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Bonsoir tout monde !Avant de vous exposer mon point de vue je vais tout d'abord requérir votre humble indulgence car il s'agit de mon tout premier post sur ce forum :) ! Je pense que beaucoup de choses ont été dites sur ce sujet mais je voulais quand même apporter ma petite contribution au débat. Je trouve ce débat très intéressant mais je pense également qu'il cristallise très bien un des problèmes de notre société actuelle. Dans tous les domaines, le sujet de la place réservées aux minorités (ethniques, religieuses ...) donne toujours lieu à des débats assez explosifs et qui n'ont souvent pas lieu d'être. Ce qui nous intéresse ici c'est la place des minorités dans la fantasy et je trouve que là encore il s'agit d'un faux problème. Je m'explique.Je suis d'accord sur le fait que l'on retrouve plus souvent des personnages ou des héros de type européen mais vous avez tous trouvez facilement des contre exemple. D'ailleurs je m'étonne que personne n'ai encore cité en exemple le génial Terry Pratchett et ses non moins géniales Annales du Disque Monde dans lesquelles de très nombreuses cultures sont abordées. Toutes font échos à nos sociétés (chinoise, égyptienne, aborigène, tibétaine ...) et à chaque fois je ne me souviens pas que les descriptions physiques se soient attardées sur la couleur de la peau car ce n'est pas ce qui importe le plus dans ses romans. Et d'une manière générale, personnellement je trouve que ce n'est pas ce qui importe tout court lorsqu'on lit un roman. Car comme l'a si bien dit Santino :
Tiens, c'est curieux, mais moi ce que je recherche en fantasy en particulier et en littérature en général, ce n'est pas de (forcément) m'identifier à un personnage. Même si j'aime ça, quand je me crée un lien si fort avec un livre que je ressens plus d'empathie que d'habitude pour ses personnages.Donc je pourrais lire un livre peuplé de gens d'une couleur différente de la mienne, cela ne me gênerait pas. Je dirais même plus: je ne vois pas ce qui m'empêcherait de m'identifier à eux.Du coup, je me demande pourquoi une personne noire, par exemple, ne pourrait pas s'identifier à un personnage blanc, ou autre (toutes les combinaisons sont possibles).De même, le fait d'être une femme ne m'empêche pas de m'identifier à un personnage masculin, et j'ose espérer que des lecteurs arrivent à s"identifier à un personnage féminin. La question, si question il y a (parce que franchement, on brasse beaucoup d'air, quand même, là), ne se limite pas à la représentation ethnique. Elle se pose pareil pour la représentation des femmes, des handicapés, des personnes corpulentes ou que sais-je encore...
Je suis totalement d'accord avec ça, je trouve que c'est parfaitement bien expliqué. Lorsqu'on lit on ne nous impose pas un visuel de façon aussi forte que dans un film / série / anime. C'est pourquoi je pense que l'identification se fait davantage par empathie, en fonction de notre vécu et de notre sensibilité personnelle. Et pas en fonction de la façon dont l'auteur se représente physiquement son personnage. Je pense que le problème réside surtout dans les adaptations. Terremer a été cité plus haut et j'aimerai pour ma part citer un anime (oui je sais léger hors sujet) en vous parlant de l'excellent anime Avatar le dernier maître de l'air dont certains des personnages principaux sont devenus bizarrement caucasien lors de leur passage raté au grand écran. A mon avis dans les prochaines années on verra progressivement apparaître davantage de héros ou de personnages clés non caucasiens dans les romans de fantasy. Mais ça, seul l'avenir nous le dira :P !

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Faut pas chercher très loin.La représentation ethnique dépend de la démographie du pays d'origine de l’œuvre.Plutôt que de demander plus de héros "non-blanc" chez les auteurs vivant dans des pays où 60 à 80% de la population est "blanche", ne vaudrait-il pas mieux voir ce qui se fait en matière de littérature fantasy dans les pays non-occidental (Afrique, amérique du sud, etc... ) si on veut défendre la diversité ? :)Dans les mangas/anime ont a 90% de héros japonais/asiatique, cela n'empêche pas ces derniers d'être extrêmement populaire en France.

