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Les récents débats autour de la Bit Lit m'ont poussé à me poser cette question :Qu'est ce que pourrait être un sous genre de la fantasy de création purement française et qui fonctionnerait bien auprès du public ?Le mix fantasy surréalisme déjà présent dans la New Weird ne prend pas.Peut être qu'il s'agirait d'une fantasy à la fois poétique et onirique avec des aspects épique tout de même. Je ne vois pas vraiment.EDIT Luigi : modification du titre pour que ce soit un peu plus explicite.

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Fabien Lyraud a écrit :Qu'est ce que pourrait être un sous genre de la fantasy de création purement française et qui fonctionnerait bien auprès du public ?Le mix fantasy surréalisme déjà présent dans la New Weird ne prend pas.Peut être qu'il s'agirait d'une fantasy à la fois poétique et onirique avec des aspects épique tout de même.
Jolie question :) Et j'avoue que je me la suis posé aussi plusieurs fois.Pour bien la comprendre, je pense qu'il est utile de placer aussi le contexte : en France, la majorité des gros vendeurs de fantasy sont de la BCF (Big Commercial Fantasy) anglo-saxonne (auxquels on peut ajouter à présent la bit-lit - même si ces romans ne sont pas de la fantasy de mon point de vue, de facto, ils sont vendus aujourd'hui sous cette étiquette-là). On retrouve donc du Goodkind, du Gemmell, du Jordan... bref des noms que tout le monde un tant soit peu lecteur de fantasy a déjà entendu et lu.D'un autre coté, "l'école française" (j'entends par là, tous les auteurs de fantasy français publiés à l'heure actuelle) montre un tendance assez anti-conformiste, à mon avis. Chacun écrit un peu dans son coin, repousse un peu les limites du genre, cherche en quelque sorte à se distinguer des autres (et plus que tout du modèle high fantasy vendeur décrit ci-dessus). Cela donne des romans souvent très bons (il doit sans doute y avoir des trucs pas terribles aussi, mais je ne dois pas les lire) mais qui clairement s'adressent à un public restreint. C'est bien, mais ce n'est pas forcément ça qui aide à démocratiser une fantasy française.Et comble de malheur, lorsque un français s'efforce d'écrire de a high fantasy classique, ça donne toujours un résultat terrible (au choix, soit ça sent le Tolkien réchauffé, soit le scénario de jeu de rôle à peine scénarisé).Mince, c'est pas compliqué pourtant. Les américains y arrivent bien, vous prenez un scénario classique, vous y ajoutez quelques bonnes idées originales, vous tenez le suspens jusqu'au bout, un gros final qui tache et voilà. C'est de ça que je rêve depuis quelques temps. Un Eddings ou un Williams français. Et en plus, c'est clair que ça se vendra bien, ou en tout cas mieux que la plupart des titres français actuels.Si vous connaissez un auteur qui cherche à vendre, n'hésitez pas à lui refiler le tuyau.

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:ange: Les multicanines sont bien affutées, je vois : t'es dur, Luigi! Pour moi, la fantasy à la française, c'est d'abord le plaisir de la langue, des mots justes - auxquels je sais donner leur valeur intrinsèque.Je pense qu'on est plus sévère pour l'intrigue, la construction du récit et des persos pour les oeuvres françaises,car elles ne sont pas "calibrées" : on est marqués par le savoir-faire anglo-saxon en matière de récit, indiscutable, mais lassant pour moi.L'écriture simpliste et standardisée de beaucoup de trads grand format me sort par les yeux : dernier "revers" : les cités de lumières d'Abraham :- bonnes idées, rendu indigent... je laisse tomber ... et je ne parle pas de la couv' à vomir...dernier "plaisir" : la volonté du dragon de Lionel Davoust :- très bien écrit, jouant subtilement du "manichéisme" sur tous les plans... et je parle de la belle couv' : sobre et poétique, ainsi que les illustrations intérieures !et aussi du plaisir tout nouveau pour moi -( :wub: grâce à Elbakin merci!) d'avoir MON exemplaire dédicacé perso grâce au MP !!!!(en commandant chez l'éditeur Critic)euh, nan, ils ne m'ont pas soudoyée... j'aime sincèrement ce ptit livre!Autre plaisir : la littérature jeunesse francophone :Franchement, je n'en reviens toujours pas ! la qualité de ce qu'on propose aux ados me laisse époustouflée L'empire invisible, Fleurs de dragons, Le shogun de l'ombre de Jérôme Noirez sont remarquables!et sont repris chez "j'ai lu" sans mention "jeunesse" - à juste titre!

