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Je te rejoins sur le terme fascisme. Derrière ce terme connoté notre société a tendance à mettre beaucoup de choses qui au final ne correspondent pas du tout à la définition du fascisme dans le dictionnaire .

En restant sur le fascisme stricto sensu je ne me souviens pas d'avoir lu des livres de ce genre en fantasy, même si on a reproché à certains clichés de l'heroic fantasy, mis en avant notamment dans Conan, d'avoir des relents de fascisme.

Après avoir cherché rapidement sur le net, quelques récits à consonance fasciste ont été écrits en uchronie (l'anthologie italienne fantafascismo notamment) ou de manière plus générale en SF (tu peux trouver sur internet l'essai SF et fascisme de Aaron Santesso qui fait un parallèle intéressant avec les pulps, les accusation de fascisme visant certains auteurs...).

Tu cites Roland C Wagner qui a surtout écrit de la SF. Je pense que tu fais référence à sa préface du livre de Norman Spinrad Rêve de fer qui est une uchronie mais qui traite de la fantasy. L'auteur imagine qu'en 1918 Hitler est devenu écrivain de SF/fantasy aux Etats-Unis et qu'il se sert des clichés de l'heroïc fantasy pour écrire son seigneur du svastika et promouvoir sa philosophie fasciste. Je n'ai pas lu ce livre mais peut-être qu'il te fournira des éléments de réponse.

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Je pense que tu as un problème de sémantique.
Il est plus probable que tes ci et là font référence à une pensée viriliste où la victoire s'obtient par la force (tu as la même chose chez les super héros) ou encore à la question de la naissance (l'élu.e).
Mais il est peu probable que tu puisses un jour trouver une littérature fasciste au sens premier du terme.
D'où ma première proposition.

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Je persiste à dire que le problème est d'ordre sémantique.

Je pense que tu devrais plus te poser la question de : Qu'est ce que l'on entend par fascisme ?
Je pense sincèrement que l'on se place plus dans une définition analogique (ou un abus de langage) que dans un cadre stricto Mussolinien.

Tu peux te replonger dans différents ouvrages avec la grille de lecture qu'offre Umberto Éco. ("Reconnaitre le fascisme" chez points).

Pour ce que j'entend par Virilisme je t'invite à jeter un œil à deux ouvrages "Le mythe de la virilité" d'Olivia Gazalé et "Le coût de la virilité" de Lucile Peytavin.


Je ne vois pas très bien le but de ta démarche.
Es-tu en quête d'ouvrages pour un mémoire ?

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Ce serait bien en effet que tu retrouves où tu as pu lire ou voir ce type d'affirmation... faute de quoi, on va vite tourner en rond à tenter de raisonner à partir d'une rumeur. Parce qu'à te lire ici :

Azathoth a écrit :Le fascisme a une signification, et des gens disent qu'il y a trop de livres fascistes dans la fantasy.

... j'ai l'impression que tu es très occupé à réagir à quelque chose que tu as vu, ou que tu penses avoir vu, afin de prouver que "les gens" auraient tort, mais sans être capable de citer les fameux "gens" en question. Du coup, la première question à te poser serait : n'es-tu pas en train de te monter la tête tout seul et de monter sur tes grands chevaux pour pas grand-chose ?
Sachant que, même dans ce dernier cas, ça reste une occasion de se cultiver en lisant des bouquins d'histoire, donc c'est une discussion intéressante.

Je te conseille avant toute chose d'aller bouquiner un peu Pierre Milza et Philippe Burin, deux spécialistes français de la notion de fascisme. Entre le fascime italien lancé par Mussolini, sa récupération par l'extrême-droite française, ou encore le sens plus large du mot qui est parfois utilisé comme synonyme de "totalitarisme". Ce sont trois sens largement répandus mais distincts.

Azathoth a écrit :Je ne retrouve plus les pages ou extraits où j'avais lu ça, mais ça date déjà un bon moment (bien avant la grosse émergence progressiste des dix dernières années). Mais ça parlait bien de fascisme véhiculé dans les livres contre lesquels lutter...