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Hello!De mon point de vue, ce débat n'a tout simplement pas lieu d'être, et ce pour deux raisons :1) il se trompe de sujet. Dans le billet à l'origine de ce topic, la considération centrale (qui n'engage que son auteur) me semble être "les USA sont un pays raciste, ce qui se ressent dans ses productions artistiques ainsi que leur réception par le public"(= chiffre de ventes et notoriété, entre autres...), et pas "la fantasy est raciste en tant que telle". D'ailleurs, à ce que j'ai compris, cet auteur est fan et écrivain de fantasy "arabique". Que je sache, son livre a été publié sans censure. Personne ne lui a imposé de changer ses héros arabes en héros de type européen, ni à transformer ses djinns en fées. Quant au fait qu'il y ait moins de fantasy "arabique", "africaine" ou autre, c'est sans doute lié au fait qu'il y ait moins d'auteurs ayant envie de traiter ces sujets, quelle qu'en soit la cause. De même, le fait que cette fantasy ait un moins grand succès (notamment en termes de chiffre de ventes) est sans doute lié aux envies des lecteur. Ce qui m'amène à mon deuxième point. 2) Dans ce débat, on oublie bien souvent une donnée essentielle : personne ne peut imposer ses goûts à autri. Que ce soit le lecteur à un auteur, ou l'inverse : l'auteur écrira ce qu'il a envie d'écrire, et le lecteur lira ce qu'il a envie de lire. Et si un lecteur trouve que la littérature manque d'oeuvres correspondant à ses goûts, il a toujours la liberté de devenir lui-même auteur, ou de partager sa passion avec d'autres pour les encourager à faire de même.Et j'ai bien dit "encourager" et "partager sa passion", et pas "condamner" et "imposer ses goûts".En d'autres termes, si Ahmed Saladin trouve que la fantasy américaine manque de sagas ou héros arabisants (ou autres), la meilleure solution serait selon moi qu'il écrive plus sur ce thème, qu'il convainque les sociétés de production de films ou de séries de porter ses oeuvres à l'écran (et qu'il se batte pour que ses acteurs soient arabes, le cas échéant), et qu'il suscite de la passion pour cet univers au travers de ses écrits, au lieu de critiquer ceux qui ont réussi de ce point de vue parce qu'ils n'ont pas mis dans leurs histoires ce que lui-même y aurait mis...Et j'aurais même tendance à l'encourager pour ce faire : comme le sujet a été relativement peu traité, il a de grandes chances de devenir un précurseur, apportant une touche de fraîcheur au genre parce qu'il explorerait un sujet riche, mais encore peu connu et exploité.

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Juste un petit détail : le "terme "Caucasian" anglais est ce qu'on appelle un "faux ami" qui devrait se traduire en français par "Blanc" ou "de type européen". D'un point de vue purement français, le "type" caucasien (relatif aux natifs de la région du Caucase, donc) se rapproche justement du "type" arabe. Du coup cette confusion peut embrouiller un peu vos démonstrations. ;)

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C'est pourtant un terme utilisé notamment par les ethnologues et les anthropologues. On parle bien de "type caucasien". Si c'est un terme qui vous dérange, vous avez toujours europoïde.

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En fait, aucun terme ne me dérange, du moment que mon propos est compris correctement.Et à ce sujet, je reste sur mon idée : si des gens souhaitent que certains thèmes soient plus développés en fantasy, rien ne les empêche d'écrire leurs propres histoires, ou de sensibliliser les gens à ces thèmes de manière positive.

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Europoïde, c'est mignon, et ça me donne envie de vous citer un grand homme
Merci pour votre lettre. Je regrette, mais je ne vois pas bien ce que vous entendez par arisch. Je ne suis pas d'extraction aryenne, c'est à dire indo-iranienne : pour autant que je le sache, aucun de mes ancêtres ne parlait l'hindoustani, le perse, le tsigane ou autres dialectes associés.
J.R.R. Tolkien répondant à un éditeur allemand en 1938 :) (j'aurais voulu voir la tête de l'éditeur et du ministre de la propagande en lisant cette lettre :p )

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Ben c'est clair que si on reste dans une fantasy de médiéval européen on risque pas d'avoir d'autres choses que des personnages de type européen... Ou alors comme dans Kushiel il faut que les protagonistes voyagent. C'est pas plus compliqué que cela.

