Je viens juste d'achever le 4ème tome des
Seigneurs de Runes, et je dois avouer que le cycle m'a fait passer de bons moments.J'aurais lu cela dans mes premières lectures de fantasy j'ai vraisemblablement été interpellé par le brigade du kif, mais après des dizaines de lectures nettement plus consistantes mon enthousiasme sera finalement plutôt limité.Les + :

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les belles couvertures de l'édition de poche signées Marc Simonetti, tellement plus classes que les couvertures flashy et eighties de l'édition américaine.-
les 4 volumes se lisent très bien et très vite : je reste surpris de la vitesse avec laquelle les pages défilent malgré l'épaisseur des volumes (grosso modo 4 x 600 pages = 2400 pages assez vites lues finalement...)Est-ce que cela s'explique par le talent de l'auteur, celui du traducteur ou à lisibilité de la mise en page de l'éditeur ?Difficile de trancher définitivement...-
le système de magie runique où les Dédiés transfèrent leurs qualités à leurs Seigneurs.C'est un sytème bien développé, très cohérent et assez "fascinant" par certains aspects.Mais au-delà d'un choix de vocabulaire qui renvoie maladroitement au jdr, son "originalité" ne doit pas masquer qu'il constituerait presque un prétexte pour introduire des super-soldats et des super-héros dans un monde médiéval fantastique.-
une bonne maîtrise du rythme : certes les cliffhangers de fin de chapitres font preuve de beaucoup moins de suspens que ceux de Greg Keyes, mais la série commence assez fort, le 1er tome se suffisant presque à lui-même, et on ne s'ennuie jamais !- avec du recul, on s'aperçoit que
David Farland sait il dès le départ où il va, même si on n'est pas forcément d'accord avec ses choix... et cela fait du bien quand on voit tant d'auteurs sécher au improviser en cours de route de leurs cycles !
ex: l'apparition du Marauder et la Wylde paraissent hors sujet dans le tome 1 mais prennent tout leur sens par la suiteles - :

- même si les mots tabous ne sont pas lâchés,
cela reste un récit de high fantasy classique avec un prince et une princesse qui doivent réaliser une prophétie, sauver le monde d'un grand méchant millénaire avec un magicien et de quelques compagnons-
on retrouve la cohorte des personnages paladins sans peur et sans reproche bien propres sur eux : purs et innocents, trop gentils, trop compatissant, trop tourmentés par leur conscience... Gaborn et cie font parfois très bisounours, y compris le viril Borenson qui se pose beaucoup de questions pour un homme d'action !Raj Athen, aveuglé par sa mégalomanie à l'image d'un Magnéto dans la saga X-Men, est le seul personnage qui casse un peu le schéma classique en faisant réellement preuve d'ambition dans un monde de "couilles-molles" !A noter aussi des personnages intéressants trop vite passés passés sous silence ou carrément oubliés en cours de route : le père de Borenson dans le tome 2, le Haut Marshall Skalbairn, le baron Waggitt (cf. des
Fleurs pour Algernoon) et les transfuges / rebelles d'Indhopal dans les tomes 2 & 3 (Jureem, Wuqaz et cie...), le renégat diem Sarka Kaul et le Consort des Ombres dans le tome 4...-
le système des dons et des dédiés est finalement moralement immonde ;
John Doe parlait de "l'économie de la honte"L'auteur n'élude pas le sujet, loin de là, en évoquant plusieurs fois toutes les questions liées à ces problèmes.Mais l'opposition entre l'oriental et tyrannique Raj Ahten recourant au chantage et à la corruption pour devenir l'homme total, et l'occidental et démocratique Gaborn qui à contre-cœur doit accepter les dons de ses loyaux et dévoués sujets est bien manichéenne.Les gens sont prêts à faire n'importe quoi en temps de guerre, à fortiori pour mettre fin à un conflit, mais en temps de paix qu'est-ce qui pourrait justifier ce système qui est :* une caricature du système féodal avec ses seigneurs puissants et ses paysans très obéissants* une caricature du système libéral cher aux Anglo-Saxons avec ses élites brillantes et ses classes moyennes devant trimer duredit : du néo-libéralisme ou néo-féodalisme il n'y a qu'un pas que les élites franchissent de + en + allègrement !
