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Seigneur de Lumière, Prix Hugo 1968 (rien que cela, c’est déjà bien parti pour être de la balle !) : 4ème de couverture, achtung spoilers !Ils ont pour nom Brahma, Yama, Krishna, Vishnou, Kali et Shiva. Ils ont quitté la Terre à bord de l'Étoile-de-l'Inde et ils règnent en maîtres sur les habitants d'une planète isolée. Jusqu'à ce que l'un d'entre eux, las de cette situation scandaleuse, décide de dire la vérité aux mortels. Il se nomme Bouddha et son hérésie va bientôt faire des ravages dans les rangs des Seigneurs de lumière...
Pour ceux qui privilégient le plaisir la découverte, cela se passe ici : ;)Oui je sais c’est Science-Fantasy : c’est même à la fois très Science Fiction et très Fantasy.Les 2 lectures sont possibles d’ailleurs dans ce Planet Opera qui relit magistralement l’hindouisme et le bouddhisme, car la technologie peut être indiscernable de la magie aux yeux des profanes, et l’illusion est bien maintenue dans une sacrée bonne partie du roman. D’ailleurs le personnage principal ne se prive parfois pas de brouiller les cartes.Oui je sais cela a été écrit en 1967 ! Mais franchement c’est plus moderne, et à la fois plus frais et plus profond que bien des trucs sortis ces derniers mois ou ces dernières années.Pour les autres, cela continue là : ;)Une fois qu’on a compris de quoi il retournait, c’est vraiment très plaisant que de glisser de la SF à la Fantasy et vice-versa.Le héros se met aussi parfois de la partie : les Yakashas sont-ils de véritables démons où une forme de vie autochtone alien ???C’est aussi fort agréable de découvrir derrière le masque des divinités hindoues des psioniques surpuissants se faisant passer pour des dieux mais qui étaient autrefois de simples humains partis à la conquête des étoiles
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Le pouvoir infini corrompt infiniment et ces faux dieux infiniment puissants et infiniment corrompus nous offrent aussi une plongée dans les profondeurs de nos egos respectifs, à l’image du Francis Sandow de l’Île des Morts et du Sérum de la Déesse Bleue du même auteur qui nous expliquait que pour obtenir des pouvoirs divins il fallait commencer par se prendre pour un dieu.Après Dilvish, Corwin, Merlin, Kai Wren et même Snuff le chien, Mahasamatman, « Sam » pour ses amis, est un héros ambigu mais profondément humaniste doté d’une farouche volonté d’éradiquer un système profondément inique. Ce demi-dieu rebelle, ce Prométhée moderne va une nouvelle fois affronter ses pairs, en menant cette fois-ci une révolution sociale inspirée du bouddhisme.On retrouve donc avec plaisir un Dallas fantasy avec ce panthéon hindou où chacun possède ses amitiés et ses inimitiés, ses amours et ses haines… d’où une longue lutte faite d’intrigues retorses, d'alliances contre-nature, de trahisons en veux en voilà et de combats hollywoodiens entre super-héros cosmiques à grands coup d’Attributs (ADM portatives ndt) !Bref l’épique côtoie l’éthique grâce au style original et quasi inimitable de Roger Zelazny. ^_^Attention toutefois à la narration sophistiquée car il y a 3 trames temporelles bien distinctes dans le roman et l’auteur ne prévient pas quand il passe de l’une à l’autre (grosso modo : le monde d’avant, la 1ère rébellion de Sam, la 2ème rébellion de Sam).On peut suivre la narration de l’auteur mais pour