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par Littlefinger
Elbakinien d'Or
Ben justement...en parlant de Man of Steel :Qui ne connaît pas l'histoire de Clark Kent ? Créé en 1932, il fut rapidement un des super-héros les plus universellement connus. Parangon des valeurs américaines, véritable machine patriotique,le héros Kryptonien n'a pourtant plus le vent en poupe depuis quelques temps au cinéma. Singer avait d'ailleurs un temps tenté de redonner vie au mythe dans Superman Returns mais encore une fois ce fut une déception cuisante...Car le plus célèbre des justiciers est un cliché ambulant.C'est le prix à payer d'être arrivé le premier. Toujours propre, toujours surpuissant et infaillible, éternellement amoureux de sa Loïs Lane, Superman est... chiant. Même dans les comics, Superman est vraiment chiant, bien plus qu'un personnage torturé comme Batman.Pourtant c'est dans ces même comics que le salut a pointé le bout de son nez avec deux récits majeurs et formidables. D'abord, l'extraordinaire Kingdom Come, puis le sublime Superman Earth One avec lequel Man of Steel affichent de nombreux liens.C'est après la renaissance de Batman au cinéma dans une version épurée du kitsch et des pitreries du passé que Superman a droit à un traitement similaire et au combien nécessaire pour lui. Cette fois, et même si Nolan reste producteur, c'est Zach Snyder qui s'y colle. Réalisateur de la meilleure adaptation comics de tous les temps avec le monumental Watchmen (voyez-le en Director's Cut !), Snyder était l'homme de la situation, avec un sens de l'icônisation fabuleux (Rorschah ou Leonidas le démontrent amplement) et surtout un sens de l'action plus que démontré.Comme pour Batman Begins, Man of Steel va diviser, et les fanboys vont encore crier au viol. Pourtant, jamais Superman n'a été si humain, si puissant et si fort.En refusant d'emblée de nous la jouer "Bienvenue à Smallville, on vous présente Clark", Snyder choisit de nous offrir un bon gros morceau de SF en montrant les origines Kryptoniennes et en présentant les deux parents biologiques de Kal-El. Élégant et stylisé, le prologue met directement en place l'intrigue et l'enjeu principal avec l'introduction du Général Zod interprété par le très grand Michael Shannon, magnifique une fois encore ici. Les parents de Kal-El ne sont pas en reste et Jor-El jouit pleinement de la belle interprétation de Russel Crowe alors que Lara Lor-Van se trouve en retrait, le personnage de la mère n'étant en fait pas vraiment le sujet. C'est un peu regrettable. Aussi succinct qu'efficace, ce voyage sur Krypton pose les jalons de la nouvelle envergure du sujet. Par la suite, naturellement on retrouvera Clark adulte. En s'inspirant du Superman de Straczinski, Snyder livre un magnifique personnage. Exit le héros fringuant et sûr de lui, invincible bouclier protecteur. Clark s'avère un homme rongé par ses origines qu'ils cherchent désespérément. Héros anonyme et fugitif, le Superman de Snyder opère en sauveur discret. Les quelques sauvetages sont splendides, à grand renforts d'effets spéciaux impressionnants. Très vite, on s'aperçoit que le long-métrage laisse peu de place à l'humour, mais qu'il profite en même temps d'une auto-dérision salutaire notamment autour de l’appellation des humains : Superman. L'objectif principal de Snyder semble être d'éviter à son héros de paraître ridicule. Un mec en slip rouge ne pouvant décemment que prêter à rire, celui-ci n'existe plus. Et tout du long, pour la première fois depuis presque toujours, le surhomme paraît crédible, paraît proche.Pour cela, outre le fait que toute exubérance reste contenue, Snyder fait de réguliers flash-backs sur l'enfance de Kent et revient sur sa relation avec son père adoptif, Jonhatan Kent, l'autre face du miroir de Jor-El, interprété par un Kevin Costner revenu d'entre les morts, superbe et émouvant. Magnifié par les notes douces et nostalgiques de la partition d'Hans Zimmer, ces petits bouts de vie du jeune Clark sont une pure réussite. Ils démontrent que Clark n'est pas tant un surhomme qu'un être perdu loin de chez lui, isolé par ses pouvoirs, terrifié par ses capacités. Ses relations avec ses parents adoptifs sont les plus belles qui soient. Entre Martha Kent rassurant son fils mort de peur à travers une porte en passant par un Jonhatant Kent qui lève une main pour arrêter son fils au prix de sa vie, voilà une des choses qui manquait pour humaniser le héros, lui donner des fêlures et des souvenirs touchants, une chose que Superman Earth One avait compris. Le couple Diane Lane - Kevin Costner n'y est pas étranger, tant le jeu des deux étonne par sa sobriété et par son économie de mots. Superman, par ces séquences, prend visage humain plus que par toutes autres choses. C'est aussi un des seuls reproches à faire au long-métrage, d'avoir disséminé les flash-backs et de ne pas juste avoir allongé cette partie de la jeunesse pour en faire un bon segment poignant. En l'état, le rythme s'en trouve haché.Pour le reste, le super-héros prend son envol et son assurance par la suite et l'inévitable confrontation avec Zod. Enchaînant les morceaux de bravoure et les séquences incroyables, Man of Steel tient la dragée haute à Avengers, l'action s'enflamme dans les dernières minutes et l'affrontement Zod-Superman fait office de feu d'artifice. La relation entretenue entre Zod et Kal-El reste également très bien trouvée, opposant un homme en quête des siens, Kal-El, à un monstre issu de sa planète qui ne veut que faire survivre les siens à n'importe quel prix. Ainsi, le cri final de Superman, agenouillé dans la gare en fera frémir plus d'un, tant le désespoir de l'acte et sa portée pour lui restent un brise-coeur. Encore une fois, On y voit un héros souffrir, comme un homme. Pourtant, jamais Snyder n'oublie d'icôniser son Superman. Décrit comme une sorte de Messie, revenant aux sources du personnage, Snyder assume l'héritage de porte-étendard de Clark sans pourtant en faire un bête outil américain, désamorçant le côté gonflant et barbant du Kryptonien. Le dernier flash-back mêle d'ailleurs les deux éléments et fait de l'enfant une chose divine virevoltant avec sa cape sous les yeux d'un père déjà ébahi, une très très grande scène filmée de façon magistrale.Dernier point et non des moindres, la relation de Clark et de Loïs change grandement également, celle-ci n'est plus niaise ou idiote pour un sous, mais une femme aussi forte qu'intègre, auquel Snyder évite le traditionnel "Tiens bonjour Clark, c'est la première fois que je te vois" qui achevait souvent la caricature du super-héros. Assez peu creusée, la mise en place de leur relation et la toute fin du métrage, simple mais prometteuse, ouvrent de belles perspective. L'alchimie entre les deux acteurs y est pour beaucoup. La beauté naturelle d'Amy Adams fait merveille mais, terminons avec lui, Henry Cavill, lancé par les Tudors, épouse parfaitement son personnage de Kal-El/Clark Kent et compose un rôle aussi fort qu'émouvant. Sorte de paria rongé par ses fantômes, il trouve la juste mesure entre l'homme et le Dieu, sans jamais tomber dans le kitsch si souvent associé au rôle. Bravo.Longtemps, Batman a dominé les héros DC au cinéma. Plus maintenant.Man Of Steel ne vient pas redorer le blason de l'homme au S, il vient le reconstruire, le crédibiliser et l'humaniser. Avec force et conviction, Snyder bâtit un film de la maturité, prenant, poignant et trépidant.Man of Steel ressuscite Superman.