J'ai achevé hier soir
Les enfants de la Terre et du Ciel. Aucune déception pour moi, le livre a été lu aussi rapidement que les précédents Kay, toujours cette même force d'immersion, ce style d'une limpidité extrêmement évocatrice, et ce cadre des Balkans, c'est à la fois original, familier, prenant.
Cela dit, s'il fallait "hiérarchiser", je dirais quand même que j'ai eu plusieurs fois le sentiment d'un essoufflement par rapport à l'intensité dramatique de
Sarance et les
Lions. Comme les personnages sont toujours aussi réussis, ainsi que les dialogues et les scènes d'action, j'attribuerais cela (à l’inverse de la critique du site) à un léger manque de fond dans la réflexion, qui a du mal à "décoller" par rapport à des passages vraiment remarquables dans les deux autres titres cités plus haut. Bon, cela dit on est chez Kay, l'altitude est déjà tout à fait appréciable.
Dans les arcs narratifs, ma préférence va à Marin et Damaz ; j'ai trouvé Danica un peu caricaturale parfois,
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sa relation avec son grand-père défunt n'est pas des plus réussies à mon sens, et celle, charnelle, avec le vétéran qui combat les Osmanlis
m'a furieusement fait penser à du Gemmel, sans que je sache vraiment pourquoi. Peut-être ce roman de l’auteur dont j'ai oublié le nom, où un dénommé "Daykeras", je crois, parle intérieurement avec son frère jumeau défunt, figurant une pensée schizophrénique qui permet à l'auteur de proposer une assez belle mise en perspective des limites entre la raison et la folie.
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Ici, le grand-père de Danica m'est souvent apparu comme un moyen commode de sauver les héros quand il y en avait besoin, puisque le vieil homme défunt a une vision incroyablement étendue et précise du monde présent et de l'avenir. Un peu trop, j'ai trouvé. À mon sens aussi, sa disparition dynamise l'arc narratif de Danica.
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Le baroud d'honneur des Senjaniens a aussi tout du siège à la Gemmel.
Globalement, je trouve que les incursions de Kay dans la magie ne sont pas toujours des plus abouties. Cela m'avait déjà donné ce sentiment pour les visions du fils Belmonte dans les
Lions, qui donnent souvent l'impression d'une facilité narrative pour résoudre une situation inextricable pour les héros. Je pense que les livres seraient aussi bon sans le recours explicite à la magie. Dans
Sarance, toutefois, j'avais beaucoup apprécié les oiseaux mécaniques et leur voix intérieure.
Sinon, le point fort du roman, outre le cadre et les personnages, serait pour moi, précisément, l'aspect choral de la narration, parfaitement dosé, qui donne de l'ampleur sans sacrifier à la profondeur de chaque arc. Dans
Sarance, j'avais trouvé la succession des points de vue parfois un peu confuse, avec trop de personnages de second plan en point de vue.
Sans être précipitée, la fin est un peu prévisible.
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Je ne suis pas du tout hostile aux "happy end", bien au contraire (les personnages principaux qui tombent comme des mouches, c'est devenu le nouveau cliché depuis Martin), mais là cela sonne parfois à la limite du gentillet dans les retrouvailles. Kay est capable de tellement plus "tendu", émouvant, même dans la joie.
J'ai malgré tout passé un très bon moment de lecture, et avec des auteurs pareils, on devient toujours plus exigeants…
Et je me réjouis d'avoir encore quelques Kay de retard !