Mais il a fait cela juste comme il le fallait. "Viggo Mortensen, qui pourrait très bien être nominé comme meilleur acteur pour son émotion intense et pleine d'âme, est content du changement mis en ?uvre. " Les effets spéciaux étaient réellement au top niveau, mais les relations humaines vont rester bien plus longtemps que n'importe quel effet. "C'est pourquoi Bernard Hill et Karl Urban, qui joue son neveu Eomer, chevauchent de nouveau leurs montures en tenue de guerre pour conduire encore une fois les cavaliers du Rohan à la bataille. Devant un écran bleu qui sera comblé par la suite par des environnements, la paire pose en gros plan en train de crier. " Ils fuient, il fuient ! " et " Conduit les vers la rivière, noie les comme des rats ! "" ¨Pete nous a dit aujourd'hui que l'une des leçons qu'il a apprise du Gouffre de Helm, c'est que le public devait voir par le biais des héros. ", dit Bernard Hill, acteur anglais plus connu comme le capitaine condamné du Titanic. " Nous avons donc isolé des moments qui racontent l'histoire de la bataille, mais l'avons fait à travers les personnages des héros. "Toutefois, étant juste une partie d'un grand ensemble, peu nourrissent des illusions de grandeur. Karl Urban, natif de Nouvelle-Zélande, par exemple, connaît son emploi. " Ma profession c'est tueur d'orques ", en référence à la race maléfique qui sert dans l'armée de Sauron. Cela revient à " hurler, se battre et rallier les troupes. "Au revoir aux elfes, bienvenue au singe.Il y a encore beaucoup de travail qui reste à accomplir d'un point de vue technique et qui va se poursuivre en septembre. Mais la fin est bien en vue, un état de fait ponctué par des fêtes d'adieu où les larmes se mélangent aux bulles de champagne, à chaque fois que les acteurs principaux enterrent leurs scènes." C'est incroyablement triste de dire au revoir aux acteurs, " dit Peter Jackson. " Cela donne un caractère final à tout cela. "Viggo Mortensen ajoute : " Tous les interprètes et toute l'équipe technique en ont gros sur le c?ur. Comme la fin approche ils sont tous naturellement sentimentaux. "
Concernant la partie sur King Kong, je vais remonter le sujet, merci donc de ne pas le commenter ici !