Livres Hebdo a écrit :Jean-Philippe Toussaint à l'école des traducteursL'écrivain est venu parler de sa relation avec ses traducteurs aux élèves de la toute nouvelle Ecole de traduction littéraire du Centre national du livre. Une invitation à l'audace tout autant qu'à la rigueur.Ce 19 mai, le Centre national du livre ouvre ses portes aux 15 étudiants de la session expérimentale de l'Ecole de traduction littéraire qu'il a mise en place depuis le 7 avril. Chaque samedi, l'école, dirigée par Olivier Mannoni, ambitionne de leur transmettre une pratique du métier, une réflexion sur l'acte de traduire et des outils professionnels, à travers des échanges avec des éditeurs et des traducteurs chevronnés.Ce matin-là, l'écrivain Jean-Philippe Toussaint leur parle du travail particulier qu'il mène depuis une dizaine d'années avec les traducteurs de ses ouvrages au Collège européen des traducteurs littéraires de Seneffe en Belgique. « J'ai pris conscience de ce qu'est le travail du traducteur », explique l'auteur de La salle de bains, Faire l'amour, La vérité sur Marie (Minuit). «Ce qui ne veut pas dire que j'ai changé ma façon d'écrire en conséquence. Ce n'est pas à moi de faciliter le travail du traducteur en amont.» En revanche, il peut l'éclairer sur son propre texte, expliquer le choix d'un mot, préciser ses « intentions conscientes et les arrière-plans, les connotations de la phrase.» Surtout que, lance-t-il, « les traducteurs sont d'impitoyables lecteurs, et l'on a intérêt à écrire de bons livres ! ».Au fil de la matinée, les étudiants, qui sont venus chercher dans cette école une «philosophie de la traduction» selon l'une d'eux, peuvent recevoir les réflexions de Jean-Philippe Toussaint comme autant de conseils. « Quand on écrit, souligne-t-il, il y a une sorte de zone de flou acceptable et presque inconsciente, et cette zone de flou, le traducteur l'enlève. Chaque mot va être mis sur une pince à linge. Il est important que la grammaire et le vocabulaire soient précis. Ensuite, ce « sfumato », le traducteur peut le recréer dans sa langue et supprimer l'impression de corde à linge. A lui de retrouver cette petite dose d'imprécision absolument nécessaire à la fluidité de la langue. »Face aux traducteurs, le rôle de l'auteur n'est pas de s'immiscer dans la langue d'arrivée. Mais, précise-t-il, «je veux être extrêmement présent, responsabiliser le traducteur, le stimuler, l'encourager. Je veux m'assurer qu'il ait envie de bien faire, qu'il prenne le livre à cœur. » Ainsi, « les conditions idéales de la traduction » à ses yeux, seraient les suivantes: « présence de l'auteur ; 6 ou 7 traducteurs pour avoir une ouverture, des regards croisés sur le texte ; et plusieurs personnes dans chaque langue car il est important que le traducteur dialogue avec d'autres. » Mais aussi, ajoute-t-il, «trois mois de repos» après le travail avec l'auteur, afin que le traducteur s'en affranchisse, tout en le gardant en tête.Jean-Philippe Toussaint, qui rend compte du travail avec ses traducteurs sur son site Internet, a confié aux étudiants sa tentation d'écrire un texte sur la traduction.
