Ce dernier tome de l'intégrale de Conan comprend 5 nouvelles. Deux d'entre elles sont agréables à lire mais sans plus (
les dents de Gwahlur et
les mangeurs d'homme de Zamboula, réminescentes du Conan voleur des débuts, qui joue de son apparence de brute sans cervelle arriver à ses fins).
Le Maraudeur noir est par contre une réussite, mêlant le récit fantastique et le récit d'aventure, et nous montre un Conan adepte du poker menteur et qui monte ses rivaux les uns contre les autres, le tout dans une ambiance très prenante.
Au delà de la Rivière Noire est l'une des deux meilleures du cycle: âpre, sombre, pessimiste, elle illustre le conflit entre nature et civilisation, thème classique de la littérature américaine. Conan n'est d'ailleurs que l'un des deux personnages principaux du récit et partage la vedette avec Balthus, un jeune colon. C'est au final un constat d'échec pour la civilisation toute entière : "[Elle] n'est pas naturelle.Elle résulte simplement d'un concours de circonstances. Et la barbarie finira toujours par triompher." Enfin les
Clous Rouges est à mon avis, s'il ne fallait en retenir qu'un, le meilleur texte d'héroïc fantasy et l'un des meilleurs de fantasy tout court : - Tout d'abord, la partenaire de Conan n'a rien de l'habituelle évaporée légèrement vêtue : Valéria est une aventurière sans pitié, aussi impitoyable à sa manière que son homologue masculin. Elle constitue un véritable alter ego du Cimmérien, habituée à se débrouiller seule et qui réagit mal aux tentatives de Conan de régir sa vie et qui n'hésite pas à le contredire, à émettre un avis personnel. - Ensuite, unité de temps et de lieu : une ville et ses alentours, une journée et une nuit, ce qui imprime une tension exceptionnelle au texte.- Enfin l'histoire : une population qui s'éteint sous le poids de haines anciennes et irrationnelles, une ambiance de premier ordre : une ville entièrement en espace clos, le pilier sur lequel sont enfoncés les clous rouges donnant le titre à la nouvelle, illustration macabre et dérisoire de ce à quoi aboutit une civilisation repliée sur elle-même. Des personnages qui se montrent tous plus cruels les uns que les autres. Une belle conclusion pour finir le récit des chroniques de Conan, Howard ne devant plus y revenir par la suite et mourut moins d'un an après cette dernière nouvelle.Ces deux derniers textes, plus de 70 ans après, gardent encore aujourd'hui toute leur puissance évocatrice. A titre personnel, ces deux nouvelles, que je n'avais pas relues depuis presque 15 ans, m'ont fait le même effet qu'à l'époque et font partie de ces oeuvres qui marquent en profondeur le lecteur.