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Nigelle de Damas a écrit :Les multicanines sont bien affutées, je vois : t'es dur, Luigi !
Non plutôt réaliste et répondant à la question posée par Fabien.Tout comme toi, j'ai pris énormément de plaisir sur certaines sorties françaises dernièrement. Notamment, grâce aux effets de langue.Mais, et cela ne me semble pas incompatible, j'apprécie également "juste" une bonne histoire. Par là, j'entends un simple roman de high fantasy classique (prenons l'exemple du Cycle d'Ea qui en est symptomatique).Et ça, je n'arrive pas à le trouver chez les Français actuellement. (Je suis prêt à lire tout ce que vous pourriez me conseiller là-dessus d'ailleurs.) Et pourtant, c'est ce qui se vend le mieux (et qui donc aiderait, amha, grandement à faire connaître l'existence d'une école française au grand public).La question que je me pose c'est de savoir si finalement le fait que la fantasy n'est pas vraiment reconnue comme de la "bonne" littérature auprès des Critiques ne pousse pas finalement les auteurs français de fantasy a vouloir à tout prix démontrer le contraire, à grand renfort de prouesses stylistiques. Un peu comme s'ils voulaient à tout prix étaler leurs savoirs-faire.Quelque part c'est intéressant (et cela donne de bons livres) mais j'aurais tendance à penser que c'est faire fausse route. Zedd citait Klein dans un autre sujet en disant que le public avait toujours raison. Ce à quoi Tisse répondait que ce n'était pas une raison pour lui fournir toujours la même "merde". Les deux ont raison à mon avis. Je suis le premier à penser que plus de qualité littéraire est une bonne chose, mais cela ne doit pas se faire en se coupant du public.En hasardant une comparaison un peu risquée, l'école française c'est un peu comme une moto de grosse cylindrée, alors que la plupart des gens en sont encore à s'amuser sur un vélo avec des roulettes (et ils aiment ça). C'est évident qu'il y a un décrochage. Pour tirer les gens vers le haut, on ne leur met pas une moto entre les jambes, on commence par enlever les roulettes.C'est ça que je voudrais voir à l'heure actuelle, c'est ce que j'essaie d'exprimer. De la fantasy française populaire (sans connotation péjorative - qui s'adresse au public), donc de la high fantasy classique, intéressante et accessoirement bien écrite. Quand on arrivera à remplir ce contrat, on pourra voir à passer au niveau supérieur.Et c'est possible. Il n'y a qu'à voir le TSF9 de Julia Verlanger. Elle, elle avait compris (d'ailleurs elle tire une conclusion assez similaire à la mienne pour ce qui concerne la SF à l'époque) et elle écrivait de la fantasy accessible à tous. La voie est là, reste à voir si les auteurs français sont prêts à l'emprunter.

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Et ça, je n'arrive pas à le trouver chez les Français actuellement. (Je suis prêt à lire tout ce que vous pourriez me conseiller là-dessus d'ailleurs.) Et pourtant, c'est ce qui se vend le mieux (et qui donc aiderait, amha, grandement à faire connaître l'existence d'une école française au grand public).
Tu oublies Pierre Grimbert tout de même qui est le seul à s'être essayé à la high fantasy classique.On peut aussi écrire une fantasy un peu différente et vendre tout de même comme Mathieu Gaborit ou Nicolas Cluzeau.

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Non, je n'oublie pas. C'est aussi avec ça que j'ai commencé à découvrir la fantasy française. Mais dans la phrase que tu cites, je parlais d'actuellement. Les trois auteurs que tu cites ont commencé à être publiés entre 1995 et 2000. D'ailleurs, on aurait pu croire un moment qu'il y allait avoir une vraie vague de high fantasy à la française à cette époque là. Mais, on va dire que depuis 2005, c'est le calme plat (oui, je sais que Grimbert a écrit des suites au Secret de Ji, mais d'après ce qui se murmure, c'est loin de valoir la première série).