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Je comprends bien que que c'est "dans l'idéal" et selon le strict de point de vue de l'auteur, mais ce sympathique délire pose quand même quelques petits problèmes :. Tout d'abord, la présence de l'auteur. Auprès du traducteur ? Mais le traducteur est souvent à l'autre bout du monde. Donc il prend son ticket de métro et il va squatter chez l'auteur pendant tout le temps de la traduction ? Je ne vois que cette solution, parce que si, en plus, ce n'est pas un mais 6 ou 7 traducteurs dont il est question, l'auteur aura du mal à aller chez tous les traducteurs simultanément, ceux-ci étant réputés pour leur manque d'instinct grégaire. Reste les échanges par e-mails, mais on ne peut plus vraiment aprler de "présence". Pour un bouquin de 400 feuillets, ça pourrait prendre quelques années.... Le problème des "regards croisés" des 6 ou 7 traducteurs. Bon, d'accord, mais qui établit la version définitive ? Décision collégiale ? A l'unanimité ou à la majorité simple ? Là encore, on peut prévoir un délai de quelques années.. "Plusieurs personnes dans chaque langue car il est important que le traducteur dialogue avec d'autres." Là, j'avoue, quelque chose m'a échappé, à moins qu'il s'agisse d'une redite de ce qui précède. Si quelqu'un peut m'éclairer sur le sens précis de cette phrase, ça me ferait bien plaisir.. "Trois mois de repos après le travail avec l'auteur, afin que le traducteur s'en affranchisse, tout en le gardant en tête." Trois mois de repos pour que le traducteur s'affranchisse tout en le gardant en tête de l'auteur ou du travail ? Et pourquoi trois mois ? Perso je préférerais un mois, pas plus, parce que les traducteurs enchaînent souvent les trads. quand ils ont cette chance, simplement pour emplir le frigo et conserver un appart chauffé autour, et surtout parce que le fait de passer d'une trad. à une autre fait qu'on perd un peu de l'atmosphère de la première quand on est dans la deuxième, ce qui ne facilite pas la phase de correction et de peaufinage.Mais bon, c'est dans l'idéal, je n'ai pas oublié. Et là, dernier problème : En règle générale, on peut même dire absolue, une traduction est commandée par un éditeur publiant dans une langue différente de l'auteur, c'est même le principe de base de la manip. Et l'éditeur qui a acheté les droits pour la trad. va vouloir rentabiliser son investissement en publiant dans des délais raisonnables le texte acquis. C'est un peu son idéal à lui. Alors un délai de plusieurs années, avec 6 ou 7 traducteurs à payer en plus des droits déjà réglés...Ah oui, tiens, un détail ridicule : Dans l'idéal, il les paierait combien et comment, Jean-Philippe Toussaint ?Gillossen a écrit :Livres Hebdo a écrit :Jean-Philippe Toussaint à l'école des traducteurs Ainsi, « les conditions idéales de la traduction » à ses yeux, seraient les suivantes: « présence de l'auteur ; 6 ou 7 traducteurs pour avoir une ouverture, des regards croisés sur le texte ; et plusieurs personnes dans chaque langue car il est important que le traducteur dialogue avec d'autres. » Mais aussi, ajoute-t-il, «trois mois de repos» après le travail avec l'auteur, afin que le traducteur s'en affranchisse, tout en le gardant en tête.Jean-Philippe Toussaint, qui rend compte du travail avec ses traducteurs sur son site Internet, a confié aux étudiants sa tentation d'écrire un texte sur la traduction.

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C'est pourtant bien ce qui se passe pour plusieurs auteurs. Patrick Rothfuss a récemment publié un billet sur son blog à propos de ses traducteurs internationaux : il a mis en place un forum sur lequel les traducteurs peuvent poser des questions très spécifiques, et il répond à chacun d'eux.Hors fantasy, Umberto Eco (qui, en prime, parle au moins cinq langues...) est en contact direct avec ses traducteurs, qui peuvent aussi leur poser des questions ultra-pointues. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire "Dire presque la même chose", dudit Eco, un essai absolument fascinant sur la traduction. Il parle en détails de son expérience avec ses traducteurs, c'est édifiant. Et oui, Eco-land, c'est le monde idéal pour la profession, apparemment. 

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J'imagine que si c'est pour un traduction Français-Anglais par exemple, ben il y en aurait 3 qui serait de langue maternelle française, 3 de langue maternelle anglaise, et un Ouzbek.. "Plusieurs personnes dans chaque langue car il est important que le traducteur dialogue avec d'autres." Là, j'avoue, quelque chose m'a échappé, à moins qu'il s'agisse d'une redite de ce qui précède. Si quelqu'un peut m'éclairer sur le sens précis de cette phrase, ça me ferait bien plaisir.
