Posté : jeu. 20 oct. 2011 16:39
Dans la même veine...
http://www.elbakin.net/fantasy/news/155 ... res-annees

:ph34r:Ce que je veux dire, c'est que beaucoup de romans de fantasy se présentent comme prétendument "adultes" sur le fond parce qu'ils sont violents dans la forme.Ce que je ne comprends pas bien en fait c'est que tu sembles associer adulte et "profondeur" ? Ou j'ai mal compris ?
J'ai trouvé ce passage très intéressant, parce qu'il résume totalement la situation : les écrivains qui ont connu la vague des récits initiatiques dans leur enfance/adolescence ont connu un phénomène de lassitude, parce que toutes les histoires finissaient par se ressembler, et donc devenir prévisibles.De plus, le récit initiatique est un genre qui peut (selon moi) être rattaché à l'enfance ou à l'adolescence, puisque son sujet principal est un passage à l'âge adulte. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les amateurs de fantasy d'hier se sentent beaucoup moins touchés par ce type de récit une fois devenus adultes, ni qu'ils recherchent des récits qui les concernent plus. Des histoires d'adultes, donc.2) contexte politique, économique et social actuelUn autre facteur peut selon moi être trouvé dans l'évolution du contexte politique, économique et social en Occident. Dans les années 70 à 90, l'Occident était dans un contexte de fin d'âge d'or (les golden sixties) marqué par une crise économique (conséquence des chocs pétroliers des années 70), et caractérisé par un certain manichéisme (le "Sauron" de l'époque étant le communisme). Le début des années 90 est quant à lui caractérisé par l'espoir d'un nouvel âge d'or du côté occidental : l'aplanissement des conséquences de la crise des années 70 coïncide avec la fin de la guerre froide et l'effondrement du bloc de l'Est.Il est intéressant de constater que cette période semble coïncider avec l'époque de la fantasy "initiatique" et "manichéenne", c'est à dire caractérisée par un héros jeune avec un destin face à un Grand Méchant Ancestral.Les années 2000, en revanche, sont marquées pour l'Occident par la destruction d'un symbole puissant (le 11 septembre, qui fait perdre aux Etats-Unis leur image de sanctuaire inviolable), l'absence d'ennemi clairement indentifié, une nouvelle crise économique, ce qui conduit à un sentiment de désillusion mêlé d'angoisse (le "grand méchant" est vaincu, et pourtant l'âge d'or ne vient pas... Au contraire : de nouvelles menaces apparaissent, moins identifiées qu'auparavant) et à une absence de manichéisme (le thème du compot intérieur est d'ailleurs un thème souvent abordé dans les productions actuelles : X-Files, Elysium, XIII, Minority report, ... ).A nouveau, il est intéressant de constater que la Fantasy semble suivre le mouvement : cette incertitude face à l'avenir, cette désillusion, cette angoisse trouvent écho dans les récits "en vogue" du moment : le meileur exemple est la saga du Trône de Fer, qui met en scène un royaume florissant qui s'écroule à cause de sa situation politique malsaine.3) Effet de mode, mimétismeEnfin, le troisième facteur est selon moi un effet de mode : ce type de récits est pour le moment dans l'air du temps, sans doute parce qu'ils trouvent écho dans la situation politique, économique et sociale actuelle (voir le point 2). Cela a pour conséquence que les auteurs et les lecteurs/spectateurs seront naturellement attirés par ce genre d'histoires, puisqu'elles traitent de thématiques auxquelles il est facile de s'identifier. L'offre des auteurs s'accroît donc proporitonnellement à la demande des lecteurs... et ce de façon tout à fait naturelle.Pour tout résumer, je dirais que j'ai le sentiment que le jeune héros lumineux rêvant d'un monde meilleur est devenu has been parce que, dans le contexte actuel, rêver "naïvement" d'un monde meilleur est également devenu has been...Mais bon... La mode étant un phénomène cyclique, comme l'histoire, je pense que les tendances vont s'inverser tôt ou tard, et que les grands héros altruistes et généreux feront leur grand retour lorsqu'un trop plein de récits "sombres, désabusés et durs, donc adultes" se fera sentir. Voilà, c'était mon analyse (sans doute imparfaite) du phénomène. Qu'en pensez-vous?J’ai joué à de nombreux jeux de rôles et lu de nombreux romans épiques de fantasy quand j’étais enfant, j’ai commencé à m’ennuyer un peu de la façon qu’ils avaient d’être cloisonnés à une formule prévisible, et j’ai largement arrêté d’en lire au début des années 90 pour lire d’autres choses. Puis, j’ai lu "Le Trône de fer" et je me suis aperçu que c’était possible de faire quelque chose d’osé, d’imprévisible, de courageux et de centré sur des personnages tout en écrivant toujours dans le noyau commercial du genre – j’ai vu beaucoup, exprimé dans cette série, de ce que je pensais manquer très clairement à la fantasy.
