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par Milieuterrien
Elbakinien d'Argent
Il y a de l'émotion dans la bataille de Minas Tirith, mais avant d'en parler, rappellons-nous celle du Gouffre de Helm, si brutale, bestiale, inexorable, désespérée.. L'approche des Uruks sous la pluie noire, leur agression sans repos ni relâche (un monument d'oppression palpable), l'implication des enfants, l'échec de Legolas à abattre l'uruk olympique, la destruction du mur, la mort des elfes, le boutoir et ses dégâts lorsque la porte cède, ces reculs de bastion en bastion.. Simple et linéaire, elle est tout simplement terrifiante. Quant à la poignée de combattants se précipitant sur le pont vers une mer de lanciers, c'était l'image même de l'attaque suicide, qui en outre laissait l'arrière-garde totalement dégarnie. Cela sentait à plein nez l'hallali, jusqu'à ce que la soudaine déferlante lumineuse et salvatrice déboul de cette pente d'enfer ! Elle ne pouvait survenir plus à point.. Choc garanti, mais aussi remake anticipé de la charge des morts ;-)C'est par rapport à Helm que l'impact de la bataille de Minas Tirith peut paraître un peu amoindri.. y contribuent aussi cet immense espace ouvert du Pelennor, moins étouffant que l'étroite vallée de Helm, la clarté du jour et l'intermède triomphal de la charge Rohirrim sur des orques tremblants de peur.. Les Nazguls picorants, les Mumakils dodelinants, Grond flamboyant suscitaient davantage d'admiration ébahie que de véritable angoisse.. Quand au Morannon, avouons-le, celle du "c'est l'assaut désespéré, nous allons tous y passer", on ne nous la fait plus ! Même avec cinquante mille orques en face ;-)Au fond, pour le RdR, l'émotion vient plutôt de scènes qu'on n'attend pas.. la séparation de Merry et Pippin, l'interminable ascension de Gandalf le long des rues de Minas, Faramir tout interdit d'apercevoir au cou de Pippin le même bijou que Frodon et Sam, les feux sur les cimes, la moue de Gandalf quand Pippin vante "le grand sorcier blanc", les fleurs jetées sur le chemin des cavaliers du Gondor partis risquer la mort, façon si délicate de rappeler qu'autour de Faramir chevauchent les pères de familles de cette ville menacée..Et c'est encore la subtilité qui crée l'émotion dans les deux scènes peut-être les plus magnifiques de la traversée du Mordor :- La douceur avec laquelle Frodon congédie son ami : "rentre chez toi, Sam". L'expression d'une certitude si tranquille que Sam avait trahi que le malheureux accusé ne pouvait qu'en être anéanti, d'autant qu'il se reproche au même instant de n'avoir su contenir son agressivité et s'aperçoit de l'effet de son appel à l'anneau. De telles situations n'arrivent pas souvent dans la vie, mais si cela vous est arrivé un jour, pareil jeu d'acteurs vous applatit littéralement sur votre séant.. Pour sûr, comme dirait Sam, cette scène-là aurait parfaitement sa place sur grand écran, au moment d'illustrer l'oscar du meilleur acteur.. promis à Elijah Wood !- La seconde est cette phrase prononcée par Sam : "Vous n'êtes pas blessé Monsieur Frodon vous êtes mort", où il s'aperçoit, tout en parlant, que celui à qui il s'adresse ne peut l'entendre.. Sa voix se brise alors mais il ne peut s'empêcher de continuer de parler sur sa lancée, même si c'est désormais inutile, un peu comme si une faille béante s'ouvrait d'un coup entre la raison et le coeur de Sam, l'un et l'autre engageant un monologue sans plus pouvoir écouter l'autre..Celle-là, elle est pour l'oscar du meilleur second rôle à Sean Astin. On ne peut pas être plus crédible que lui ici.Enfin ce serait méjuger les vertus émotionnelles de la BO que de ne pas souligner son importance dans l'épilogue de la montagne du Destin. La bataille de Frodon avec l'anneau, puis avec Gollum, est littéralement submergée par des choeurs d'abord aussi ardents et flamboyants que le lac de lave, puis fluides comme un immense soulagement (si l'on peut se permettre l'expression !) une fois l'anneau détruit ;-)