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Jack Vance et ses plats extraterrestres... Le festin de 45 plats, c'est quelque chose... On mange beaucoup dans ses livres, mais l'un des extraits les plus marquants vient du Palais de l'amour, le tome 3 de la Geste des Démons ^^

Le soir seulement la cuisine Sarkoy était offerte. Le premier plat était servi: bouillon vert pâle de marais, plutôt amer, accompagné de tiges de roseaux frits, d'une salade de racine de céleri, de petits fruits et de lambeaux d'écorce noire piquante. . . .
Le deuxième cours est apparu: un ragoût de viande pâle en sauce corail, fortement assaisonné, avec des plats d'accompagnement de plantain gelé, jaoic cristallisé, un fruit local. . . .
Le troisième cours était placé devant eux: collapsus de pâte parfumée sur des disques de melon glacé, accompagnés de ce qui semblait être de petits mollusques à l'huile épicée. . . .
Edelrod leva les yeux de la pile de bols qui venait d'être posée devant lui, contenant un hachage d'insectes et de céréales écrasés, des cornichons, une conserve de prune et des boulettes de viande frite. . . .
Alusz Iphigenia avait laissé le quatrième cours non goûté. Le cinquième plat était servi: une galette de pâte cuite sur laquelle étaient disposés trois gros centipèdes cuits à la vapeur avec une garniture de légume bleus hachés et un plat de pâte noire brillante, qui dégageait une odeur aromatique âcre.

Martin m'a faite envie avec la tarte à l'oignon et au fromage servi au banquet de mariage de Tyrion. Le site recettes série a d'ailleurs retrouvé la recette, semble-t-il... :p

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https://www.fabula.org/actualites/boire-et-manger-la-gastronomie-dans-les-cultures-de-l-imaginaire_103237.php

Journée d’étude

Jeudi 28 octobre 2021

Salle de conférence de la Maison des Sciences de l’Homme en Bretagne (MSHB)

ou via une interface de vidéoconférence en ligne.



PRÉSENTATION

“If more of us valued food and cheer and song above hoarded gold, it would be a merrier world”, J.R.R. Tolkien, The Hobbit

Cette citation de Tolkien donne une bonne idée de la place de la nourriture dans la fiction : marginale, rarement au cœur de la narration, mais omniprésente. Manger et boire sont une part de notre quotidien, une part difficile à ignorer lorsque l’on s’efforce de construire un univers, ou d’élaborer une histoire cohérente. Ce traitement peut différer en fonction du média : ainsi la littérature ne donnera pas la même place aux thématiques culinaires que le jeu vidéo ou encore le cinéma.

C’est la diversité de ces traitements, le sens qu’ils peuvent porter, et les représentations autour de la gastronomie dans l’imaginaire, que nous souhaitons explorer durant cette journée d’étude.

AXES

Les problématiques soulevées par le sujet de l’alimentation dans l’imaginaire apparaissent dès qu’il est question de sa production. L’agriculture et l’élevage sont autant de thématiques relevant de l’écologie d’un environnement fictif dont il faut comprendre et définir la logique. La prospective donne parfois à voir des systèmes agronomiques novateurs, répondant aux besoins d’une humanité avancée ou déchue. Dans le genre du post-apo comme en science-fiction, il s’agit donc d’une question de survie (on pense notamment à la saga The Expanse, dans laquelle seules les cultures de champignons permettent de survivre dans les environnements spatiaux hostiles), et le sujet de la famine devient souvent central dans ce genre de fiction. Se pose dès lors la question du rationnement, qu’on retrouve également dans le genre de la dystopie et le sous-genre de la SF militaire.

On constate souvent que les médias de l’imaginaire ne laissent qu’une place limitée à l’agriculture, et on trouve au cœur des questions d’approvisionnement la chasse et la cueillette. Dans les RPG (sous-genre vidéoludique laissant une place prépondérante à l’incarnation d’un personnage) ce phénomène est un cas d’école. Qu’il s’agisse du jeu états-unien Skyrim – dans lequel le·a personnage-joueur·euse récupère des mets au sein des habitations et champs d’autrui et dépèce les animaux chassés pour en tirer chair, peaux, crocs et griffes – ou de la licence japonaise Pokémon – qui propose de récolter baies et fleurs – cette pratique semble inhérente au sous-genre. Par ailleurs, quand on considère la chasse, les rôles s’inversent parfois, et les cultures de l’imaginaire regorgent de monstres et entités (ogres, morts-vivants, prédateurs aliens, robots malveillants, animaux légendaires, plantes voraces et autres êtres civilisés) qui font des protagonistes leurs proies, si ce n’est leur bétail.