ceux que cela pourrait rebuter, on peut aussi suivre les chapitres dans l’ordre chronologique du récit : 2, 3, 4, 5, 6, 1, 7.Le style ne fait pas trop dans la fioriture en dépit de nombreuses citations et références orientales. Et c’est tant mieux car sinon l’imaginaire de l’auteur serait inabordable, lui qui déjà ne réussit pas toujours à extirper une vision bien claire de ses idées.Mine de rien les pages se tournent sans que l’on s’en rende compte tant on a envie de savoir comment Sam va s’en sortir…Et encore une fois (ou plutôt déjà à l’époque !) un énorme subtext progressiste : ;) achtung spoilers !- hier comme aujourd’hui élite surpuissante mais enfermée dans ses tours d’ivoire dirige la destinée de peuples à la limite de la misère- en transférant leur psyché d’un corps artificiel à un autre, les colons acquiert l’immortalité et conservent indéfiniment leur position(Dans le monde réel, on parle désormais d’allongement de la vie à 150 ans, mais à un prix prohibitif qui le réserverait aux plus riches…)Et dans le processus ils acquièrent des pouvoirs psioniques surpuissants en accord avec leur personnalité souvent narcissiques…
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- on accorde la grâce de la réincarnation à ses adorateurs les plus courtisans : quiconque n'a pas le bon karma, c.a.d. ne se conforme pas aveuglément et servilement au système, est réincarné en animal...Bref le conformisme le plus stupide et la courtisanerie la plus éhontée se marient bien pour faire office d’erzatz d’ascenseur social- pour se préserver d’une éventuelle concurrence toute forme de technologie est condamnée sans une once de pitié (WC y compris)- on maintient ainsi les peuples dans l’ignorance pour mieux préserver sa position, comme le font les dictateurs de toutes les époques(C’est d’ailleurs le thème de l’adaptation animée de Valérian & Laureline, véritable chaînon manquant entre Doctor Who et Star Wars)Bref pour qu’une vie meilleure s'installe chez les humains, il faut faire choir de son piédestal des élites qui verrouillent toujours le système dont elles profitent éhontément. Mais ce n’est vraiment pas une mince affaire !En 1979 était prévue une adaptation cinématographique avec Jack Kirby "The King of Comics" (Captain America, X-Men, Fantastic Four, Hulk, Thor, Avengers, X-Men…) comme conseiller artistique. Comment cela aurait pu grave le faire !!!Et pour être complet, sachez oh elbakiniens & elbakiniennes que ce film mort-né a été récupéré par la CIA comme couverture pour infiltrer l’Iran durant la révolution islamique pour sauver en marge du zozogate des expatriés américains en fâcheuse posture.En bref :On suit la quête d’un dieu progressiste qui se lance dans une théomachie à plusieurs temps pour rompre les chaînes d’une humanité asservie aux caprices d’une élite narcissique.Arrivé à la fin on ressent un terrible sentiment de manque : pourquoi le roman ne fait pas 200 ou 300 pages de plus ?Ce Seigneur de Lumière est vraiment brillant. Je lâche sans doute généreusement les points : un bon gros 8,5/10 ! :)(mais une critique parlait d’expérimentation littéraire datée, d’emphase, d’ennui, de manque de fond, d’un écrivain surestimé…)On retrouve Seigneur de Lumière dans l’anthologie Seigneurs de Lumière parue dans la collection Lunes d’Encre…(une petite bible Zelazny à posséder absolument, merci bien Gilles Dumay !).