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Hum ! Les conditions idéales pour l'auteur, ou pour le traducteur ? Parce que j'ai l'impression qu'il confond un peu les deux, là. A moins qu'il ait la double casquette ? Je ne suis pas convaincu, en tout cas.Pouvoir discuter avec l'auteur et clarifier avec lui certains points précis, oui, oui et mille fois oui. Par contre, responsabiliser, stimuler et encourager le traducteur ? Il a besoin de ça, le traducteur ? Perso, je ne peux pas travailler avec quelqu'un qui regarde par-dessus mon épaule, alors pour la présence extrême de l'auteur, heu...Par ailleurs, une traduction est lue au moins par le directeur de collection, par le préparateur et enfin par le correcteur, avec souvent deux aller-retour chez le traducteur pour le retour des corrections et pour le bon à tirer, alors en ce qui concerne l'ouverture, les regards croisés, le dialogue avec d'autres, je crois que c'est bon.Et enfin, pour les "6 ou 7 traducteurs" et "plusieurs personnes dans chaque langue", je ne suis pas sûr de bien comprendre moi non plus. Dans l'idéal il faudrait qu'une traduction soit l'oeuvre collégiale et consensuelle de plusieurs personnes qui confronteraient leurs choix sur chaque mot, chaque tournure de phrase ? D'accord avec Ethan Iktho, ça promet d'être laborieux. Quant à savoir si ça permettrait de gagner en fidélité au texte, en force d'écriture ou que sais-je encore, j'avoue être sceptique.Par contre, pour les trois mois de repos après le travail pour... s'affranchir du travail avec l'auteur tout en le gardant en tête ? C'est ça ? Pas bien compris, là non plus, mais au fond peu importe. Pour les trois mois de repos, donc, je suis à fond d'accord. Sous réserve que l'auteur parvienne à convaincre l'éditeur de me payer au même tarif que pendant le travail proprement dit. Bonne chance !Gillossen a écrit :Livres Hebdo a écrit :Jean-Philippe Toussaint à l'école des traducteursFace aux traducteurs, le rôle de l'auteur n'est pas de s'immiscer dans la langue d'arrivée. Mais, précise-t-il, «je veux être extrêmement présent, responsabiliser le traducteur, le stimuler, l'encourager. Je veux m'assurer qu'il ait envie de bien faire, qu'il prenne le livre à cœur. » Ainsi, « les conditions idéales de la traduction » à ses yeux, seraient les suivantes: « présence de l'auteur ; 6 ou 7 traducteurs pour avoir une ouverture, des regards croisés sur le texte ; et plusieurs personnes dans chaque langue car il est important que le traducteur dialogue avec d'autres. » Mais aussi, ajoute-t-il, «trois mois de repos» après le travail avec l'auteur, afin que le traducteur s'en affranchisse, tout en le gardant en tête.Jean-Philippe Toussaint, qui rend compte du travail avec ses traducteurs sur son site Internet, a confié aux étudiants sa tentation d'écrire un texte sur la traduction.
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@ Saffron :Patrick Rothfuss est manifestement un type attentionné . Dans la majorité des cas, ce sont les traducteurs qui contactent l'auteur via son site Web qu'ils trouvent soit mentionné dans la publication VO, soit en faisant une simple recherche sur Internet. C'est un truc qui se pratique depuis déjà un bail et qui donne de bons résultats dans les deux sens.Idem pur Umberto Eco, personne pour qui j'ai par ailleurs le plus grand respect.Mais sauf scoop, aucun des deux ne dispose d'une équipe de 6 ou 7 traducteurs dans une même langue pour chacune de leurs publications.
@ Paedric :C'est le côté ouzbek qui me gêne un peu. Ces gars-là sont notoirement chiants pour le sujet des terminaisons.
@ Guillaume Fournier :Je ne peux qu'abonder dans ton sens, bien évidemment, en particulier pour ce qui concerne le sujet de la traduction et de la façon dont elle s'opère.D'ailleurs il serait sans doute assez intéressant de savoir ce que ce texte de présentation de Jean-Philippe Toussaint donnerait en traduction. Dans n'importe quelle langue.Et il ne serait peut-être pas superflu de commencer par le français, juste pour la clarté du propos. 



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C'est effectivement un très bon bouquin qui trône au-dessus de mon bureau. :)Pour le reste, en partant du principe que l'auteur seconde (!) le traducteur, ou un groupe de traducteurs, je me demande quand il trouverait le temps d'écrire !Si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire "Dire presque la même chose", dudit Eco, un essai absolument fascinant sur la traduction.
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http://www.rue89.com/rue89-culture/2012 ... uin-232545Bon, même si feu la collection Luna chez Harlequin, ça cause pas franchement fantasy, mais... :sifflote:Merci à un certain Guigz pour le lien.
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Ca ne concerne pas directement un roman de fantasy, donc pas de brève, mais...