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Pour marcher dans les pas de Luigi, j'aimerais préciser que, plus que la high fantasy, c'est la high fantasy essentiellement initiatique (la plus classique, la plus critiquée) qui conquiert le public le plus large : Hobb, Feist, Eddings, Williams, Jordan, Rowling, Paolini, Goddkind et tant d'autres sont liés par cet aspect. En France, les succès du Secret de Ji ou de La Quête d'Ewilan se posent bien là.Les cycles plus ambitieux ne rencontrent souvent pas la même audience, il n'y a qu'à voir les difficultés d'Erikson ou de Bakker (je sais, il y a Cook et Martin). Il me semble évident que la jeunesse a toujours été le puits de réception fondamental de la fantasy (regardez vos propres expériences, c'est rare qu'un amateur de fantasy ne le soit pas devenu, de loin ou de près, dans son enfance/adolescence). J'ai l'impression que parfois cet aspect est dédaigné, et je me demande si les appels d'offre des maisons d'édition qui publient des auteurs français et les rares titres FR qu'ils peuvent s'accorder chaque année sont-ils bien orientés ?Je sais bien que la bataille n'est pas égale entre des maisons d'édition de tailles différentes, et que tout le monde s'est déjà entendu dire lorsqu'il conseillait un livre à quelqu'un " oui mais là c'est un auteur français, t'aurais pas un bouquin d'un américain connu ? ". Peut-être que l'enjeu est là : la grande masse qui compose les lecteurs de Robin Hobb ne lisent pas autre chose en fantasy, qu'est-ce qui les attire malgré un monde moyenâgeux qui ne les excite pas forcément d'habitude (j'exagère le trait). Je dis que l'enjeu est là, parce que c'est précisément ce type de cycles très populaires qui insuffle la prime passion de la fantasy. Ils permettent à d'autres romans moins " commerciaux " (ce n'est pas un gros mot) de voir le jour, surtout en France, et parfois avec des plumes françaises. Sinon il faudra compter sur du mécénat et des miracles à la Horde du Contrevent.Je m'écarte du sujet, mais tout ça lui est sous-jacent :D

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C'est valable pour d'autres "arts" également, mais je ne sais pas si l'école française aspire forcément à devenir une école anglo-saxonne... quelles qu'en soient les raisons à la base.Il y a une certaine tradition en France, en ce qui concerne l'écriture, et si pour certains on peut parler de "pédanterie" (je n'ai aucun exemple à donner, mais tout le monde connaît le préjugé facile concernant la "littérature française" ), ça me paraît assez réducteur de la cantonner à ça. Je pense que cette différence à une raison d'être, de là à pouvoir l'expliquer mieux qu'en ayant recours aux clichés, je ne saurais pas faire.Après, peut-être qu'on peut voir apparaître une fantasy de ce style, par exemple venant d'un auteur qui admire la littérature de genre d'outre manche, et d'outre océan.edit : en outre, j'ai l'impression que, en corollaire avec ce que j'expliquais dans un autre message, les anglo-saxons admettent plus volontiers qu'ils font "leur job" ; je ne dis pas qu'ils font leur marché en orientant leurs histoires selon les goûts d'un public donné, mais disons qu'ils ont certainement moins honte de se diriger vers lui, toujours dans une optique "boulot", ce qui est une autre conception des choses, et de l'écriture probablement.Ces auteurs anglais, américains, australiens vivent de leur prose ; ils sont internationaux, et chez les français, ça me semble largement moins courant. Tout ça, ce sont des idées reçues, ou ... ?

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Il y a quelque chose d'intéressant. C'est l'influence du roman feuilleton. On sentait chez Grimbert l'influence des maître de la fantasy anglosaxons mais aussi celle de Dumas et des feuilletonistes. Le mélange d'influence était une vraie marque de fabrique hexagonale.Dans le feuilleton toujours Il n'y a qu'à voir ce qu'on fait Raphael Lafarge et Vincent Mondiot avec Les Chimères de Mirinar ( ils ont autoédités la première saison en volume via The Book Edition). On s'éloigne certes de la high fantasy. les chimères... c'est plutôt de la new weird avec de l'action. Et ça fonctionne très bien. L'influence feuilletonesque pourrait être la french touch.