En réponse à ça, personnellement les trois personnages que je joue en ce moment ne sont ni orphelins ni violemment traumatisés, j'essaye de leur trouver d'autres raisons de se lancer à l'aventure (qui ne sont pas non plus sauver le monde). Parce que justement au bout d'un moment le sombre héros tourmenté c'est tout aussi vu et revu que le paladin en armure, faut arrêter de brûler des villages à tour de bras juste pour donner à un personnage la motivation de se bouger un peu de son auberge, c'est paresseux je trouve. :)Faut doser en somme, à trop vouloir s'éloigner du "je suis beau, pur, blond et j'ai des super-pouvoirs" on peut tomber dans le "syndrome Anakin Skywalker" assez vite. Le tout étant de doser, l'un comme l'autre ne sont pas vraiment réalistes.Aion a écrit :Encore récemment, j'avais une discussion sur un forum de jeu de rôles sur ce thème : il y était question de la tendance des joueurs à créer un historique "tourmenté", c'est-à-dire comportant un grand lot de morts tragiques et traumatisantes.
Probablement, et il y a aussi plein de choses entre les deux, un peu de générosité ne fait pas de mal et des fois dans la vie il y a aussi des fleurs, des oiseaux et des bisounours, même au beau milieu d'un univers médiéval tourmenté.Aion a écrit :Mais bon... La mode étant un phénomène cyclique, comme l'histoire, je pense que les tendances vont s'inverser tôt ou tard, et que les grands héros altruistes et généreux feront leur grand retour lorsqu'un trop plein de récits "sombres, désabusés et durs, donc adultes" se fera sentir.
ah ouais!!!! Sans dec'!!!! Dans quel bouquin????:mrgreen::jesors:Nausikaa a écrit :des bisounours, même au beau milieu d'un univers médiéval tourmenté.
Qu'entend-il par "idéalisation des lieux"? De plus, si j'ai bien tout compris, le concept consisterait à écrire une histoire se déroulant dans une ville de notre monde, dans laquelle la magie ou la technologie sont présents, et perçus comme ordinaires par une partie de la population? Donc Twilight, Buffy contre les vampires et Anita Blake, c'e serait de la "New Weird"?« un genre de fiction urbaine, un monde secondaire qui renverse l’ idéalisation des lieux que l’on trouve dans la fantasy traditionnelle, déjà en choisissant la réalité, des modèles réalistes complexes comme point de départ pouvant combiner des éléments tant de science-fiction que de fantasy. »
Pour moi c'est plutôt de la fantasy urbaine sans particulière classification "new weird" mais je suis pas une spécialiste des casesAion a écrit :Donc Twilight, Buffy contre les vampires et Anita Blake, c'e serait de la "New Weird"?
Je pense qu'on fait cette association parce qu'on ne va jamais classer quelque chose de violent ou avec du sexe en jeunesse. Et aller savoir comment, le gens en sont venus à la conclusion que pour être adulte, fallait être gore ou sexuel... Alors que pour moi, la différence adulte/jeunesse se fait plutôt sur la base de : "est-ce qu'un enfant aura tous les outils pour comprendre l'histoire?". Ce qui ne veut pas dire que les romans jeunesse sont dénués de profondeur, seulement que ce n'est pas mis en scène pareil (je ne saurais pas dire exactement d'où ça vient, c'est plus un ressenti global).lambertine a écrit :Ca me gave- et ça me gave profondément - que l'on assimile à tout bout de champs "noir, crade, pessimiste, nihiliste" avec "adulte". Etre adulte, ce n'est pas plus voir le monde et l'humanité comme monstrueux et dignes d'être détruits, que de le voir comme un champ de bisounours.
Tout à fait d'accord. Enfin, j'ai mes réserves pour ce qui est de Brienne, Jaime et Tyrion, mais pour ce qui est des enfants Stark, leur initiation ne pourrait pas être plus explicite. D'une façon ou d'une autre, ils se retrouvent tous avec des mentors qui vont leur apprendre à devenir adultes (enfin, si Martin les laisse aller jusque là, on est à l'abri de rien avec ce monsieur).lambertine a écrit :le Trône de Fer est un roman initiatique.
J'ai vu pire : des gens qui réclamaient un jeu pokemon où les pokemons se battraient à mort, avec du sang et tout, parce que ça serait plus "adulte"... Dans quel monde vivons-nous...?lambertine a écrit :les internautes demandant à Rowling la mort de Harry Potter, ou à Martin la fin de Westeros
J'aurais plutôt de plus en plus tendance à penser qu'un récit adulte c'est celui qui privilégie la résolution non violente des conflit (la diplomatie ça doit pouvoir être épique).1. Ca me gave- et ça me gave profondément - que l'on assimile à tout bout de champs "noir, crade, pessimiste, nihiliste" avec "adulte". Etre adulte, ce n'est pas plus voir le monde et l'humanité comme monstrueux et dignes d'être détruits, que de le voir comme un champ de bisounours. Et (j'ai relu un bon nombre de fuseaux ces derniers jours) Les Enfants de Hurin n'est pas un livre plus "adulte" que Le Seigneur des Anneaux parce qu'on y parle