Très bien ! Je m'exécute donc...

Je pense que c'est la dernière fois qu'on le demande mon avis :lol:Le livre en lui même est un Bragelonne tout à fait classique, 380 pages, avec une couverture raisonnablement réussie et tout à fait raccord avec le l'histoire. L'accroche de Mr Civilian Reader présente pour appater le chalands est bien choisie ("Le meilleur roman de vampires depuis Lestat le vampire d'Anne Rice"), mais quand même un peu mensongère, ou alors la production n'a vraiment rien présenté de valable depuis quelques décennies... Et je ne suis pas d'accord avec celle de Mr Mike Carey au dos ("Aiguisé comme une dague, sombre et éblouissant comme une mascarade, le Venise de Grimwood est saisissant"). Quant au résumé, qui était bien intriguant et prometteur, il cumule deux handicaps : celui de comporter des erreurs (ce ne sont pas la tante et l'oncle du duc en place qui gouvernent, mais sa mère et son oncle ; des événements qui sont annoncés comme simultanés ne le sont pas), et la scène principale qui y est décrite (l'assassin en chef qui tombe nez à nez avec un gamin palot et qui fleure le vampire, que j'attendais donc rapidement) n'a pas lieu avant longtemps dans le roman. Rien de bien grave me direz-vous, mais j'ai les nerfs fragiles et ça m'énerve -surtout pour les erreurs.Les points positifs :- nous avons droit en début d'ouvrage à un plan de la Sérénissime, joliment fait, dans un style à l'ancienne ; à un arbre généalogique de la famille ducale, bien utile pour se retrouver entre tous les Marco du coin ; à la liste de tous les personnages : des petites attentions toujours appréciables.- l'idée de mettre du vampire dans un récit de Fantasy qui lorgne du côté historique est très attirante et regorge de possibilités : s'y mêle des noms, des ambiances, des faits connus, qui aident à l'immersion, auxquels il est possible de rajouter de petites touches personnelles qui peuvent donner son originalité au récit.
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Sans compter que c'est du vampire old school : avec besoin de sa petite terre, les dents qui poussent, et tout -sauf l'ail et le soucis avec les églises il semblerait.
- le choix de Venise (en 1407), moins fréquent que du médiéval "classique". Et une époque charnière en Europe au sens large.Ce que j'ai moins aimé :Je précise d'emblée que c'est un avis encore à chaud et absolument partial ! D'autres aiment le style de Mr Grimwood, et peuvent me trouver de mauvaise foi : je ne le suis pas (trop), simplement les forces qu'ils peuvent trouver à l'écriture de cet auteur m'échappent : qu'ils hésitent pas à compléter mon commentaire par les leurs, plus positifs !Si le style de Grimwood en lui même m'indiffère (est-ce du à la traduction ? Je n'ai pas cherché à comparer avec de la VO ; en l'occurence je le trouve certes efficace mais plat, peu typé), il a des habitudes qui m'exaspèrent et me sont rédhibitoires... Petit florilège.- "Hop, je lache un scud au milieu d'une phrase, l'air de rien, pas d'explication claire avant, rien après... avant que ça ne revienne sur le tapis tel un cheveux dans un potage". C'est de mon point de vue un peu facile comme technique d'écriture. Bon, ça peut arriver mais là ça arrive quand même un peu souvent. Et les exemples qui me reviennent ne sont pas anodins :
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Quand au début Atilo, le chef des Assassini, est avec ses séides pour récupérer Giulietta, il y a carnage dans ses rangs. Hop, blackout. Puis, au détour d'une phrase quelques chapitres plus loin, il se dit que oui tout de même son petit groupe a été décimé. Re-blackout, et ça ressort sur la fin parce que tout de même c'est un gros dur pour la Sérénissime. Sans rire ? Ca aurait sympa, du coup, qu'on voit Atilo se bouger un peu sur le sujet, qu'on voit réellement les conséquences de cette quasi disparition pour la ville. Grimwood s'en tire avec une pirouette du genre "oui mais on la garde secrète". Haaa, ok : personne n'a donc d'espions en face.
- Les retournements de situation que tu les as pas vu venir parce que pas d'indices avant, et puis d'ailleurs pas vraiment d'explication. Une fois, j'aime bien : ça met du sel ; deux fois, ça peut pimenter... Le problème, pour moi, c'est qu'ici ça me fait le même effet que le problème précédent : ça fait plus récit pas construit où l'idée est insérée là parce que ça vient à l'esprit, et que ça donne bien.
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Atilo, toujours lui, se fait la remarque un soir qu'il est bien seul, qu'il n'aura pas la chance d'avoir une douce épouse auprès de lui dans ses vieux jours qui ne sont plus si loin... S'il avait su que quelques dizaines de pages plus loin la plus riche et gironde héritière de la cité filerait de chez papa pour sa propre demeure, car entre eux c'est l'amour, il aurait été moins déprimé !
- les décalages entre ce qu'on nous dit d'une personne, d'un groupe, etc. et la réalité (la façon dont il se comporte dans l'histoire) : quand on me dit qu'un type est brillant, j'attends qu'il se comporte comme tel dans le récit, si on me dit qu'un quartier est glauque et mal famé, je veux le sentir, etc. Ici, c'est trop souvent l'inverse de mon point de vue.
