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par Darkseid
Elbakinien d'Argent
Critique blindée de spoilers attention !!!!!!!Dès l'annonce du découpage du Hobbit en trois épisodes au dernier moment, je craignais l'accident artistique. Le Hobbit est une histoire courte, un livre pour enfants qui servait d'introduction à la grande oeuvre de Tolkien, notamment par sa fin, inhabituellement sombre pour une histoire de ce type. Les liens que Tolkien a crée par la suite avec le Seigneur des anneaux notamment en identifiant le Nécromancien évoqué rapidement dans le livre avec Sauron enrichissaient la lecture du conte mais ne la modifiait pas en profondeur. Il y avait dans le Hobbit clairement de la matière pour faire une grande aventure épique de trois heures, éventuellement, deux films de plus de deux heures en tirant un peu sur la corde mais pas trois, à moins de totalement transformer l'intrigue.Au final, seul le premier film a été sauvé du naufrage car il est le seul à vraiment raconter une histoire plutôt cohérente avec bon nombre de moments de bravoure. La désolation de Smaug apparaît clairement comme un épisode bâtard contenant la dernière heure du premier film et l'essentiel du second et ne laissant finalement pour le troisième que le climax, soit pas grand chose à raconter.Ce troisième film concentre tous les problèmes de la nouvelle trilogie. L'écriture et le montage sont atroces, jamais au grand jamais la scène de la mort de Smaug n'aurait du figurer dans le troisième film, elle aurait trouvé toute sa place dans le second au lieu de ce lac d'or qui semblait déjà assez improvisé pour donner une ampleur à la fin du second volet. En introduction (et honnêtement, je trouve ça dommage que ce soit le seul épisode qui ne commence pas par un flash back) la scène apparaît comme étant un magnifique moment de bravoure écourtée, l'une des trois grandes menaces du film et la seule que Jackson avait réussi à faire réellement exister disparaît en quelques minutes. A partir de là, le film semble n'être plus qu'un lent compte à rebours vers la bataille finale annoncée par le titre du film (là encore, le changement de dernière minute et l'abandon du titre original sonne vraiment comme une capitulation artistique). Le film est plutôt intéressant par certains aspects et oppose très bien la figure de Bard, leader improvisé et altruiste d'un peuple en détresse aux rois elfe et nains qui semblent terriblement égoïstes, emplis de préjugés et paranoïaques. Malheureusement, cet aspect de l'intrigue est souvent parasité par le personnage de l'adjoint du maître qui ne cessera de détruire les enjeux dramatiques du film, une sorte de contamination des pires codes adoptés par les studios Disney avec Pirates des Caraïbes et les films Marvel Studios.Vous remarquerez que je n'ai pas encore parlé du héros, à savoir Bilbo qui semble être de plus en plus en retrait dans l'histoire, son seul rôle se limitant à voler l'Arkenstone à Thorin pour le donner aux hommes afin d'éviter le carnage, l'arkenstone était souvent mentionné dans les deux premiers films de manière assez judicieuse pour justifier cette histoire à la base très improbable de quatorze personnes ayant décidé de chiper un trésor de plusieurs centaines de tonnes à un dragon, le joyaux des rois devait servir de moyen à Thorin pour unifier les nains et les réunir pour vaincre le dragon. Le joyau est au cœur de l'intrigue et cause la rupture entre le nouveau roi sous la montagne (magnifique Richard Armitage) et ses compagnons (Bilbo en tête). Hélas, le bijoux finira dans la manche de Bard et ne sera plus mentionné dans la dernière heure du film (symptôme avec beaucoup d'autres éléments qui démontre à quel point ce montage est quand même problématique, étirer une histoire sur huit heures et oublier un élément fondamental, ça pose un sérieux problème).Vient enfin la bataille qui commence bien, personnages picaresques, champ de bataille clairement localisé et borné, on comprend très bien où se placent chacune des armées et la bataille commence bien par ce plan magnifique