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par Littlefinger
Elbakinien d'Or
Bon, pas trop de surprise pour ma part :Les morts-vivants (ou zombies pour les gens branchés) ont le vent en poupe. Entre l'adaptation (foireuse au possible) de The Walking Dead, The Last of us qui régale les amateurs de jeux vidéos ou encore Warm Bodies en début d'année, Les "Z" font de nouveau la une avec World War Z. Confié à Marc Foster (Quantum of Solace) et après de nombreux atermoiements durant le tournage, le long-métrage inonde les écrans du monde entier. A l'origine de ce film, il y a un livre éponyme, de l'américain Max Brooks (édité en son temps en France par la défunte et regrettée collection Interstices de Calman-Levy). Original, poignant, exploitant à fond le contexte géo-politique et surtout diablement efficace et entraînant, le roman - en fait un fix-up de témoignages - était promis depuis un bail au grand écran. Pourtant, pas sûr que l'idée même soit bonne tant on imaginait plus une série pour ce genre de choses. Qu'à cela ne tienne, emporté par un Brad Pitt toujours fringuant, World War Z promet une apocalypse mondiale décoiffante. Seulement voilà, entre le roman d'origine et le travail final, il reste deux choses communes. Le titre d'abord (ben oui, ils ont acheté les droits et ça fait classe quand même) et les zombies. Le reste... Brad Pitt joue bien le rôle d'un mec de l'ONU. Mais là où le roman s'attache à nous faire vivre par les témoignages des gens à travers le monde comment chaque pays a affronté la crise zombie, le film ,lui, nous sert un divertissement familial, convenable et convenu. Tout commence, bien entendu, par la nécessaire scène où l'on présente la famille de Gerry Lane - aka Brad Pitt. Et d'emblée on comprend qu'on va avoir le couplet sur la famille, le père héroïque, la mère chiante mais aimante, et les enfants têtes-à-claques. Parce qu'en fait Foster et ses scénaristes se sont fixés un but, s'éloigner autant que possible du roman. Idée tellement intelligente.Les choses s'installent rapidement et l'apocalypse zombie bat son plein en quelques minutes. Les premières scènes sont impressionnantes (alternant vue au sol et vue d'hélicoptère) mais synthétisent toute la déception qui nous attend. Car ici, pas de zombies avec des personnes maquillés, mais de l'image de synthèse à gogo dès que plus de trois monstres se trouvent à l'écran. Inévitablement, on est sortis de l'ambiance horrifique, on se prend plus pour un joueur de Left for Dead. Bien plus surprenant, le "carnage" de Philadelphie ne comporte presque aucune goutte de sang, pas de morsure... rien. Bah oui. Qui a eu la brillante idée d'enlever toute scènes choquantes par sa violence ou son horreur graphique ? Un imbécile certainement. Un film de zombie sans morsure ou giclée de sang, c'est comme un film de guerre sans fusil, c'est très new age.Le très gros problème de World War Z, c'est que tout ce qui reste au film après avoir abandonné le postulat de départ du roman, c'est son ambiance. Et c'est aussi son pus gros point faible. Si on excepte un passage dans des couloirs sombres et une cage d'escalier au New Jersey - mais c'est vraiment différent du New Jersey ? Come on ! - rien ne fait peur. Même là où la mise en scène semble vouloir tabler sur une ambiance oppressante, comme dans l'atterrissage en Corée du Sud, des éléments qui gravitent autour enlèvent tout crédit au film. Le meilleure exemple ? La mort du scientifique (qu'il est impossible de ne pas vous raconter) : Alors qu'on vient de nous bassiner pendant dix minutes avec le fait que le bonhomme est un génie, le dernier espoir de l'humanité, et alors que l'ambiance sur le tarmac plongé dans le noir et battu par une pluie diluvienne atteint son paroxysme avec l'émergence des zombies, notre bon scientifique se retourne, glisse sur la rampe de l'avion, se claque la tête et la main en se tirant une balle dans la tête par accident. [Pause]Oui. Ils ont fait ça. Dès lors, après cinq bonnes minutes de fou-rire, l'ambiance passe à la trappe et l'on se dit que vraiment, il y a un gros truc qui cloche avec ceux qui ont fait ce film. En sombrant à plusieurs reprises dans le ridicule (il faut voir ce zombie qui claque des dents comme un lapin filmé avec un sérieux papal pour réaliser le massacre), World War Z perd pied. Et jamais le film ne remontera.Bien entendu, la séquence de Jérusalem reste impressionnante mais très fake (entièrement en synthèse mal intégrée) et tout va beaucoup trop vite, en quelques minutes, les israéliens passent du statut de civilisation prévoyante et sage à celui d'imbéciles heureux. Et encore une fois, le film enchaîne les fautes de goût, entre les séquences de chants pour bien montrer que le zombie serait surement la réponse à crise israélo-palestinienne (ils sont mal barrés quand même) jusqu'à l'amputation sauvage sans aucune raison valable... Tout fout le camp. Tout devient archi-ridicule. Au milieu, Brad Pitt assure le minimum syndical, ne brille jamais, fronce un peu les sourcils et finit par agir en héros kamikaze (dans le laboratoire de Cardiff). Au final, le film annonçait une guerre planétaire et ne montre que trois pays (oublions la Corée du sud vu que toute l'action se situe dans une base américaine et dans le noir complet, le décorum n'a rien de très exotique). Toutes les grandes idées du roman sont absentes ou odieusement inexploitées voir carrément tournées en ridicule (les quelques mots sur les coréens du Nord... d'un débile sans nom) et on ne trouve plus rien d'original jusque dans une fin absurde et au diapason avec le reste, totalement insipide. Foster déçoit aussi par sa réalisation. Là où un Snyder épatait son monde (les Snyder-Haters vont adorer cette phrase) avec l'Armée des Morts et une caméra à l'épaule qui restait assez précise pour nous coller en plein milieu d'une course sous adrénaline de monstres assoiffés de sang, Foster prend le pari de filmer tout avec une précision d'un épileptique privé depuis 5 jours de sommeil, sous perfusion de café et soumis à un champ stroboscopique. Comprenez que rien n'est lisible, heureusement qu'il lâche son procédé lors de l'arrivée à Cardiff et permet d'observer quelques infectés, sinon on aurait jamais su à quoi ils ressemblaient (et c'était peut-être mieux quand on voit la black contaminée derrière la vitre... un grand moment aussi...). Et finalement, le film sur une guerre mondiale avec des zombies est aussi impressionnant que Shaun of the Dead niveau apocalypse... et encore - Attention, Shaun of the Dead reste un chef d'oeuvre, ne vous méprenez pas. Il faut vraiment avoir loupé tout ce qui s'est fait récemment et moins récemment en terme de zombie-movies pour trouver le film ne serait-ce que potable. Une partie de Left for Dead 2 donne plus de sensations quand même.Viol d'un roman superbe, World War Z n'est rien de plus qu'un navet. Ridicule au possible (l'auraient-ils fait exprès ?), dénué d'originalité, engoncé dans un carcan de bons sentiments et coulé par sa réalisation plus qu'inégale, le long-métrage de Marc Foster ne peut prétendre qu'à une chose, vous faire perdre votre temps. Achetez le livre, préparez des cookies et là, vous aurez vraiment quelque chose d'excellent à faire pendant 2 heures.