cette année en jeunesse, ce que propose les écrivaines est plus intéressant que les écrivains et vice-versa.
Si ce n'était que cette année, pour ce prix... Interrogeons-nous aussi sur les raisons pour lesquelles on "attend" les femmes en jeunesse, en romance, et pas en adulte, en récits épiques, sociétaux, politiques. "On", ces sont les lecteurs qui se détournent d'un livre de SF parce qu'une femme l'a écrit, soupçonnant que cela va être "à l'eau de rose", gentil, naïf, insuffisant sur le plan des idées, de la rigueur scientifique ou philosophique. Les éditeurs, les membres de jurys, les auteurs eux-mêmes, sont aussi des lecteurs. Les femmes intériorisent ces attentes, elles les satisfont, malgré elles, ou pour finir par être publiées. Ou elles occultent le féminin dans leur nom d'autrice.
Pour le prix du roman étranger traduit c'est 3 femmes 2 hommes, s'il y avait vraiment eu volonté de cantonner les femmes en jeunesse ça se serait vu ici aussi non ?
Sinon pour le prix des bibliothécaires 4 femmes 1 hommes pas de soucis ?
Précisément, le problème se pose pour les autrices de SFF française, dans les prix littéraires français. Le préjugé de faiblesse (conceptuelle, politique, scientifique) des ouvrages féminins s'estompe voire disparait quand le nom est anglo-saxon. Questionnons-nous aussi là-dessus. Estelle Faye avait un roman adulte qui pouvait être sélectionné cette année, je crois. Quant au prix des bibliothécaires, allez donc voir ce qu'en disent les intéressé.e.s : leur fierté, précisément, de mettre en avant des ouvrages de femmes en SFF.
Nous avons déjà eu ce débat à propos de la représentation des minorités dans les séries à grand public, et il me semble qu'ici le problème est assez similaire sur la responsabilité des jurys de grands prix littéraires dans le changement des regards : c'est parce que, chaque année, il y aura autant de femmes que d'hommes nommés dans toutes les catégories, que nous cesserons d'attendre des femmes en jeunesse et des hommes en adulte. La déconstruction des biais culturels et sociaux passe par des décisions fortes, dans les instances qui ont de l'influence, de la visibilité. Prétendre que cette exigence se ferait au détriment de la qualité littéraire, c'est redire que les ouvrages d'autrices ont moins de valeur que ceux des auteurs. Le problème ne se pose pas que cette année aux Imaginales. Le problème se pose depuis des centaines d'années, dans tous les domaines de la recherche et de la création. Regardez les chiffres, les statistiques des prix, ces vingt dernières années. C'est particulièrement criant en SFF par rapport à la littérature générale, du reste. Tant qu'on dira, qu'on fera comprendre aux femmes qu'elles sont "faites pour" (la littérature jeunesse, s'occuper des enfants, les aimer, leur raconter des histoires, et pas aussi pour la politique, la philosophie, les mathématiques, l'art abstrait...), elles continueront à se l'interdire, d'une manière ou d'une autre.