de la charge conjointe des nains et des elfes. Malheureusement, cet effet sera détruit peu à peu, par les regrettables apparitions du personnage de l'adjoint au maire cité plus haut mais aussi par une très mauvaise gestion du temps, la prise de conscience de Thorin semble être construit en ellipse alors que la bataille se déroulant hors les murs d'Erebor se passe en temps réel un peu plus loin. Une fois Thorin sorti de sa montagne, il décide de s'en prendre au chef des Orcs pour compenser l'infériorité numérique subie par ses alliés, judicieuse idée, malheureusement, Jackson abandonne ici toute idée de montage audacieux ou crédibles, les bouquetins que chevauchent Thorin et ses neveux auraient pu être une bonne idée si on avait montré une sorte de cavalerie naine à un autre moment du film, là, ils semblent débouler de nulle part et décrédibilisent le récit. Et là, tout part vraiment en couille, Jackson se désintéressant totalement de la bataille pour se focaliser sur les duels entre les héros et les méchants. On ne sait absolument pas ce qui se passe pour le gros des troupes (surtout que le film les quitte alors qu'ils sont dans une situation désespérée). En plus, le combat contre Azog perd tout intérêt stratégique, comment les Orcs peuvent-ils savoir que leur leader est mort si le duel se passe très loin du champ de bataille ? C'est d'autant plus dommage que le duel est plutôt réussi mais comme tout le film, semble finalement interminable alors qu'en l'entrecoupant avec les batailles, il aurait pu le rendre bien plus dynamique notamment en faisant intervenir plus tôt les derniers protagonistes de la bataille, la seconde armée orc d'un côté, les aigles et Beorn de l'autre. Leur apparition in extremis ne les faisant intervenir qu'en tant que Deus ex Machina qui pousse n'importe quel spectateur à se demander pourquoi on n'a pas fait intervenir les bestioles plus tôt. S'en suit un rapide épilogue qui fait le lien avec le seigneur des anneaux de manière habile mais conclue assez mal l'intrigue même du Hobbit (pas d'enterrement de Thorin, beaucoup de questions sans réponses sur les royaumes humains et nains). Globalement, la fin de ce film met clairement le doigt sur ce qui restera comme l'une des erreurs majeures de cette volonté démente d'avoir voulu faire trois films à toutes forces. Faire du Hobbit une préquelle au SDA et là, le film échoue dans les grandes largeurs et parfois de manière inexplicable. On aurait pu suivre Tolkien et lier bien plus les trois méchants du film (Azog, Smaug et Sauron), on aurait pu broder sur l'histoire du dernier anneau des nains arraché par Sauron au père de Thorin (personnage disparaissant de manière inexplicable du montage cinéma) mais non, dès le début du troisième film, on s'interdit cela en faisant disparaître en cinq minutes chono Sauron dans une scène de Beat Them All indigne et en plus en recyclant ce qui était déjà l'une des rares fautes de goût de la Communauté de l'anneau avec la Galadriel Fluo. Sauron est évacué du scénario alors que les deux premiers films visaient à le faire apparaître comme la principale menace. Un beau plantage...Cette volonté de toutestliage a eu aussi d'autres conséquences funestes, Legolas est bien trop mis en avant par rapport aux autres personnages, c'est d'ailleurs assez dommage, Jackson avait réussi dans le premier film à donner un semblant de personnalité à chaque nain mais finalement, cette idée est totalement abandonnée dès le second film, la majorité de la compagnie composant des personnages interchangeables sans âmes. On évitera évidement de parler de la romance Kili/ Tauriel jamais crédible, on n'avait pas vu d'intrigue amoureuse menée aussi lourdement depuis la prélogie. C'est quand même assez moche qu'avec des moyens pareils, et je ne parle pas de l'aspect financier mais bien du potentiel artistique des différents intervenants, on ne soit pas arrivé à mieux. Ce n'est pas une version longue qu'il faudrait à cette trilogie mais une version courte entièrement remontée. The Last Goobye se finira donc sur une note bien amère.