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par Littlefinger
Elbakinien d'Or
Hop, ma critique sur le roman en question :Avec World War Wolves, il semble que le loup-garou revienne un tantinet sur le devant de la scène. Une impression confirmée avec la parution du dernier roman d’Adrien Tomas, Notre-Dame des Loups. Après La Maison des Mages et La Geste du Sixième royaume, l’auteur poursuit sa collaboration avec les éditions Mnémos et s’attaque au genre fantastique mâtiné de western. Avec un grand format plutôt costaud niveau dimensions, le roman ne compte pourtant que 183 pages, une curiosité dans un moment où les récits connaissent une inflation du nombre de pages plutôt alarmante. L’auteur français parvient-il à remplir ses ambitions dans un format si court ?Nous sommes en 1868, dans l’Ouest Américain, en plein milieu de la Forêt Blanche. Les hurlements des loups résonnent et la lune joue à cache-cache avec les nuages...Dans le froid de la neige immaculée, une équipe d’hommes en armes traquent inlassablement La Dame. Point de loups devant eux mais des Rejetons, des « Rej’ », les hybrides sauvages de la Grande Louve, des lycanthropes assoiffés de sang et de chair humaine qui contaminent les humains de ces contrées reculées. Mais la Dame fuit. La troupe d’hommes qui la poursuit n’est pas comme les autres, ce sont les Veneurs. Jack, Würm, Jonas, Winters, Evangeline et son pack, autant d’experts dans l’art de tuer du garou, autant de salaud endurcis qui n’ont plus qu’un but dans la vie : faire la peau à cette salope de Louve.Le roman de Tomas se scinde en autant de parties qu’il compte de personnages. L’auteur a le désir bien ancré dès le départ de camper sa galerie de veneurs de la meilleure des façons possible et de les incarner chacun avec leurs manières et leurs particularités. Dans ce sens, Notre-Dame des Loups peut se voir comme une sorte de récit choral. Son début reste cependant un peu poussif, un peu lourd. Tomas souffre la même lacune que Faye au début de son Eclat de Givre, il veut en faire un peu trop niveau langage et force le trait. Mais heureusement, au bout d’une quinzaine de pages, il trouve le juste milieu et, petit à petit, rend son récit bien plus fluide et agréable à suivre. Il faut bien comprendre que Notre-Dame des Loups n’a rien d’un grand récit profond, en ce sens qu’il ne mise pas sur des thèmes majeurs et intemporels. Le roman s’appréhende un peu comme un film d’action type poursuite furieuse, et sur ce plan Tomas adopte une cadence nerveuse qui sied parfaitement aux tribulations de sa troupe de Veneurs. En clair, Notre-Dame se veut page-turner et parvient à ses fins avec une étonnante facilité.Les raisons de cette réussite sont multiples. La plus évidente et la plus importante, c’est la galerie de salauds au courage en argent trempé qui parcourt les pages de Notre-Dame des loups. Tomas dresse une ribambelle de personnalités aussi attachantes que charismatiques. De Jack, le prototype du salaud obsédé par sa quête à Waukahee, l’Indienne Tauntok revêche seule survivant de sa tribu, en passant par l’Allemand Würm, dandy en haut de forme, as de la gâchette et fin connaisseur des lycanthropes. Chacun d’entre eux va marquer le récit de son empreinte à un moment ou un autre, dans une sorte de petit jeu de massacre cruel et diablement entraînant. Adrien tente de leur donner des particularités langagières au fur et à mesure de leur prise de paroles mais il n’y arrive pas forcément à chaque fois, les deux plus grandes réussites à ce niveau restant Würm et…Evangeline. Cette dernière constitue peut-être le plus gros point fort de la Troupe. Bien pensée, bien présentée et surtout très originale, elle s’affirme rapidement comme la bonne surprise de la troupe. Côté surprises, Notre-Dame des Loups en contient un certain nombre. A commencer par la fin, abrupte et excellente. Durant toute la progression du récit, le mystère autour de la Dame et de la perte des Veneurs s’épaissit, Tomas mène d’ailleurs d’une main experte son histoire et sait disséminer des rebondissements inattendus au bon moment pour la rythmer. C’est là aussi une des raisons de la réussite du roman. La dernière, et non des moindres, c’est le soin apporté à l’ambiance et au background de son univers. Tomas sait nous plonger au milieu d’un Ouest américain sauvage et effrayant, territoire en grande partie inconnu et diablement excitant. De même, il refuse de reprendre telle quelle la mythologie des lycanthropes et bâtît ses propres légendes pour renflouer un fond de commerce déjà bien connu. Pour se faire, il recourt à tout un vocabulaire particulier qu’on apprend rapidement à maîtriser. Le chasseur de loups-garous devient Veneur, une balle en argent une perle, un infecté un conta…Bref tout un ensemble de petites choses qui peuvent paraître dérisoires mais qui contribuent à immerger le lecteur dans un univers singulier. Bien évidemment, Tomas ne révolutionne pas le mythe, mais sait le réutiliser et y ajouter sa patte de fort belle manière. L’imbrication du fantastique et des événements historiques ajoutant encore au charme du roman (la référence au Mayflower et à la Bête du Gevaudan notamment) qui, décidément, remplit son contrat sur tous les plans.Notre-Dame des Loups ne fait peut-être pas partie des plus grand romans de l’année en termes de réflexion et de profondeur, mais il dégage assurément une aura et un charme fou. Rythme soutenu et personnages truculents, fantastique savamment géré et intégré au récit, le livre d’Adrien Tomas esquisse une quête haletante et mordante que vous auriez tort de louper. Faites un pas en avant, Veneur !