Depuis Margaret Thatcher le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté ne cesse d'augmenter au Royaume-Uni, mais tant que les élites soutenues par les upper middle classes vivent dans l'opulence, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondesLes Anglo-Saxons sont très tolérants vis-à-vis de l'inégalité mais cela heurte mon sens de l'égalité républicain !!!- je crois qu'un elbakien avait déjà soulevé ce problème :
la maîtrise des distances-tempsL'utilisation de super-chevaux boostés en force, en constitution et en métabolisme ne justifie pas l'existence de toutes ces armées qui traversent un continent en quelques jours... A en ridiculiser la Grande Armée de Napoléon ! (les troupes française firent l'exploit de faire le trajet entre Boulogne-sur-Mer et Austerlitz en 3 mois alors que Raj Ahten et ses troupes font des allers-retours entre l'Indhopal et le Rofehavan en quelques semaines sinon quelques jours)- je reviens sur
les remarques d'Ecthelion et de Sylvaner concernant les chiffres :
J'aimerais bien savoir combien de batailles ont impliqué plus de 100.000 combattants dans tout le Moyen-Âge ?
En Europe : aucune ! Même les grandes batailles des croisades n'ont pas du dépasser le chiffre de 75 000 combattants.En Asie avec les Arabes, les Perses, les Turcs, les Indiens, les Mongols, les Chinois, les Japonais... c'est une autre histoire !A Internook on recrute 500 000 mercenaires, les Maraudeurs envoie une armée d'invasion d'1 million de guerriers, Rah Athen rejoint en Indhopal ses troupes fortes de 3 millions d'hommes....Comme le disait
Sylvaner dans un récit de geste épique l'exagération est assez normale, mais ici on frôle le ridicule !-
une fuite en avant peu rassurante pour l'avenir de la série :super-guerriers ou super-assassins, maraudeurs, sorcières écarlates, mages funestes, Seul et Unique Maître, Éclats, Gloires, Locus... Jusqu'où va-t-on s'arrêter ? On pourrait presque se croire dans un shonen avec des méchants toujours remplacés par des méchants encore plus méchants et encore plus puissants et des héros qui doivent devenir de + en + puissants pour pouvoir rivaliser avec eux !Attention au grobillisme, et je ne parle même pas de :
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* la reine des maraudeurs possédée par l'unique maître du mal qui veut terraformer le monde en déviant la planète de son orbite en utilisant les arcanes de la magie runique (rune de la désolation + rune de l'enfer + rune du ciel)* Averan qui absorbe les connaissances des maraudeurs (toute ressemblance avec la trilogie Ender est purement fortuite) et devient grande spécialiste de la magie runique (toute ressemblance avec la Malerune est purement fortuite)
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une propension à recourir au deus es machina pour résoudre les problèmes de Gaborn et ses amis1 ou 2 tours de magie c'est pas grave, mais à la fin du tome 4 les miracles s'enchaînent pour qu'ils puissent sauver leur peau...- comme l'avait remarqué
Gillossen les descriptions d'Indhopal et d'Inkarra sont trop succinctes et caricaturales, sans même parler des peuples non humains (géants, duskins, thots, nomens, ferrins...)Plusieurs fois même on frôle le racisme dans le tome 1 (les étrangers sont reconnaissables à l'odeur de cuisine qui colle à leur peau comme les "Ritals" autrefois ou les "Chinetoques" aujourd'hui... pitoyable comme remarques !)
Au final un très sympathique cycle de high fantasy à la frontière de la Big Commercial Fantasy et de lectures plus consistantes, avec un très bon tome 1 et un tome 2 entre le Seigneur des Anneaux et Starship Troopers, qui devrait ravir les néophytes de la fantasy !Visiblement la série prend un autre direction après le tome 5, en espérant éviter les dérives les
Chroniques de Krondor...Entre les terres parallèles des DC Comics et Marvel, les sphères du multivers de Michael Moorcock et les ombres d'Ambre...... il y a peut-être une place à prendre ???