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Fabien Lyraud a écrit :Il y a quelque chose d'intéressant. C'est l'influence du roman feuilleton. On sentait chez Grimbert l'influence des maître de la fantasy anglosaxons mais aussi celle de Dumas et des feuilletonistes. Le mélange d'influence était une vraie marque de fabrique hexagonale.Dans le feuilleton toujours Il n'y a qu'à voir ce qu'on fait Raphael Lafarge et Vincent Mondiot avec Les Chimères de Mirinar ( ils ont autoédités la première saison en volume via The Book Edition). On s'éloigne certes de la high fantasy. les chimères... c'est plutôt de la new weird avec de l'action. Et ça fonctionne très bien. L'influence feuilletonesque pourrait être la french touch.
Ah, ça me fait plaisir, ça !J'ai l'intuition, le sentiment, que la fantasy, le fantastique et la SF sont les héritiers des "feuilletonistes" et de la littérature populaire.C'est une certitude pour mon parcours personnel.French touch? yes! mais pas-que! nombre d'écrivains anglo-saxons se référencent à Dumas ( S Ash, Kushner ... je rajouterais Lynch au moins)Je ne sais pas ce que sont les chimères de Mirimar? ni la "new weird" ???Pourrais-je en savoir un peu plus ? (pour cibler la recherche, merci!)

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A mes yeux, c’est aussi un problème de ligne éditoriale. A savoir le risque de sortir un nouvel auteur français – même si c’est le nouveau Tad Williams- inconnu du lectorat et la certitude que l’original aura toujours un niveau de vente satisfaisant.Comme Luigi, je rêve d’un Zindell français mais je pense que la French Touch est de ne pas faire dans le traditionnel. Prenez l’exemple du récent « GAGNER LA GUERRE ». C’est un bouquin génial -qui accumule les récompenses – avec une qualité d’écriture remarquable mais…tout de même particulière. Maintenant, c’est peut être mieux ainsi même si les amateurs d’High Fantasy, dont je fais parti, seront toujours un peu frustrés !:(

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Les Chimères de Mirinar, c'est un roman publié à la base en ligne. C'est peut-être très bien, mais il y a déjà assez de questionnements avec les livres publiés hors auto-édition, donc, restons déjà concentrés dessus. ;)La new weird, c'est l'année de notre guerre ou les romans de China Mieville. :)Et je maintiens que le sujet lancé par Nigelle justement recoupe largement celui-ci. :)Par contre, quand j'ai déjà eu l'occasion de conseiller un roman français à quelqu'un, je n'ai jamais rencontré de blocage quelconque vis-à-vis d'une question de nationalité, cf une remarque du message d'Altan. :huh:

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Malkus a écrit :C'est valable pour d'autres "arts" également, mais je ne sais pas si l'école française aspire forcément à devenir une école anglo-saxonne... quelles qu'en soient les raisons à la base.
lol! en tout cas, je pense que nos auteurs aimeraient bien avoir le "rayonnement" pour les tirages, la pub et les revenus...J'ai enfin posé une question qui me tracassait à un auteur français qui est également un traducteur chevronné :_"Mais pourquoi ne traduisez-vous pas vos oeuvres vous même?"_ "Trop difficile" m'a-t-il répondu !!!! Dommage! j'avoue ne pas trop comprendre... On n'est jamais mieux servi que par soi-même, je croyais? Il y a peut-être là un élément pour caractériser la production française? et répondre à ce que dit Malkus ? ( il faut objectivement reconnaître la "pédanterie" ... mais quand elle est bonne, c'est pas un obstacle : voir la horde du contrevent )
Il y a une certaine tradition en France, en ce qui concerne l'écriture, et si pour certains on peut parler de "pédanterie" (je n'ai aucun exemple à donner, mais tout le monde connaît le préjugé facile concernant la "littérature française" ), ça me paraît assez réducteur de la cantonner à ça. Je pense que cette différence à une raison d'être, de là à pouvoir l'expliquer mieux qu'en ayant recours aux clichés, je ne saurais pas faire.Après, peut-être qu'on peut voir apparaître une fantasy de ce style, par exemple venant d'un auteur qui admire la littérature de genre d'outre manche, et d'outre océan.
Malkus a écrit :en outre, j'ai l'impression que, en corollaire avec ce que j'expliquais dans un autre message, les anglo-saxons admettent plus volontiers qu'ils font "leur job" ; je ne dis pas qu'ils font leur marché en orientant leurs histoires selon les goûts d'un public donné, mais disons qu'ils ont certainement moins honte de se diriger vers lui, toujours dans une optique "boulot", ce qui est une autre conception des choses, et de l'écriture probablement.Ces auteurs anglais, américains, australiens vivent de leur prose ; ils sont internationaux, et chez les français, ça me semble largement moins courant. Tout ça, ce sont des idées reçues, ou ... ?
J'ai le même sentiment : en France, un auteur est un artiste plus qu'un "produit-marketing" Il n'y a pas "d'agents qui coachent", la réécriture vient de l'éditeur.Il en est des livres comme de tous produits commerciaux : la mondialisation "lisse" au dénominateur commun - Les "géants" sortent toujours du lot - le "lot" a un "savoir-faire" garanti ... mais j' hallucine quand je pense au nombre de bouquins dont il ne me reste vraiment RIEN! et pourtant, je ne les ai pas trouvés désagréables! ( Briggs, Saramir, des australiennes... )ça me fait penser à "la bouffe étudiante" :mcdo/coca /pizza/bière ... une conso faramineuse... un "transit" accéléré... :jesors:

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Nigelle de Damas a écrit :J'ai le même sentiment : en France, un auteur est un artiste plus qu'un "produit-marketing" [...]Il en est des livres comme de tous produits commerciaux : la mondialisation "lisse" au dénominateur commun
Oui, et c'est pour ça que ça ne me chagrine pas de ne pas avoir de grand écrivain de high-fantasy français. Il y a déjà un bon paquet d'auteurs (cherchons également du côté de l'Australie, que j'oubliais de citer) qui s'inscrivent dans cette logique de production, ou d'écriture. Donc, quitte à vouloir du français, pourquoi le vouloir dans un genre où, finalement, il ne fera pas valoir une quelconque spécificité ? Tant mieux, à la limite, si en France les écrivains s'efforcent de faire différemment. Cela ne fera pas disparaître la high-fantasy anglo-saxonne pour ceux qui l'aiment, et ceux-là pourront aussi, de temps en temps, aller chercher un autre "ailleurs" bien du terroir...S'il est vrai que le rayonnement doit faire envie à plus d'un, il ne faut pas oublier quel est le revers de la médaille, et le prix à payer pour l'acquérir ; je ne suis pas sûr que Damasio ait envie de faire de la BCF pour bouffer.Je pense qu'au delà des particularités françaises, ou même anglo-saxonnes, il y a des auteurs et des démarches différentes ; de celui qui écrit de la BCF et pour qui ce n'est pas un gros mot, à l'élitiste le plus impur et abject (un hypothétique écrivain de "blanche", nombriliste absolutiste, évidemment) sans oublier (surtout) tous les jalons qui conduisent de l'un à l'autre.Le monde devenant ce qu'il devient (ciel!), il est de plus en plus difficile de cultiver une certaine indépendance en art, sachant que ça ne rapporte rien sauf si ... on vend beaucoup ?Si on veut écrire ce qu'on a envie d'écrire, soit, trouvons un métier à côté et écrivons le reste du temps.Ça n'empêche pas certains d'arriver à faire le grand-écart, mais ils ne sont pas forcément très nombreux. Quant à savoir ce qui, en France, conduit les écrivains à avoir ces aspirations particulières, je retombe face à la question de départ sans l'avoir plus explicitée...