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Han, je ne savais pas que les Zelazny étaient réédités, c'est une excellente nouvelle !Je les ai encore dans leur ancienne version Présence du Futur, avec la couverture blanche et les feuilles à moitié arrachées :D

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Luigi Brosse a écrit :La version Denoël comprend en outre Royaumes d'ombre et de lumière et L'Œil de chat (un beau bébé de 832 pages).
Dans mon souvenir (vague)...- Seigneur de lumière est un pur chef-d’œuvre de la première à la dernière ligne.- Royaumes d'ombre et de lumière est incompréhensible mais sublime. Ou, si vous préférez, sublime mais incompréhensible.- L'Œil de chat est un roman mineur mais tout à fait plaisant.Pour qui ne possède aucun de ces livres, le Lunes d'encre est donc hautement recommandable.
Albéric a écrit :(mais une critique parlait d’expérimentation littéraire datée, d’emphase, d’ennui, de manque de fond, d’un écrivain surestimé…)
Si nous pensons à la même personne, elle dit elle-même sur son blog être un con. :lol:Plus sérieusement, je ricane toujours devant ces critiques qui jugent forcément surestimé un auteur que beaucoup apprécie quand eux ne l'aiment pas.

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Wormwood a écrit :- Royaumes d'ombre et de lumière est incompréhensible mais sublime. Ou, si vous préférez, sublime mais incompréhensible.
La fin est... probablement la fin la plus extraordinaire que j'aie lu depuis A sound of Thunder de Bradbury.Mais c'est vrai que le reste est assez incompréhensible :D
Wormwood a écrit :L'Œil de chat est un roman mineur mais tout à fait plaisant.
C'est basé sur les légendes Navajo, non ? J'avais un peu moins aimé, il me semble. Peut-être parce que je ne reconnaissais pas le panthéon, à la différence des deux précédents.Toi l'immortel était pas mal non plus, de mémoire.

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@ Wormwood & Grenouille_BleueComme on dit les goûts et les couleurs, mais Zelazny c’est quand même 1 Apollo, 6 Hugo, 2 Locus et 3 Nebula… :sifflote:« Seigneur de lumière est un pur chef-d’œuvre de la première à la dernière ligne. » Tout a fait d’accord ! :)C’est beau, c’est riche, c’est abouti. Je ne vois pas comment on ne peut le voir. :)Par contre la qualification d’expérimentation littéraire n’est pas usurpée pour Royaumes d'Ombre et de Lumière qui de toutes les manières n’aurait jamais du être publié (il n’a jamais été destinée à cela).Transmission de pensée : je suis en train de rassembler mes souvenirs pour donner mon avis.Tu avais écris « incompréhensible mais sublime / sublime mais incompréhensible »J’avais écrit superbe mais foutraque ! :pC’est à lui que je pensais quand j’écrivais, « il ne réussit pas toujours à extirper une vision bien claire de ses idées. »Parce pour se représenter les marées de la vie et de la mort, les guerriers temporels, le père-fils et le fils-père, La Chose qui Hurle dans la Nuit, les artefacts divins, le Général d’Acier, l’Abysse de Skagganauk... avec des discontinuités narratives importantes et des personnages qui appartiennent à une même famille truffés de paradoxes spatiotemporels : c’est limite un Doctor Who sous LSD !Mais les plus grands ne s’y sont pas trompés : ;)Dan Simmons a repris le combat entre maîtres de la fugue temporelle dans Hypérion.Neil Gaiman a repris l’idée du carrousel des dieux dans American Gods.Halluciné mais fascinant.Par contre la qualification d’expérimentation littéraire n’est pas usurpée non plus pour L’Oeil de Chat, car on voit assez rapidement que le pitch de départ est une excuse pour nous amener vers son idée force : pour échapper à prédateur télépathe, le Navajo Billy Singer doit ensauvager sa pensée (redevenu sauvage il n’est plus lisible pour Chat qui s’est civilisé au contact des humains).Les bouts de mythologies amérindiennes font ainsi figure de retours acides censés nous monter la transfiguration de son moi.Arrivé à un certain point, c’est difficile de suivre l’auteur sans avoir pris du peyotl… :DJ’en avais déjà parlé ici (message #18) : http://www.elbakin.net/forum/viewtopic.php?id=6957&p=1C’est dingue combien la new wave a accouché de cador de la SFFF (Leiber, Zelazny, Moorcock, Vance…) pas sûr que depuis on ait retrouvé autant de pionniers allant aussi loin dans leur imaginaires.Et effectivement pour qui ne possède aucun de ces livres, le Lunes d'encre est donc hautement recommandable. :coeur:Là, je sens 2 personnes bien parties pour discuter des œuvres de Roger Zelazny : :)/viewtopic.php?t=6613/viewtopic.php?t=3576/viewtopic.php?t=6711/viewtopic.php?t=3087(et je ne parle même pas des Princes d’Ambre) :sifflote:@ Luigi Brosse (merci pour le lien) ;)Mais quelle couverture mochissime pour cette version poche du Seigneur de Lumière ! :o

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Post déplacé. cette couverture a davantage sa place dans son propre topic que dans celui des couvertures particulières, qui concerne davantage les montages d'ailleurs.

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Déterrage...novice aux grosses pattes.
A propos d'ombres et lumières ,découvert en épisodes et en partie.
.la filiation expérimentale est claire, voire pop art, le cutting,
la scansion ,avec de massifs changements de rythme. OK c'est cool . mais
Avec le souffle le génie et la poésie en plus.
Les passeurs de ces revues ; de vrais illuminés..dans tous les sens.
La fugue temporelle.. Eof