Merci pour ce lien, la vidéo est passionnante. Marsan donne de nombreux conseils, avec bienveillance et sans prétention en dépit de son expérience professionnelle solide.
Dakeyras a écrit :Par contre, ce qui me dérange un peu c'est ce délire du "on peut pas juste écrire comme ça, par passion, comme un simple hobby". Ah bon ?
Je suis d'accord avec tout ce que tu dis sur ce point. Mais je pense que tu pousses le propos de Marsan plus loin qu'il ne le fait dans la réalité. Il m'a semblé que ce qu'il disait s'adressait aux auteurs qui, justement, veulent vraiment être publiés et pas se contenter d'écrire dans leur coin et/ou pour leurs amis. Et c'est vrai que, quand on a l'ambition d'être publié, il vaut mieux écrire davantage pour s'aguerrir et arriver à quelque chose de publiable.
Dakeyras a écrit :De plus, je rajouterais que certaines auteurs ne se sentent à l'aise que dans les formats courts : nouvelle et novella. Ils font comment pour êtr publiés vu que ces deux formats se vendent très mal en France voir sont inexistants sur le marché ? Ils doivent forcément passer au roman ou faire autre chose de leurs vies ?
Ça pourrait être pire, tu pourrais parler des poètes... Eh bien, pour avoir pas mal fouiné sur les sites d'éditeurs, il y a quand même de quoi garder de l'espoir : il y a énormément d'éditeurs différents et il y en a dans tous les genres et pour toutes les formes littéraires. Certes, les grandes locomotives de l'édition ne publient pas certaines formes ou certains genres, mais on trouvera toujours au moins un éditeur associatif porté par des bénévoles quelque part. Il existe des éditeurs spécialisés dans l'édition de nouvelles, en France et en Belgique par exemple. Pas beaucoup, pas des gros, mais il y en a. En plus, avec l'impression à la demande (utilisée par des éditeurs comme Rivière blanche, je crois) et ce genre de nouvelles techniques, on a tout un tas de possibilités pour publier des textes même sans besoin d'en vendre des palettes entières.
Pour en revenir à ce que tu dis sur les nouvelles et les novellas : certes, les recueils de nouvelles se vendent mal, d'après tout ce que j'ai pu lire ou entendre dire, mais ça ne veut pas dire qu'on ne publie plus de nouvelles tout court. Il y a toujours des revues et des anthologies, en France et ailleurs dans la francophonie. Certains éditeurs publient des nouvelles comme annexes à la fin de volumes contenant principalement des romans (j'ai vu ça avec les bouquins de Del Socorro et plus récemment à la fin du premier tome des
Chroniques de l'Etrange de D'huissier). Quant aux novellas, ça dépend comment on les définit, mais certains éditeurs ont des critères de longueur minimale assez bas. Et il n'y a pas si longtemps, le défunt éditeur Griffe d'encre avait une collection dédiée aux novellas ; un autre éditeur pourrait se lancer là-dedans un jour.
Dakeyras a écrit :C'est en forgeant qu'on devient forgeron certes, mais c'est en répétant tous les jours un même geste qu'il devient automatique et qu'on fini par le faire sans passion et ni âme. Du coup, le boulot est bon, bien fait, mais il manque un truc, un souffle, une originalité. L'écriture des mecs qui écrivent trop en pensant que leur style s'améliorera "forcément" sont dans l'erreur, à mon sens. Ils n'ont raison que si leur but est d'écrire pour vendre, pour être en tête de gondole et de plaire au plus grand nombre.
Je pense qu'il y a deux questions distinctes dans ce que tu dis : la capacité d'un écrivain à se renouveler, et ta méfiance visible envers les artistes qui sacrifieraient leur sincérité à la nécessité ou à l'envie de vendre toujours plus. La première est un problème qui peut frapper n'importe qui, dans tout domaine artistique. La seconde appelle une réponse à part entière.
Dakeyras a écrit :Et je sais que je suis très con, mais pour moi l'art est incompatible avec l'industrie car du coup, vu que l'argent dicte tout, ce sont les ventes (et bien moins les critiques) qui donneront la marche à suivre aux nouveaux artistes : faite comme ou comme ça, faut vendre, faut un retour sur investissement, faut un charier des charges. L'art n'est commercial que depuis peu. Avant ça, on imprimait bien moins de bouquins, les cds, la radio, internet, le cinéma etc...n'existaient pas. Les artistes bossaient par passion tout restait à inventer et ils n'avaient pas de maîtres ni de conseils à appliquer. Pourtant, ils ont pondus la bases, les classiques. Quand Homère a pondu l'Odyssée, il n'avait pas un prof derrière lui ni un éditeur ni le souci de vendre son œuvre. Aujourd'hui, faut faire ci, ça, faut écrire comme ci, comme ça, il y a tel budget, telle limite, il y a un truc qui me dérange dans l'art de nos jours. D'un coté on peut faire ce qu'on veut, de l'autre faut respecter des codes, des modes, (attention je ne parle pas de technique là, le solfège c'est le solfège, personne peut aller contre) etc....
Aïe, aïe, je vais faire tomber quelques illusions... Prêt ? Alors : non. Désolé, mais non, vraiment pas du tout.
L'art et le commerce ont toujours eu partie liée, depuis l'Antiquité. Les artistes qui bossent par pure passion et de façon désintéressée, ça a toujours été à la marge. Homère est une légende : d'après ce qu'on en sait aujourd'hui, l'Odyssée a été composée à l'oral par plusieurs aèdes qui se produisaient devant les puissants et/ou lors de cérémonies religieuses collectives, et qui gagnaient leur vie comme ça. Même en l'absence d'éditeur, un artiste avait en général besoin de plaire à la personne qui lui commandait des oeuvres, au noble qui le logeait et le nourrissait et ne le mettait pas en prison. Les éditeurs existent depuis le XVe siècle et, dès cette époque, on trouve des écrits de gens qui se plaignent des éditeurs peu scrupuleux qui ne pensent qu'à publier des trucs qui se vendent.
Est-ce que ça empêche les gens de pondre des chefs-d'oeuvre ? Non. Par chez nous, Balzac, Dumas, Sand ont passé leur vie à écrire pour vivre. Flaubert et Victor Hugo surveillaient jalousement les chiffres de ventes l'un de l'autre. Hugo, d'ailleurs, encourageait les produits dérivés autour de
Notre-Dame de Paris et des
Misérables bien avant l'invention du cinéma et des comédies musicales actuelles.
Tu as l'impression que tous ces gens étaient de purs passionnés parce que tu ne connais pas bien leur vie et leurs conditions de travail. Mais je suis désolé : c'est un mythe. Un mythe qui, lui aussi, n'est pas récent : au choix, on peut le faire remonter à la légende d'Homère justement, ou bien au mythe romantique du poète inspiré qui met ses tripes sur la page et pouf ça fait un chef-d'oeuvre.
Est-ce que les artistes désintéressés n'ont pas existé ? Si, bien sûr. Il y a toujours eu des écrivains dont le succès était imprévisible, ou qui ont été découverts après leur mort. Et certains qui n'ont écrit qu'un seul livre. Bref, il y a quand même de l'espoir