Que veux-tu dire par "la grosse émergence progressiste de ces dix dernières années" ? Tu trouves que la fantasy est monopolisée par une logique progressiste ? Personnellement, je n'ai pas remarqué. Ou alors, tu parles des idées progressistes en général politique ces dix dernières années, comme... heu... Bachar el-Assad *touss* Trump *touss*, Bolsonaro *touss* ?

Azathoth a écrit :Le virilisme, mouais, pourquoi pas... Moi je vois souvent ça comme un peu crypto-gay.

Il y a peu de gens plus crypto-gays qu'un type à la virilité exacerbé, farouchement hétérosexuel et homophobe. Le virilisme entretient une relation au corps masculin bourrée d'ambivalence et d'hypocrisie. Et non seulement ça crève les yeux, mais l'homosexualité ou la bisexualité refoulée est envisagée comme l'une des causes possibles de l'homophobie violente par plusieurs psychologues (l'article "Homophobie" de Wikipédia en parle un peu).

Azathoth a écrit :Mais après il faut s'entendre sur virilisme : La plupart des héros de Howard sont puissants, mais tous ne le sont pas au sens viriliste (je pense par exemple à Solomon Kane : il bourrine mais c'est secondaire, c'est surtout un fanatique complètement fou). Conan a beau être viril c'est plus un anarchiste de droite comme ils en ont aux USA (un peu comme la pensée des successeurs de Thoreau)

Il va falloir distinguer "masculinité", "virilité", "masculinisme", "virilisme" et "machisme"... Un petit coup d'oeil à l'Histoire de la virilité dirigée par Alain Corbin et Georges Vigarello (en trois tomes, selon la période historique qui t'intéresse).
De plus, prends garde au fait qu'un même personnage (typiquement, Conan) peut donner lieu à des variantes assez différentes et à des récupérations dans des sens parfois contradictoires, selon les oeuvres et les contextes.

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J'ai rencontré Roland une fois, pour une table ronde pendant une convention SF ; j'ai le sentiment qu'il était capable de lancer un troll rien que pour voir comment les autres allaient réagir (sur le moment, j'ai cru que sa question sur Tolkien et la bière des hobbits était sérieuse, mais avec le recul, je pense que c'était une façon de dire que c'est une création de background trop poussée pour intéresser le lecteur sans servir l'histoire pour autant).