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J'ajoute deux "critiques" concernant l'idée (très propre à notre temps) qu'il faudrait que la littérature soit représentative des ethnies et cultures. D'une part la littérature doit-elle intentionnellement se donner pour finalité de traduire non seulement les différentes populations présente dans le pays de l'auteur, mais surtout de se soumettre aux idéologies de son temps ? D'autre part, n'est-il pas curieux de reprocher à ce genre en particulier son orientation ethnique ou culturelle quand elle permet au contraire, de prendre délibérément en charge l'Autre ? Ensuite, je ne peux que rejoindre les autres avis qui invitent chaque culture à prendre en charge sa représentation, pourquoi une seule déracinée devrait-elle sacrifier sa particularité culturelle et donc porter l'universel, alors que les autres pourraient continuer à poursuivre dans leur particularité ? Il y a là une contradiction qui me laisse pantois, surtout pour le genre qui nous concerne. Comme quoi les enjeux idéologiques viennent même parasiter une branche qui se destinait en son essence à nous faire évader. Je retourne donc la critique : la Fantasy ne doit-elle pas, au contraire, se refuser à ce type de récupération idéologico-politique, si elle entend encore dépasser le cadre du monde dans lequel elle voit le jour ?

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Sans que l'auteur ne se soumette intentionnellement aux idéologies de son temps et cherche à en faire la propagande, il est néanmoins le produit de sa culture et de son histoire personnelle. Qu'il le veuille ou non, cela transparaît dans ses écrits (que ce soit subtile ou non) et dans sa façon d'appréhender le monde, même s'il décide de justement prendre le contre-pied de ce qui lui est connu ou d'explorer d'autres horizons.

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Certes il est illusoire de se croire absolument singulier, nous ne sommes qu'un carrefour d'influences; toutefois la question qui se pose est de savoir si la littérature doit-être le simple témoin de son temps, et donc d'enregistrer passivement la matière, ou bien au contraire si elle doit être un véritable territoire de création, qui tout en malaxant des idées de son temps et de son histoire personnelle, tente de les transcender. J'ai tendance à croire que la réelle destination de la littérature doit être une sorte d'écart, non pas tant pour fuir le présent, mais pour le déplier, le penser autrement, ce qui suppose de s'en extraire un minimum. Sinon lire reviendrait à respirer le climat ambiant, ce qui n'est pas toujours agréable et fructueux.

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Ah mais je suis tout à fait d'accord. Je pense que l'on peut également se détacher du réel de façon crue et néanmoins offrir une réflexion intéressante sur le sujet. @ Karine : Pourtant, il n'y avait pas que des européens en Europe et ce, dès le Moyen Age. Ils ont même trouvé une place dans les écrits, je pense notamment à Othello (~1603).

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Ben... pour ma part, ce qui me gène le plus dans ce que je lis actuellement, c'est le mot "doit" dans toutes les phrases...La littérature "doit"-elle faire ceci, la fantasy "doit"-elle être cela...Il ne faut pas oublier que la fantasy, et la littérature en général, c'est avant tout les auteurs qui l'écrivent. Donc, à chaque fois que l'on dit ou écrit que la littérature ou la fantasy "doit" ou "ne doit pas" faire telle ou telle chose, cela revient à dire que "les auteurs doivent ou ne doivent pas faire telle chose".Or, pour moi, l'essence même de l'écriture est que l'auteur écrive avant tout ce qui lui plaît à lui, et pas ce que la société/le lectorat/les conventions sociales ou que sais-je voudraient lui voir écrire.Si un auteur souhaite faire une subtile critique de la société au travers de ses oeuvres, tant mieux pour lui. Mais s'il a simplement envie d'écrire une histoire d'aventure bon enfant, bien loin de considérations philisophico-ethnico- sociales, c'est son droit aussi.En ce qui me concerne, par exemple, lire des histoires avec des nains et des elfes archétypaux, ça me gave, parce que je ne trouve pas ça original. Je préfère donc les histoires comme l'arcane des épées, l'épée des ombres ou les royaumes d'épines et d'os, qui en sont dépourvues. Ce point de vue me donne le droit de ne pas lire des histoires d'elfes ou de nain, oun de dire que je n'aime pas les histoires d'elfes ou de nains, mais elle ne me donne aucunement le droit de dire qu'il faudrait que les auteurs écrivent moins d'histoires avec des elfes et des nains dedans. S'ils aiment écrire des histoires avec des elfes et des nains, c'est leur droit le plus strict, et j'ai même envie de dire "tant mieux pour eux si ça leur fait plaisir, et que leur lectorat suit".Là où il y aurait un réel problème, c'est s'il y avait un système de censure raciste qui ferait, par exemple, qu'il serait interdit de publier de la fantasy dont le héros ne serait pas typé européen. Or, il me semble que ce n'est pas le cas actuellement.Donc, les auteurs en herbe ou chevronnés qui souhaiteraient écrire des histoires centrées sur un héros de type non-européen ont toute latitude pour le faire actuellement. Et d'un point de vue personnel, je les encourage à le faire s'ils en ont l'envie, cela apportera un point de vue intéressant et différent à la fantasy.