Quelles que soient les méthodes de récolte et de traque, l’étape qui suit est celle, prosaïque, de la préparation. Les genres de l’imaginaire proposent autant d'approches de la cuisine qu’ils présentent de chasseur·se·s-cueilleur·se·s. En SF, la question est souvent réglée par l’usage d’une machine : le réplicateur de Star Trek, les micro-ondes du Cinquième Élément ou de Retour vers le futur (machines qui phagocytent désormais notre réalité notamment au détour de l’impression 3D). La question du goût et de l’expérience culinaire est par conséquent associée au cas de la nourriture transformée, si ce n’est ultra-transformée. On pense évidemment aux rations militaires, où encore au gruau de Matrix. Tolkien propose par ailleurs sa propre version de la ration nutritive avec le lembas qui, s’il n’est pas sans goût, s’avère lassant pour les papilles. Ce cas précis permet entre autres d’aborder la notion de l’humour et de la parodie culinaires. Le lembas est ainsi repris dans Les Annales du Disque-Monde à travers le pain des nains : aussi roboratif que la préparation elfique, il semble cela dit impropre à la consommation du fait de sa dureté, comme si les nains ne savaient faire autre chose que forger. Les dragées surprises de Bertie-Crochue (Harry Potter) relèvent tout autant de la plaisanterie d’écriture que de l’établissement de la fiction. Bien souvent, on retrouve une place importante de la nourriture dans les œuvres qui souhaitent parodier le genre de la fantasy ou de la science-fiction (en bande dessinée on peut citer Traquemage, et Les Aventuriers du Survivaure pour le podcast), lui conférant une place notable dans le récit.

À l’inverse, on trouve des fictions qui accordent aux cuisinier·ère·s un rôle prépondérant : métier fréquent des RPG (comme World of Warcraft ou The Legend of Zelda), il l’est également en jeu de rôle papier où il est garant de la bonne humeur et de la santé de ses camarades. Il en va de même dans le roman l’Espace d’un an, où le vaisseau bénéficie de Docteur Chef, un·e alien cuistot, en lieu et place des réplicateurs évoqués plus haut. La cuisine n’est donc pas absente de l’imaginaire et a même tendance à dépasser les frontières des genres. En effet, on peut trouver des livres de cuisine qui proposent de reproduire recettes et plats de mondes fictionnels à partir d’ingrédients bien réels. On citera bien entendu les ouvrages du Gastronogeek, mais aussi ceux dédiés à des univers précis comme ceux de Star Wars et des films de Miyazaki.

Selon les récits, la nourriture sera consommée, dégustée ou engloutie une fois préparée. Outre le sentiment de satiété, manger est le plus souvent synonyme de récupération : la barre de vie de The Witcher 3 se renouvelle grâce à la nourriture ingérée ; il symbolise aussi l’“étape”, celle que l’on s’octroie dans les récits de voyage de fantasy pour ensuite mieux poursuivre la quête – haltes que l’on retrouve dans les Dark Souls, notamment. Le terme “se restaurer” prend alors tout son sens. Cela amène parfois à des dérives : dans l’Assassin Royal, le protagoniste consomme de manière intensive des infusions d’écorce elfique, mais également des pâtisseries à base de graines de carris, deux substances hautement énergisantes mais addictives et aliénantes.

L’acte de manger en tant que tel paraît déjà chargé de signification. La nourriture a un pouvoir transformateur, voire sacré. Dans The Legend of Zelda : Breath of the Wild, les plats consommés permettent de modifier les caractéristiques de Link : Volt protège des dommages électriques, Inifus du feu, Silencio améliore la furtivité, etc. Elle est aussi souvent vectrice de sortilèges : on pensera aux fruits du démon de One Piece, aux loukoums de Narnia ou aux buffets du Voyage de Chihiro qui changent les goinfres en cochons. Ce dernier cas met en avant la dimension sacrée de la nourriture et le jugement porté sur sa consommation en excès. Les représentations du péché de gourmandise étant encore très présentes dans la culture populaire, on pourrait se poser la question de la perception grossophobe de telles images.