Finnish Translator Only Gets Three Weeks to Work on J.K. Rowling NovelBy Maryann Yin on June 1, 2012 4:33 PMOtava, the Finnish publisher of J.K. Rowling‘s adult novel The Casual Vacancy, will only give the translator three weeks to work on the project. On top of this deadline, the translator will not be able to read the book prior to the English version’s September 27th release.Translator Jill Timbers wrote a guest post on the blog Intralingo protesting Otava’s decisions. The Finnish publisher plans to make its version available in time for the Christmas shopping season. They also hope to thwart Finnish readers from purchasing the English edition.According to Three Percent, Jaana Kapari (who translated the Harry Potter series from English to Finnish) refused to take on this project due to Otava’s strict constraints.Here’s more from Timbers’ piece on Intralingo: “Discussion is swirling among Finnish literary translators about quality of translation, quality of (a translator’s) life, preserving true Finnish language versus slipping inadvertently into anglicisms under such time pressure, precedents being set (will the public now expect all books to be translated that quickly)…Some translators argue that it’s good best sellers are translated into Finnish even if time pressure means the level of the Finnish isn’t top quality. Others predict that soon ‘entertainment literature’ will not be translated into Finnish at all.”
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Merci à Aslan pour la référence.Donc les traducteurs finlandais s'inquiètent des délais parfois très serrés qu'on leur impose pour rendre la trad. d'un roman potentiellement très "vendeur", au risque que celle-ci perde en qualité, l'argument de l'éditeur étant que ça peut permettre de griller les achats massifs de la VO (anglaise) de best-sellers et booster les ventes de la VF (Version Finlandaise ;-)).C'est vrai que, concernant le sujet, les pays du nord de l'Europe sont confrontés à un gros problème : une large part de leur population est anglophone et peut donc acheter les best-sellers en langue anglaise pour en profiter pleinement dès leur sortie.En France, et sauf erreur de ma part, la situation est assez différente. D'abord parce que les Français ont un gros retard dans le domaine du multilinguisme, même si récemment il a semblé se réduire.Je serais d'ailleurs curieux de connaître le pourcentage de lecteurs français capables de lire, disons : du J.K. Rowling en VO, comparé au même pourcentage chez les Scandinaves ou chez les Allemands. Mais je parierais que ce pourcentage est bien plus élevé chez ces derniers que chez nous.Ce qui, d'un autre côté, contribue à assurer encore de beaux jours à la communauté des traducteurs français. ;-)En ce qui concerne les délais très serrés auxquels les traducteurs sont parfois astreints, ce qui peut nuire à leur qualité de vie, c'est une réalité hélas assez répandue, mais pour le traducteur l'équation est aussi d'une simplicité imparable :Ta+Drs = FrFp(Trad. acceptée + Délais de remise serrés = Frigo rempli + Factures payées)Là, on est plutôt dans la réalité, et sans pleurnicher elle mérite peut-être d'être comparée avec l'idéal qu'expose Jean-Philippe Toussaint, cité par Gillo dans le post 161...
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/viewtopic.php?t=4738&start=200Juste pour dire qu'on a pas mal discuté du cas Bilbo dans cet autre sujet...
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Les meilleurs traducteurs récompensés
http://www.elbakin.net/fantasy/news/174 ... wards-2012On remarque que seules les traductions vers l'anglais sont concernées. Sinon la version française de Sam Sykes aurait sûrement été des finalistes 


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@ Brocéliande (topic Epée de Vérité)
- si l’histoire est bonne, est reste bonne (idem pour les personnages)- si l’histoire est mauvaise, est reste mauvaise (idem pour les personnages)
Au-delà des péripéties sur la coolitudes des noms des méchant, des artefacts, des sortilèges :- une traduction peut amoindrir une œuvre(la traduction modernisante effectuée par Bragelonne pour Le Cycle des Epées retire beaucoup de charme à la prose)- une traduction peur magnifier une œuvre(la traduction effectuée d’Otage de la Nuit de Richard Matheson améliore les scènes érotiques à un point qu’on parle de belle infidèle)Mais qu’elle que soit la traduction, pas de miracle :Pensez-vous que la traduction peut changer un livre ?

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Cette fois Lionel Davoust nous parle de traduction vers l'anglais
http://www.elbakin.net/edition/17645-Po ... en-anglais
