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Remontée du sujet (et double post, désolée !) pour évoquer ma dernière lecture en date : All Men Of Genius, signé Lev A.C. Rosen. La critique risque d'être un peu longue et de partir dans tous les sens, alors pour ceux qui aiment les versions condensées, je résumerai en disant : gardez ce livre sous le coude pour quand le steampunk n'aura plus rien à offrir. Tant que le genre proposera des nouveautés de qualité, abstenez-vous.Et pourtant, ça partait plutôt bien. L'éditeur et les sites de vente en ligne présentent ce roman comme un mélange de "La Nuit des Rois" de Shakespeare et l'œuvre d'Oscar Wilde dans son ensemble. A priori, la formule génie² + steampunk donne franchement envie. L'histoire s'appuie donc sur la pièce de Shakespeare : Violet Adams, 17 ans, petit génie de la mécanique, rêve d'entrer à Illyria, une école ultra-réputée pour jeunes scientifiques. Problème : on n'y accepte pas les filles (société victorienne, les femmes à la maison, toussa toussa). Qu'à cela ne tienne ! Violet est un peu tête de mule et décide de se déguiser et de prendre l'identité de son frère jumeau, Ashton, pour faire ses preuves parmi tous ces mâles. Sauf que garder son identité secrète va se révéler être le moindre de ses problèmes, parce que dans les couloirs sombres situés sous l'école se préparent des choses pas jolies, et que le duc Ernest d'Illyria, directeur de l'école, est plutôt très agréable à regarder.Le grand jeu de ce roman consiste à chercher toutes les références à Shakespeare et à Wilde semées par l'auteur. Le plus évident, ce sont les prénoms : côté Barde de l'Avon, Violet/Viola, Illyria/Illyrie, les professeurs Valentine et Curio, Toby Belch et Drew (Andrew dans la pièce), Volio/Malvolio, le bouffon Feste, etc. Pour Wilde, tous les clins d'œil où presque sont à chercher dans L'Importance d'être Constant, avec Cecily, Jack et Ernest, et un Algernon pas si bien caché que ça. On a même droit à quelques petites phrases bien senties dont Wilde avait le secret, et ça, ça fait toujours plaisir.Le problème, c'est que ça sent très vite le réchauffé et qu'il n'y a pour ainsi dire aucun suspense. Il suffit d'avoir vu Shakespeare in Love, Yentl ou même le délicieusement cucul She's The Man pour prévoir tous les coups à l'avance : Violet qui tombe amoureuse d'Ernest, Cecily qui tombe amoureuse d'"Ashton", le meilleur ami Jack qui tombe amoureux de Cecily, et Ernest qui ne sait pas s'il est fou de Violet en tant qu'elle-même ou de son "frère". Mais Violet n'est pas la seule à avoir une double vie et des choses à cacher, et les chantages s'entassent tellement que ça finit par devenir lassant. Au final, le complot qui menace l'école est tellement dilué dans les intrigues amoureuses qu'il en devient accessoire : tout ça est réglé dans les 10 derniers % du livre, et de façon pas spécialement satisfaisante.Niveau steampunk, ensuite. Si l'auteur avait voulu écrire un recueil de clichés, il ne s'y serait pas pris autrement. Sa notion de "sciences" à la sauce steampunk est parfois franchement ridicule : quelqu'un peut m'expliquer l'intérêt de greffer des ailes à un furet ou de filer les cordes vocales d'un rossignol à un lapin ? Etait-il vraiment nécessaire d'affubler le professeur de mécanique de tous ces morceaux de machine pour montrer que son boulot était dangereux et qu'on pouvait perdre des membres ? Le professeur Curio L'auteur donne l'impression de vouloir trop en faire, au détriment de la crédibilité (je sais que le terme "crédibilité" est à prendre avec des pincettes en steampunk, mais tout de même...).Et puis il y a les personnages. Insupportables, tous ou presque. Violet sort péniblement la tête hors de l'eau, et seul le "vrai" Ashton (poète, incisif et homosexuel quasi-assumé) surnage au milieu de ce casting raté. La palme du personnage tête à claques revient à Cecily, qui se croit vraiment tout permis. Elle a décidé qu'elle aurait "Ashton", elle l'aura, même si ça signifie se pointer chez lui alors qu'on lui a fait comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue. Sur la deuxième marche du podium, le méchant Volio, tellement sûr de son génie et de sa supériorité que c'en est à vomir. Et surtout, SURTOUT, M. Rosen, était-il besoin de déverser des pages de détails inutiles sur des personnages secondaires, voire tertiaires ? On se fiche comme d'une guigne de l'intérêt du professeur Valentine Ça ne fait pas avancer le schmilblick, et c'est ce genre de détails insignifiants qui contribue à plomber une histoire qui aurait pu être, à défaut d'originale et sensationnelle, au moins plaisante à lire.Et les histoires d'amour... Mon dieu...
Il y a moins de paragraphes fleur bleue niveau ado de 15 ans chez Barbara Cartland. À croire que l'auteur n'est jamais tombé amoureux et que sa seule expérience de ce sentiment vient des romans Harlequin ou de Amour, Gloire et Beauté. Sérieusement, quel ramassis d'idioties ! Seul Ernest et Violet rattrapent un peu le niveau, mais Cecily et Jack méritent des gifles.Bref, il n'y a pas grand-chose à sauver dans ce naufrage... et pourtant, dans ma colonne "Note", j'ai mis la moyenne (deux étoiles et demi, je note sur cinq étoiles). Par affection pour les deux auteurs auquel le roman prétend rendre hommage, peut-être. Ou peut-être en raison des deux/trois bonnes idées qui traînent ici et là. Dans tous les cas, je suis contente de l'avoir lu en numérique et de ne pas voir ce truc traîner dans ma bibliothèque...
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Parlons ici de ce projet d'anthologie steampunk, nouveau projet kickstarter du jour : (merci pour la brève
):arrow: Un Kickstarter pour une anthologie