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Bonjour Azathoth,

Je n'ai pas la réponse à ta question, mais comme j'ai bien connu Roland C. Wagner (avec qui je n'étais pas toujours d'accord, loin s'en faut) et comme je connais un peu Norman Spinrad que j'ai réédité à une certaine époque chez Denoël, je vais essayer de te répondre.
Je pense qu'il faut partir de la science-fiction des années 60 (et donc considérer ce qu'était la fantasy à ce moment-là) pour avoir une vision assez historique de la problématique. Quand les auteurs de SF d'extrême-gauche américain ont fait leur apparition (dans les années 60, donc), puis des auteurs plus modérés mais très marqués politiquement comme Ursula K. Le Guin, la SF d'avant était pas plus ou moins politisée que la fantasy d'avant, mais elle était globalement masculine, écrite par des hommes, et souvent porteuses de valeurs dites "de droite". Bradbury était antiraciste, mais réactionnaire. Heinlein a beaucoup changé d'avis. Herbert et Vance étaient pour la guerre du Vietnam, mais sont étudiés par les anarchistes. Pour moi Dune est l'oeuvre d'un anarchiste de droite, pas d'un fasciste, et même ce serait plutôt presque le parfait opposé (le faisceau opposé au surhomme divin).
Beaucoup d'auteurs qui ont apporté des valeurs de gauche à la SF, progrès sociétal, tolérance, ouverture sur l'autre, accueil des minorités, ont reproché assez durement aux auteurs de fantasy de leur époque (et SURTOUT de celles d'avant) de ne pas faire de même et ont noté que certaines valeurs de la fantasy, d'une certaine fantasy, comme la suprématie de la barbarie sur la civilisation étaient problématiques, réactionnaires et j'en passe.
Il était de bon ton d'expliquer que faire revivre un passé médiéval fantasmé était anti-progressiste. Que la seule littérature d'imaginaire porteuse de progrès sociétal était la science-fiction.
Norman Spinrad a écrit Rêve de fer en 1972 et a fait de cette accusation une espèce de farce où Hitler écrit de la fantasy.
Personnellement j'en resterai là. Quand on étudie Tolkien on voit bien qu'il n'était pas raciste, mais plutôt misogyne et traumatisé par la Première guerre mondiale. Quand on étudie Howard on voit bien que son délire sur les Celtes et la barbarie était en partie nourri par des données archéologique / historiques fausses ou incomplètes, etc. Des auteurs de leur époque (j'aime beaucoup Lovecraft, aussi). C'est pas parce qu'ils ont cru des idioties qu'ils n'ont pas écrit des trucs formidables.
Roland C. Wagner considérait la science-fiction comme intrinsèquement supérieure à la fantasy. Et puis la fantasy a changé, une partie est devenue plus humaniste, Terremer ne me semble pas tellement de droite, Terry Goodkind, si, etc.
Tout cette polémique sur la fantasy de droite (sans même aller jusqu'au fascisme) me semble vraiment dépassée, c'est évidemment beaucoup plus compliqué que ça (et même à la fin des années 60, c'était pas aussi tranché).
Cela dit Rêve de fer reste un livre intéressant à lire, surtout si on s'intéresse au sujet, et ce que John Milius (avec l'aide d'Oliver Stone) a fait de Conan, sa métaphore filée notamment du Flower Power, est éclairant sur ce qu'on peut faire dire à la fantasy sans lui demander son avis.
Après on peut chercher des horreurs comme le cycle de Gor (qui est plutôt mysogine/sado-maso qu'autre chose) pour justifier n'importe quoi, mais moi personnellement je ne vois aucune œuvre de fantasy qui se rapproche du fascisme italien. Après, je connais mieux l'histoire de la science-fiction. Et je le reconnais volontiers.

GD

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Sans être une spécialiste de la question, L'Épée de Vérité serait ce qui me viendrait à l'esprit de plus proche d'une fantasy vantant les mérites d'un modèle fasciste : glorification du chef tout puissant auquel il faut jurer allégeance pour être protégé, idéologie qui loue la violence et la guerre et méprise les pacifistes, justification de tous les crimes au nom du Bien représenté par l'État, valeurs masculinistes et femmes infériorisées, haine du communisme (l'Ennemi à détruire) et établissement du capitalisme comme modèle ultime, plus tout une espèce d'eugénisme lié à la magie. Pas forcément perceptible dans le premier tome mais de plus en plus au fil des suivants. Comme c'est une série qui a remporté un énorme succès, forcément ça a fait parler, mais je ne sais pas si c'est ce que tu cherches.

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J'ai aussi pensé à L'épée de vérité même si je me suis arrêtée au bout de trois tomes et si j'ai bien compris, c'est surtout par la suite que c'est devenu vraiment "chargé" on va dire.

Il me semble néanmoins que Goodkind se réclamait de l'objectivisme d'Ayn Rand, remis à sa propre sauce, donc là encore je ne sais pas si on peut vraiment parler de fascisme pur-jus.

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Le terme de "fascisme" étant tellement usé, vidé de toute substance, il me semble délicat d'en faire un critère éclairant. Par contre je crois qu'il y a une tendance de fond "anti-moderne". Les entretiens avec Bakker que vous avez traduit sur Elbakin permettent assez bien d'en prendre la mesure. Je suis d'ailleurs souvent surpris de voir des amateurs de fantasy qui viennent sans l'avouer ou se l'avouer puiser un réenchantement qui colle peu avec leurs opinions politiques. Goodkind me paraît assez peu "fasciste", à moins d'en étendre le sens jusqu'à la confusion, il traduit plutôt les idées individualistes de Rand avec un volet néo-conservateur.