Auteur également ici

(pas de fantasy, malgré ma présence ici). Et bibliothécaire, et passionné par l'économie du livre.Mon premier bouquin (
un essai) est publié chez un éditeur (Le Tripode) qui a un réseau de distribution national. Même si ce n'est pas de la fantasy, c'est comparable, car on parle également d'une niche qui concerne assez peu de lecteurs (pamphlet de sciences humaines, quoi)La mise en place, pour un tirage de 4000 ex, était totalement satisfaisante, personne n'a eu de mal à le trouver ou à le commander. Encore maintenant, il est bien distribué, et mon éditeur assure les réassorts sans problème.J'ai eu la chance d'avoir une couverture presse particulièrement importante (de mon point de vue) : Obs, Le Monde, Rue89, Slate, Paris Match -hum et l'Est Républicain-. Incontestablement, chaque article a bien dopé les ventes, et encore aujourd'hui, le bouquin se vend bien.Le point mort du bouquin était, je crois, entre 1000 et 1500 exemplaires, et ils seront atteints sans trop de problème.Si on prend mon seul point de vue et celui de mon éditeur, nous sommes très satisfaits du bilan actuel, vu qu'en plus, il continue à se vendre tranquillement.Mais si on mettait en avant un "tableau des ventes" dans la même catégorie, eh ben le ratio serait complètement ridicule. Pour faire extrêmement simple, mes 1500 exemplaires ne représentent que 0,quelquechose% des ventes d'un Stéphane Hessel, sur le même créneau. Si on ajoute toutes les superstar des sciences humaines, des pamphlétaires à la chaîne, etc, il n'y a aucun moyen que je me retrouve dans un tel classement.En fait, ce n'est pas ça qui est important. Les titres connus se vendent très bien, surtout quand ils sont boostés par une adaptation ciné ou film. Comme il y a beaucoup d'adaptations, ces bouquins, aux multiples éditions, écrasent le reste, mais c'est un effet d'optique. Ils ne touchent pas forcément le même public. Ma mère lit Game of Thrones, mais jamais elle ne mettra les pieds dans une librairie SF (elle a toujours lu un peu de littérature de genre, mais sans s'y intéresser particulièrement). Le problème n'est pas que Martin ou Hessel vendent beaucoup, le problème est qu'il reste une grande étanchéité -très française- entre les genres, et qu'à part des cas rares comme celui de Maxime ou des adaptations de licence, le grand public est quand même assez peu à même de tomber sur de la littérature de genre. Pour prendre l'exemple de la librairie de ma ville, le genre (polar compris), est à la cave, après le poche et après la BD. Aucune chance de s'y retrouver "par hasard". (Quand à mon propre bouquin, il était écrasé entre deux piles de Metronomes et de Baverez, alors que je suis un auteur "local".)Du coup, le lectorat stagne (je ne pense pas qu'il se réduise, par contre). L'explosion des parutions divise les achats, la crise pousse les gens vers le poche, les coûts de production augmentent... Et du coup, même les bouquins avec un fort succès critique, des prix, etc, deviennent risqués. Je ne vois pas bien comment ça pourrait aller "bien" dans l'édition de genre vu la gueule du réseau de distribution, le pouvoir d'achat des gens et le silence total des médias mainstream hors-mastodontes à la Martin.Pour en revenir à ma propre "carrière d'auteur", je persiste et signe à dire que je suis pour le moment très content : le bouquin se vend selon les attentes (les attentes basses, mais les attentes quand même), j'ai eu l'occasion d'en parler devant public, je suis d'ailleurs vendredi soir à la BM Louise Michel à Paris pour en causer si vous voulez boire une bière ou quoi

... Mes prochains titres seront dans un recueil de nouvelle (littérature blanche, 500 exemplaires) et en numérique (post-apo/fantastique heu... tirage illimité, du coup).Je vais vous livrer une anecdote à ce sujet, qui prouve qu'il existe encore dans le public une certaine méconnaissance de la question du tirage. A la sortie du bouquin, une copine, à la fois musicienne et journaliste (deux métiers qui vont bien, hein

) à qui je parlais de mon contrat et de mon avance sur droits (quelques centaines d'euros) a trouvé ça incroyable et m'a dit "Mais je croyais que quand on sortait un bouquin, on était tranquille pendant un ou deux ans". Alors que j'ai un EXCELLENT contrat (je le sais pour en avoir déjà vu un paquet de mauvais)... Dans la tête "du grand public", chaque bouquin a non seulement un tirage élevé, mais en plus un taux de rémunération important pour l'auteur. La raison, elle est simple : on entend sans arrêt parler de gens qui vendent des palettes de bouquins... Et qui doivent représenter 1% des auteurs, Fiction et Essais confondus. Sauf que bon, moi qui suis bien loti en terme de distri et de promo, je ne suis pas Dukan ou Stéphane Berne.Je suis à peu près certain que dans le cas de mes deux prochaines parutions, il s'en vendra (mes grouillots savent ce qui les attend s'ils oublient) et que ça me fera un complément de revenu correct (3% de mes revenus en 2013, probablement un micropoil plus en 2014, ça me paiera ma WiiU et Mario Kart)... Mon premier livre devrait aussi continuer à se vendre un peu et, pourquoi pas, dépasser les 2000 ex. Mais j'ai aussi conscience que, vu l'état actuel du marché (qui ne demande sans doute qu'à muer, évoluer, se reconstruire), c'est difficile d'envisager plus. Je tiendrais peut-être un discours différent dans dix ans, mais à l'heure actuelle, oui, 2000 ou 3000 exemplaires, en France, c'est une grosse vente. Mais ces ventes semblent ridicule quand la concentration de la promo, des plateaux, des têtes de gondoles etc. se concentre sur un micropanel d'auteurs "autorisés" (et qui n'existent quasiment pas en littérature de l'imaginaire, hors stars étrangères et Bernard Werber -et encore, ses apparitions médiatiques sont au final assez rares et confidentielles).Tout ceci n'est d'ailleurs pas une critique du contenu éditorial en lui-même. Je suis intimement persuadé que le nombre de livres vendus n'est en aucun cas un indicateur de la beauté du voyage.Désolé du pavé, c'étaient mes deux centimes sur le débat.