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Je me fais un devoir de répondre à cette critique du "devoir", ou de la destination de la littérature. Certes je comprends bien que les exigences que j'avance sont méchantes, mais elles ne le sont qu'en apparence. La finalité ce n'est pas de donner des critères élitistes pour se vanter de lire de grandes oeuvres quand les autres se plaisent dans de la sous littérature. La finalité réelle est de servir la littérature.La culture est par nature sélection, discrimination, bref jugement valoriel. On peut juger ça élitiste mais c'est comme ça, certaines oeuvres vont perdurer quand d'autres durent une année. Quand je lis que la littérature ne saurait tolérer la question du "devoir", qu'elle n'est qu'affaire de "droit", "droit" d'écrire ce qu'on aime, et bien je me dis qu'on évacue tout critère de jugement, qu'on instaure le relativisme. On peut estimer qu'il s'agit-là d'un respect de chacun, moi je crois qu'on ruine par-là même toute portée à la littérature. Que tel auteur puisse se complaire dans un cycle simpliste, avec une même recette, c'est son droit. Mais ne peut-on pas penser qu'il sert ainsi mal la littérature et qu'il pourrait, peut-être, en faire un usage moins commercial et plus enrichissant ? Avoir le droit ne suffit pas. Le droit d'être un classique se conquiert, et donc que se pose la question de la finalité de l'oeuvre.

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J'aime beaucoup ta façon de présenter les choses :"Je me fais un devoir de répondre à cette critique du "devoir", ou de la destination de la littérature..."Une entrée en matière excellente dans l'humour de répétition discret et et bon aloi, si je puis me permettre. "La finalité réelle est de servir la littérature..."Bon, ben comme ça c'est clair, c'est plié."La culture est par nature sélection, discrimination, bref jugement valoriel. On peut juger ça élitiste mais c'est comme ça..." 'Non-non, si "c'est comme ça", tu penses bien* qu'"on" ne va pas aller émettre un quelconque jugement, surtout valoriel. "Le droit d'être un classique se conquiert, et donc que se pose la question de la finalité de l'oeuvre.""Le droit", "être", "ce qu'est un classique", "la notion de conquête", "le questionnement", "la finalité", "l'oeuvre" : tout y est, la concision en plus, comme dans les notices Ikea.Je suis admiratif. ;)* pas fait exprès, juré-craché.

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Aléthia a écrit :@ Karine : Pourtant, il n'y avait pas que des européens en Europe et ce, dès le Moyen Age. Ils ont même trouvé une place dans les écrits, je pense notamment à Othello (~1603).
L'exception qui confirme la règle... Tout comme le chevalier de saint-george au 18éme siècle. Je ne suis pas rentrée dans les détails... Parce que oui des gens de couleurs il y en a toujours eu mais avouez que morgan freeman dans l'Angleterre de robin des bois sur le coup cela surprend, non? ;)Bref, il y a toujours des exceptions, des nuances... Mais bon l'Europe du moyen-age elle est blanche, alors quand s'inspire de cette époque c'est assez logique que cela "manque de couleurs". Apres qu'on rajoute de la couleur, de la variété, de l'acceptation des différences bien sur que j'approuve. Mais si y a pas je ne m'en étonne pas.

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Karine des chats a écrit :Parce que oui des gens de couleurs il y en a toujours eu mais avouez que morgan freeman dans l'Angleterre de robin des bois sur le coup cela surprend, non? ;)
Pas tant que ça quand on sait que Robin l'a "ramené" des Croisades. Sa présence surprend les gens, qui n'ont jamais vu une personne de couleur de leur vie et l'associent forcément à un "infidèle", mais il n'est pas arrivé là tout seul.Là où j'ai un peu de mal (OK, c'est pas fantasy, mais ça illustre quand même le propos), c'est avec la diversité culturelle très 21è siècle des Musketeers de la BBC, qui nous proposent un Porthos métis et un D'Artagnan trèèèès latin. J'ai des doutes sur "l'intégration des minorités" dans la France de 1630... Bon, cela dit, ça m'a dérangée dans le premier épisode, mais je m'y suis fait dès l'épisode 2. Un épisode de plus et je ne ferai même plus attention. ;)