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Posté : sam. 12 déc. 2020 08:14
par Irokoi
J'ai enfin lu Dévoreur. Je le gardais par devers moi pour le déguster en temps voulu. Comme la suite des Sentiers sort "bientôt" (adverbe autoréalisateur qui tente d'accélérer le temps :-), je me suis dit que c'était le moment. Pour moi, c'est un grand texte court qui confirme, selon moi, que Stefan Platteau est l'un des plus formidables conteurs francophones vivants (édité, hein) et un grand écrivain d'Imaginaire tout simplement. Sa prose, imagée, sensuelle et sensitive, rythmée est d'une puissance sans égale, qui prend ses tours à plein dans ce format, je trouve. En un peu plus court (comme le Roi Cornu même si ce dernier est un poil en dessus du Dévoreur) je pense qu'il pourrait être un immense nouvelliste de fantasy. Son écriture agit/magit :-), plus dense encore, davantage même que dans les Sentiers. Les persos prennent vie. la tension dramatique est parfaitement dosée. J'ai trouvé le monologue terminal anthologique. L'alliance parfaite d'enjeux intérieurs (c'est un grand roman psychologique/familial aussi, comme tt les contes) et extérieurs (c'est le moins que l'on puisse dire avec l'aspect astral/divin). Les scènes de combat et/ou de terreur ont littéralement infusées mon cerveau (qu'est ce que ça claquerait un livre vraiment fantastique/horreur avec une écriture pareille...!) Le genre de texte en prise directe avec quelques connections synaptiques reptiliennes :-). J'ai lu et audiolu le texte dans la foulée car j'aime beaucoup l'interprétation de Mathieu Dahan (qui avant aussi interprété les sentiers). Et justement le monologue de la fin est magistralement lu ! Vraiment bravo ! Grand moment de lecture pour moi et comme avec la trilo il y a deux ans, surement ma meilleure lecture fantasy de l'année (de loin en fait, oui :-)

Posté : sam. 12 déc. 2020 13:22
par Vidal Silarius
Grand merci pour ce retour qui me va droit au coeur ! Dévoreur est un texte qui compte beaucoup à mes yeux, parce qu'il parle de notre rapport à la mort et à la finitude, de notre recherche d'immortalité ou de prolongement de nous-mêmes. Je crois que fondamentalement, ce texte est né dans mes années d'unifs, au cours de philo donné par Pierre-Philippe Druet, spécialiste du déni de la mort dans nos sociétés (et lui-même cancéreux chronique, conscient qu'il ne vivrait pas vieux). Il expliquait notamment que l'individu n'était devenu réellement unique et irremplaçable (et sa perte irréparable) qu'au siècle des lumières. Auparavant, on acceptait naturellement de céder la place aux générations suivantes, dans un contexte où la croissance ne semblait nullement infinie : mourir, c'était laisser ses enfants hériter de la terre. Ne pas mourir, ç'aurait été comme ne jamais leur permettre de se réaliser (voyez ce pauvre Prince de Galles ;) ). C'est exactement ce que refuse de faire Vidal... Mais plus encore, notre ogre représente notre génération, qui, dans son souci d'enfler démesurément et de se refuser toute limite, dévore ses futurs et ruine ses propres enfants...

Posté : sam. 12 déc. 2020 14:15
par Vidal Silarius
P.S. : si vous avez eu l'audiolivre, qui est effectivement excellent, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Audible !

Posté : lun. 14 déc. 2020 08:06
par Akallabeth
Je me rends compte que je n'ai rien dit sur ma lecture de Dévoreur et c'est pourtant une des lecture de nouvelles qui m'a le plus marquée !
En tant que jeune père (moins maintenant qu'à l'époque ! :p ) elle prend une puissance, surtout le monologue de fin qui m'a profondément affectée à la lecture. J'ai rarement eu un sentiment comme ça ! Pour moi, dans Dévoreur, Stefan Platteau se monte à la hauteur d'un Guy Gavriel Kay (dans mon estime) dans sa capacité à transmettre des émotions au cours d'une lecture.
Un très grand moment de littérature ! Félicitations et merci ! ;)

Posté : mar. 15 déc. 2020 06:45
par Irokoi
Je suis d'accord et ce constat/cette réflexion anthologique, incarné dans une représentation personnelle de l'archétype de l'Ogre , est d'autant mieux mis en relief. . Genre de questionnements fondamentaux qui ne m'incite pas personnellement à me reproduire... ^^' Merci pour ce retour ! (Je mets tjs des des commentaires sur Audible ^^)

Posté : mar. 15 déc. 2020 07:45
par codotusylv
J'ai beaucoup aimé Dévoreur également (Le Roi Cornu, moins, sinon en tant que complément documentaire aux Sentiers des Astres).

Réinvestir le conte de fée, c'est parfois une démarche dangereuse. Par définition, celui-ci tire toute sa force de son côté fantasmatique, enfantin, implicite, de son récit en creux et imprécis qui invite à l'imagination. Quand on cherche à le faire grandir, on lui enlève sa puissance et sa raison d'être. C'est exactement ce qui arrivé avec l'anthologie Snow White, Blood Red (Blanche Neige, Rouge Sang), d'Ellen Datlow et Terri Windling dans les années 90. Quel intérêt à expliciter le contenu sexuel larvé du conte de fée ? L'intérêt, c'est justement que ce soit larvé. Mais dans le cas de Dévoreur, c'est réussi. C'est un excellent renouvellement du thème de l'ogre.

Et merci pour la clé de lecture ci-dessus. Voir Elizabeth II comme une ogresse, ça me va bien :)