Albéric a écrit :Tout a été dit ou presque. Pour moi Platon nous a monté un gros bobard.
C'est aussi la théorie la plus raisonnable selon moi (merci Vidal-Naquet). La grande erreur des gens consiste à ne pas replacer ce que Platon dit de l'Atlantide dans le contexte plus large de son oeuvre, qui est autant une oeuvre d'écrivain que de philosophe. Platon a beau entretenir une relation d'amour-haine avec les poètes et leurs récits mythologiques, il ne cesse d'en raconter lui-même, soit par pédagogie, soit par ambition littéraire. Il est probable que, quand Platon affirme que l'histoire de l'Atlantide est bel et bien arrivée, il faille prendre ça avec le même recul que quand un Umberto Eco se lance à écrire un roman ésotérique avec "Le Pendule de Foucault". Mais la distance qui nous sépare de l'époque de Platon fait qu'on a souvent tendance à "écraser" les différences de statuts entre les textes, les genres littéraires, les auteurs, etc. et à tout prendre pour "de la mythologie" en fourrant tout dans le même sac. Grave erreur...
Albéric a écrit :Après le mythe de la civilisation hyper-avancée qui s'effondre des suites de ses propres inconséquences fascine tout le monde car elle interpelle tout le monde. Il joue sur la peur : plus la civilisation est avancée, plus elle a à perdre...
Cherchons la petite bête 1 : si tu parles de l'Atlantide de Platon, elle n'est pas "hyper avancée", pas en termes de niveau technologique, en tout cas. C'est simplement un empire extrêmement vaste qui se trouve réduit à néant en une nuit, et là on est dans un schéma très classique de la démesure (hubris) et de son châtiment par les dieux, schéma qu'on retrouve un peu partout dans la littérature antique. L'aspect "SF" de l'Atlantide ne s'est ajouté qu'ensuite à la représentation qu'on s'en faisait (ce serait intéressant de rechercher quand au juste, d'ailleurs, mais il doit y avoir des bouquins là-dessus).Cela dit, d'accord avec toi sur le principe : ce genre d'histoire cataclysmique nourrit une peur de l'homme civilisé, comme toute la SF post-apocalyptique et comme toute la fantasy howardienne du type civilisation/décadence/invasions barbares/"régénération" du début XXe s.
Albéric a écrit :Mais il faut garder à l'esprit que pour les gens des anciens temps, une simple inondation c'est déjà la fin du monde !
Cherchons la petite bête 2 : il faut arrêter de prendre les Anciens pour plus naïfs qu'ils n'étaient. Non, une simple inondation n'était pas la fin du monde (ou alors, pas plus que pour nous de nos jours). Certes, les catastrophes ont toujours été très "impressionnantes" pour ceux qui les ont connues. Mais toutes les tentatives consistant à expliquer un événement mythique (ou simili-mythique, comme l'engloutissement de l'Atlantide chez Platon) par un événement historique réel relèvent de partis pris théoriques remontant aux études mythologiques de la fin XIXe-début XXe, qui ont clairement montré leurs limites. Il y a des peuples qui connaissaient des inondations tout aussi impressionnantes ailleurs, et dont l'imaginaire mythologique ne contient rien qui ressemble à un grand cataclysme du type inondation/fin du monde : comment expliquer cette absence ? Simplement par le fait que les mythes ne sont pas simplement le reflet plus ou moins déformé d'événements réels, mais qu'ils font partie d'un imaginaire collectif complexe qui diffère d'un peuple à l'autre, et qui élabore son propre système de représentations en fonction de ses besoins et de son esthétique propre. On ne peut pas tout ramener à une loi universelle du type "Si quelque chose d'important arrive dans le monde réel, alors on en trouve nécessairement trace dans les mythes" car, d'expérience, ça ne fonctionne pas, et c'est d'ailleurs loin de tout expliquer.../ mode pinailleur off