Si la nourriture peut être délicieuse et l’appétit signe d’un caractère jovial (comme c’est le cas chez les protagonistes des mangas nekketsu), le·a mangeur·se peut très vite revêtir une dimension monstrueuse. Le cannibalisme constitue à cet égard un véritable topos. Symptomatique de dérives sociales, d’une société qui s’effondre, il révèle l’être humain comme un monstre : qu’il s’agisse d’un cas pragmatique – comme en fiction post-apocalyptique – ou allégorique – comme dans le polar où le cannibale revêt une fonction plus symbolique et perturbante encore, à l’image du gastronome Hannibal Lecter de Dragon Rouge.

À cette question de la gastronomie vient en outre s’associer celle du dressage et du service. On peut à cet effet évoquer les buffets imaginaires de Hook, qui mettent en exergue le décalage merveilleux entre le monde de la fiction et le monde réel. Parfois, le service est placé sous le signe du grotesque et de l’excès, voire de l’horreur (dans le film Scooby-Doo, la nourriture fait des affamés son repas dans l'attraction du manoir hanté). La nourriture peut également être gâtée, empoisonnée, pourrie… ou la mise en scène de celle-ci peut être pensée pour inspirer le dégoût. Au cinéma, le genre du thriller et de l’horreur fait alors appel à l’effet Koulechov afin d’orienter le ressenti du spectateur, en faisant par exemple se suivre l’insert d’un plat avec un plan sur un cadavre en putréfaction.

En sus de cela, le dressage de l’alimentation et de la boisson l’accompagnant revêt une dimension sociale. Un repas partagé à table n’aura pas le même sens et la même finalité que celui consommé de manière solitaire. Le lieu où la nourriture est cuisinée et/ou servie s’avère tout aussi important que la nourriture elle-même, et le motif de la taberge (mot-valise associant les mots “taverne” et “auberge”) du jeu de rôle en est une manifestation. La frontière entre lieu et nourriture ira parfois jusqu’à disparaître, car, si on se souvient des jeux vidéo comme Rayman, qui font évoluer le protagoniste dans des mondes entiers constitués de nourriture, les codes de l’imaginaire et de leurs médias sont employés pour représenter un univers a priori absurde.

On pensera enfin à la dimension de l’érotisme gastronome, où l’acte de sustentation et de préparation se parent d’une nouvelle satisfaction des sens, et aux plaisirs gustatif et scopohile qui s’y mêlent. Au-delà des pratiques et jeux culinaires dans un cadre charnel, la figure du vampire et sa sensualité vorace, qui dévore la nudité et le fluide vital de ses victimes, apparaît comme le parangon du fin gourmet, buvant pour mieux se sustenter.

Que les festivités commencent !

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Hachette Heroes pour 25 euros.
Attention pas de photos mais des illustrations. Je suis plutôt team photo dans les livres de cuisine.
Je suis plus que dubitatif sur les recettes.

...Quand tu ouvres l'ouvrage et que la première recette est un Martini avec un peu de wazabi, ça n'augure rien de bon...

On va dire que c'est amusant à avoir.

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Ils ont déjà fait la même chose pour les recette de la Terre du Milieu dans un livre qui n'a pas aucun lien avec Tolkien mais en prenant soin de noter son nom de manière bien visible sur la première de couverture, histoire de bien appâter le lecteur...
Pas surprenant de la part d'Hachette, malheureusement.

Re: Cuisine et bons petits plats en Fantasy !

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Pour la sortie de Himilce de l'ami Gillo, J'ai eu envie de faire un dessert carthaginois. Je suis tombé sur une recette de Puls punica attribuée à Magon (apparemment un des pionnier de l'agriculture) :
"Mettez dans l'eau une livre de gruau et faites-la bien tremper. Versez la dans une auge propre ; ajoutez trois livres de fromage frai, une demi livre de miel et un œuf. Mêlez bien le tout. Faire cuire dans une marmite neuve."
Bon comme c'est un peu laconique j’ai dû un peu improviser...
J'ai utilisé un mélange d'orge perlé et de flocons d'avoine comme gruau et le fromage frai le plus méditerranéen disponible : la ricotta. J'ai pris un miel de fleur pour son côté passe partout (je ne sais pas spécialement ce que butinaient les abeilles carthaginoises, @Gillo une idée ?).
J'ai fait la cuisson en plat en terre comme cela semblait être le cas, mais j'aurai probablement dû le couvrir pour éviter la coloration du dessus.

Le résultat est un ancêtre du riz au lait croisé avec un cheese cake, assez dense avec un doux goût de miel.
J'espère qu'Himilce ne l'aurai pas boudé au petit déjeuner ! 😉

(si vous voulez des photos : )