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Oncle Alonzo, qui veut être duc à la place du duc, est présenté comme un magouilleur absolu, un malin, on nous dit qu'il fait des plans géniaux. Dans le livre il se comporte comme un poivrot qui n'a pas de vue globale ni à long terme de sa cité. J'attends toujours de voir quels sont ses incroyables plans. Atilo, qui est quand même sensé assurer un peu vu que c'est le chef des Assassins de la ville, laisse Giulietta, cousine du duc en titre et au centre de pas mal d'enjeux, se sauver et se balader seule dans la nuit. Il la suit pourtant depuis le début, il sait que ça va mal se finir et pourquoi. Et ça ne loupe pas : boum, la majorité de ses sbires se font buter. Genre, il pouvait pas l'arrêter avant ? Non, parce qu'il "espérait qu'elle fasse demi tour". On croit rêver.Quant aux garous qui apparemment, si on en croit les propos des gamins du début, hantent Venise la nuit, on ne les verra guère -et ce côté mythe urbain pourtant très efficace passe complètement à la trappe. Ca tombe bien, ils n'avaient plus personne pour leur barrer la route...
- ce qui m'ammène aux incohérences. J'aime pas quand c'est pas carré : on peut se tromper de temps en temps, se dire que des fois les gens se comportent vraiment de façon pas logique... mais y'a des limites.
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La mère du duc est assistée d'une puissante sorcière, voire en est une elle même. Elle est capable de discuter mentalement avec un inconnu, de se balader sous forme de chauve souris, mais pas de trouver ledit inconnu, ni sa nièce quand elle se fait enlever. Peut-être ne souhaitait-elle pas la retrouver ? Faites vos jeux...Le duc est un bênet, tout le monde le sait dans l'élite. Pourtant, à un moment, il va tenir un discours bien construit et très orienté dans un sens étonnant. Or, ça ne va choquer personne, pas un des individus présents ne va trouver ça un petit peu étonnant. Je voyais le Vénitiens moins crédules.La grossesse, chez la femme, dure rarement plus d'un an...Atilo trouve son vampire, commence son éducation : hé bien un des trucs les plus intelligents qu'il trouve à faire c'est de faire tuer devant son inhabituel apprenti son seul moyen de pression contre lui. Même un des protagonistes présents trouve que c'est pas foncièrement une bonne idée. Vous allez me dire que pour ses assassins d'élite, il va chercher plutôt du bras cassé en général : des gens assez bêtes pour que ça soit trop compliqué d'être appelé par des lettres grecques : il a fallu passer au chiffre ; et que son second n'est pas grand chose à part grande gueule et jaloux. Ca vous pose les Assassini, ça...Le vampire n'a pas d'odeur, ok bonne idée. Du coup, les garous ne le sentent jamais venir : moui. Le soir de son épreuve d'admission, Iacopo lui renverse de la bière sur le pied: et là, d'un coup, tous les garous, les clebars de la ville le sentent et hurlent à son approche. J'en déduis donc que 1/ d'habitude, il arrive à éviter le moindre étron ou détritus quand il se déplace dans les quartiers sordides la ville ; 2/ que la bière qui tombe sur sa chaussure prend une odeur particulière qui alerte tout les nez fins de la ville. J'en rajoute un peu, mais pas tant que ça...
Etc., etc.Bref, au final pour moi, une bonne idée d'histoire, mais dont j'ai trouvé la réalisation squelettique -surtout que certains mots clefs sont les mêmes que pour Gagner la guerre de J.-P. Jaworski ! Quel contraste ! Benevenuto, Leonid Ducator, Clarissima et Sassanos sont, pour moi, largement supérieurs à Atilo, Alonzo+Alexa, Giulietta et Crow ; même l'imaginaire Ciudalia éclipse Venise, dont Grimwood donne certes régulièrement des paragraphes de description -mais qui sonne un peu artificiel à mon oreille. Une réunion des Dix de Venise et de leurs équivalents ciudaliens : rien à voir. Vous allez me dire qu'il reste le vampire, élément central du récit s'il en est ! Malheureusement, du fait des éléments pointés précédemment, je ne suis pas assez entré dans le récit pour faire miennes ses mésaventures.
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pourtant il lui en arrive des choses : séquestré, amnésique, pourchassé, se découvrant des capacités "anormales", etc. C'est vrai, mais quand on le voit tomber d'amour pour Giulietta, qui a tout de même le charisme d'un poisson mort, ou oublier d'avoir un cerveau, ça limite mon enthousiasme.
Pour faire bref, car je sens bien que je suis longue, le concept de base était intriguant, l'époque choisie propice aux ennuis en tout genre mais l'enchainement des élipses pour créer des rebondissements artificiels dessert l'histoire, comme les scènes banales lourdement soulignées de clins d'oeil virtuel pour nous dire "regarder comme untel est malin" alors que non. Les facilités d'écriture qui donne un côté vif, "efficace" au récit lui ôte aussi à force sa richesse. Si bien qu'il y a un fil rouge scénaristique, joué ou surjoué par des personnages mal dégrossis (on parlerait de service minimum s'il s'agissait d'acteurs).Après, comme il s'agit d'un tome 1, je présume qu'il posait les intrigues futures : il y a eu des cables lancé ici et là au fil des pages. Mais ça ne devait pas empêcher d'avoir du développement ici aussi. Du coup, si je devais mettre une note, je mettrai au maximum un 6. Néanmoins, je suis sûre que je ne suis pas dans le public visé (j'avais déjà tenté des livres de cet auteur, et j'en étais ressortie avec la même impression de vide et précipitation) : il y a des fans de Grimwood qui pourront surement pointer les qualités de ce livre, à côté desquelles je serai passée.