Pour moi le style en soit n'est pas une donnée essentielle : dans ces littératures épiques, il doit être transparent, cohérent avec le récit - ce que Keyes fait très bien.L'affect est effectivement plus en cause : Dans les
Royaumes, les personnages sont campés, mais finalement leurs destins sont un peu noyés dans l'intrigue épique et politique... ce Roi de Bruyère, en premier, véritable force élémentale
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qui fait pschitt en un tome,
puis la petite reine somme toute assez cohérente et prévisible, de même que les deux guerriers, le Nordique loyal et le méridional filou... Je ne veux pas médire d'un cycle qui m'a tout de même tenu en haleine, mais j'ai quand même la sensation que seule la sous-intrigue du compositeur m'éveille encore des émotions, plusieurs mois après. C'est en cela que je dis que c'est un bon cycle, mais pas un pour lequel on pourrait pardonner des défauts.Pour avoir lu les deux autres cycles de Keyes parus en français, je crois savoir ce qui lui manque pour moi : un je ne sais quoi d'irrationnel, de désorganisé, qui ferait qu'on peut renoncer à "tout" comprendre - sensation que je recherche chez Holdstock par dessus tout, mais également Miéville ou Tim Powers en SF/Fantastique. Keyes, c'est de la ligne claire, pour parler franco-belge !Et ces temps-ci je préfère une forme plus impressionniste... du Dave McKean plutôt que du John Byrne, pour passer à une métaphore américaine.A la limite, j'ai préféré
les Démons du Roi-Soleil qui comportait quelques touches délirantes... surtout la fin d'ailleurs !Cela dit, puisqu'il est question de comparer avec Haydon (comparaison discutable d'ailleurs...), ce n'est pas non plus de l'impressionnisme... mais j'admire cette manière de nous présenter des choses complètement arbitraires, comme si l'auteur disait "je fais ce que je veux, c'est de la fantasy"... tout en nous poussant à l'abandon. Je veux dire, un océan qui rend immortel, des sœurs qui voient le passé, le présent et l'avenir respectivement, et surtout une bombe sexuelle qui se prend pour un monstre... on est vraiment sur le fil du rasoir de la suspension d'incrédulité ! Alors que quand on sort des
Royaumes, au bout du compte tout fait sens et semble assez rationnel - peu de prise de risque, en somme.