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Les thématiques de Jordan, et notamment les rapports entre hommes et femmes, ont effectivement un côté caricatural et grinçant. Je suis particulièrement exaspéré par la "symétrie" qu'il établit souvent dans les rapports d'incompréhension entre hommes et femmes (Matt et les jeunes Aes Sedai, dans les derniers tomes VF par exemple).ça c'était pour Dracarys.Après, pour avoir une position à la fois prépondérante et sans revers pour les personnages féminins, il faudrait :- ne pas être en fantasy "médiévale" : les sociétés historiques pouvant servir de modèle qui laissaient la part belle aux femmes ne sont pas légion.- ne pas être dans un roman épique : un personnage prépondérant a forcément des revers ! et du coup, je suis beaucoup moins choqué par les femmes contraintes ou attachées dans la Roue du Temps que par la future polygamie malgré lui de Rand, qui semble inévitable là ou j'en suis, et que ces dames commencent à accepter de bonne grâce... ça ressemble un peu à un bon vieux fantasme masculin, au fond.Sur les longueurs, je serais beaucoup plus nuancé : il en existe dans le récit, bien sûr, mais il y a surtout LA longueur du temps qui passe et qui fait que les héros ne peuvent pas s'occuper de tout à la fois. Toujours dans le tome 7 VO (derniers sortis en VF), pourtant réputé pour être un des plus barbants je crois, je vois un côté captivant à être "coincé" avec les héros dans une intrigue relativement mineure, alors que le monde continue à s'agiter autour : invasions, armées de fanatiques, personnages qui changent de camp, mystères qui perdurent... et on se retrouve à chercher une malheureuse "coupe des vents" parce que c'est l'urgence du moment. C'est volontairement frustrant, mais assez bien vu.Paradoxalement, et toujours par rapport à ce dernier tome lu, c'est plutôt le découpage en épisode avec "climax" à la fin de chaque tome qui commence à me sembler artificiel et fastidieux. Rand a cru trois fois combattre le ténébreux, il a subi tous les outrages, mais il faut encore qu'il se trouve un "boss de niveau" à la fin de chaque tome. (En plus, à la fin du 7 VO, c'est particulièrement raté...)Reste les atouts indéniables de Jordan : le pittoresque des civilisations, la magie et son coût, le narrateur plus ou moins omniscient qui voit, horrifié ou jubilant selon les cas, les personnages apprenant les nouvelles avec un gros train de retard. Les personnages ne sont pas exceptionnels, mais leur diversité l'est : je ne veux pas (re) faire un Jordan vs Martin, mais quand on a vu un guerrier honorable et un seigneur sans foi ni loi, on les a tous vus... alors que dans la Roue du Temps il est presque impossible de confondre deux personnages.Ce n'est pas la meilleure série que j'ai lu. Ce n'est certainement pas la pire. Mais ça reste peut-être la plus ambitieuse... a moins que Martin, ou même Coe ne fassent leurs preuves sur quelques tomes de plus.