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Gillossen a écrit :Et je maintiens que le sujet lancé par Nigelle justement recoupe largement celui-ci. :)
Je ne suis pas d'accord :) (et j'ai relu le sujet de Nigelle pour en être sûr). D'un coté, elle parle de son amour des auteurs français (avec du hors-sujet vers la lecture en VO), alors qu'ici la base c'était :
Fabien a écrit :Qu'est ce que pourrait être un sous genre de la fantasy de création purement française et qui fonctionnerait bien auprès du public ?
Même si effectivement, certains font un peu dévier le sujet ;)Pour revenir à ce que disait Nigelle :
Il en est des livres comme de tous produits commerciaux : la mondialisation "lisse" au dénominateur commun
Je ne suis que partiellement d'accord. C'est vrai quand effectivement on tombe sur des copies Tolkiennesques (exemple type : Eragon ou L'Epée de vérité). Mais il y a quand même suffisamment d'auteurs anglo-saxons qui ont montré qu'ont pouvait faire de la bonne high fantasy classique (Jordan, Williams, Zindell et d'autres) et tout à la fois différente.Et contrairement à Malkus, je suis chagriné de ne pas voir de Français capable de relever ce genre de défi à l'heure actuelle. (Je signale au passage que Damasio a fait du scénario pour bouffer, et que ça ne l'enchantait pas vraiment au début, après il y a encore un pas, que je ne franchirais pas, jusqu'à la BCF).On parlait de l'aspect feuilleton et de romans populaires. C'est évident que la fantasy, tout comme la SF et le fantastique, sont de la littérature populaire, ils sont nés la-dedans (y'a qu'à voir les collections françaises qui en publiaient à partir des années 50). Mais, je pense qu'on en est presque arrivé, à l'heure actuelle, à renier cette culture populaire chez les auteurs français (c'est ce à quoi je faisais allusion en citant Julia Verlanger précédemment). Et à prôner une sorte d'élitisme que ce soit dans les thèmes abordés (les petits messages politico-spirituolo-rigolo de la SF ou de la fantasy) ou dans le style utilisé.Flute, pourquoi est-ce que la French touch ne pourrait pas aussi écrire simplement pour le plaisir d'être lue. D'être "populaire" (sans connotation, encore une fois). Assumons la comparaison culinaire de Nigelle, ce que je cherche ce n'est pas un McDo (comprendre de la BCF anglo-saxonne) mais un simple plat de pate à la sauce tomate (mon coté italien, mettez un plat sans prétention de votre région natale, comprendre un roman simple de high fantasy écrit par un français). Oui, j'aime la bonne cuisine (comprendre les romans exotiques, élitistes), mais avant tout j'aime manger !Et de retomber sur ce que disait Nigelle :
je pense que nos auteurs aimeraient bien avoir le "rayonnement" pour les tirages, la pub et les revenus...
Pour moi, ça reste une incompréhension. J'entends assez souvent les auteurs français se plaindre de leur conditions de vie, absence de reconnaissance... alors que la solution semble assez facile. Et je ne vois pas ce qu'il y a de dégradant à écrire de la fantasy classique et efficace. De ce point de vue là, les anglo-saxons assument bien mieux le coté "job" du métier d'écrivain. En France, j'ai vraiment l'impression que la plupart prêche pour rester des "artistes".Bref, je m'éloigne de nouveau. Pour revenir à quel sous-genre purement français pourrait remporter l'adhésion du public, l'aspect un peu feuilleton pourrait être une piste à suivre. Quand on repense à l'époque du Fleuve Noir (la collection Anticipation), on était presque sur ce format là et ça vendait de la science-fiction ! ;)

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Il y a autre chose qui revient souvent dans la fantasy française. C'est ce que j'appellerais le baroquisme. On pense tout de suite à Mathieu Gaborit et son univers à la fois sombre et flamboyant, peuplé de créatures mythologiques, de magies étranges... Mais on retrouve ça chez la high fantasy de Pierre Grimbert. En effet la bibliothèque de la tour profonde ou le dieu Usul enfermé dans sa caverne sont autant d'images fortes et assez décalées quelque part. Il y a donc chez les auteurs français un goût pour l'étrange, le grotesque, le baroque, le surchargé.Et en même temps il y aussi un goût pour l'aventure picaresque. Et là on peut même élargir à la BD et on se rend compte que certaines BD de fantasy très classique dans leur construction (les Forêts d'Opale, les Brumes d'Asceltis) sont plus picaresques que réellement épique. Grimbert dans le secret de Ji essayait de trouver un équilibre entre le picaresque et l'épique. Et des auteurs comme Philippe Monot ou Nicolas Cluzeau sont entièrement dans l'aventure picaresque.Donc les ingrédients fort de la french touch :- l'esprit feuilleton- le côté baroque- le coté picaresque
Mais, je pense qu'on en est presque arrivé, à l'heure actuelle, à renier cette culture populaire chez les auteurs français
C'est pire en SF où si l'on excepte un Pierre Bordage qui revendique un aspect mythologique de son oeuvre ou un Roland C Wagner, la SF devient de plus en plus une littérature post moderne. Je rêve moi aussi d'une collection populaire type FNA mais avec une vraie direction éditoriale/