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par Elder-Craft
Novice
Non, l’idée n’est pas de prier pour qu’une nouvelle polémique tombe au plus vite sur quelqu’un d’autre.
Mais tu as raison : dans un souci de transparence, j’aurais sans doute dû répondre ici même, sur ce fil. Je vais donc le faire.
Je précise que ma démarche n’a rien de conflictuel.
Je respecte sincèrement le travail des journalistes et des passionnés qui font vivre les communautés de l’imaginaire.
Ma réponse s’inscrit dans une volonté de dialogue, et j’espère qu’elle sera reçue dans cet esprit d’ouverture et de respect mutuel.
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Chers tous, je souhaite apporter quelques précisions à la suite de l’article publié sur Elbakin concernant la participation de la société Saint Germain Consulting, dirigée par M. Marsan, au capital d’Elder Craft.
Le 16 et le 18 octobre, j’ai déjà publié deux communiqués de presse qui peuvent être consulté.
Je ne reviens pas sur ces précédents communiqués, qui constituent une réponse immédiate visant à expliquer une situation factuelle et protéger nos équipes contre les amalgames. Mais à la lecture des réactions, j’ai compris que la perception du geste importait autant que son intention, alors je souhaite les compléter.
En 2022, cherchant à créer une maison d’édition indépendante, j’ai accepté l’investissement de Saint Germain. C’est une société détenue par un homme mis en cause publiquement pour des comportements inappropriés dans le cadre de son activité professionnelle, alors qu’il occupait une position de direction.
Le fait qu’aucune plainte n’ait été déposées à son encontre ne signifie en rien qu’il n’y ait pas eu de problème.
Cela témoigne surtout de la difficulté du système judiciaire à reconnaître et traiter ce type de comportements, laissant souvent les victimes sans statut et les auteurs sans réelle prise de conscience de la portée de leurs actes.
Cette prise de conscience n’a pas été immédiate.
Le “cas Marsan” m’a d’abord ouvert les yeux sur ces problématiques, puis sur le fait que, bien souvent, les hommes perçoivent avec moins d’acuité les situations de vulnérabilité que peuvent rencontrer les femmes dans leur milieu professionnel.
Et pourtant, en 2022, j’ai agi avec la conviction sincère qu’un soutien financier, lorsqu’il permet de créer des emplois et de publier des livres, n’était pas en soi un acte répréhensible moralement.
Je considérais alors que l’argent de Saint Germain n’était pas plus “sale” que celui de grands groupes, et qu’il nous permettait au contraire de rester indépendants.
L’entrée au capital ne s’est pas faite sans condition :
- Elle ne devait lui offrir ni retour à la vie publique, ni aucune forme d’influence.
- Il était convenu que M. Marsan n’aurait aucun rôle, aucun mandat, aucun pouvoir de décision.
- Sa sortie du capital était planifiée à moyen terme, après la première année de publication.
Je dois aussi préciser que la présence de M. Marsan au capital n’a jamais été dissimulée aux salariés d’Elder Craft.
J’étais convaincu à tort qu’une transparence interne suffisait, et que cette situation n’était pas incompatible avec nos valeurs.
Je comprends aujourd’hui que c’était une erreur de jugement.
Cette prise de conscience a été guidée par de nombreux échanges que j’ai pu avoir récemment avec des libraires, des autrices et des lectrices indignées par ma décision. Je les remercie sincèrement pour nos discussions, et regrette de ne pas avoir eu cette prise de conscience plus tôt.
Ces personnes m’ont amené à réaliser que le fait de ne pas avoir communiqué publiquement sur la présence de Saint Germain au capital privait nos lectrices et lecteurs d’un choix éclairé.
Elles m’ont également convaincu de la nécessité de poursuivre nos projets d’édition sans conserver la société Saint Germain au capital, car ce que je pensais être une décision pragmatique était aussi un symbole inacceptable.
Enfin, elles m’ont aidé à comprendre que la neutralité financière n’existe pas, et qu’en acceptant cet investissement, même minoritaire, j’avais rouvert des blessures.
Ce post a pour objectif de dire la vérité, de reconnaître que j’ai merdé et d’exprimer ma volonté de réparer mes erreurs.
J’ai donc pris la décision de demander à M. Marsan de se retirer intégralement du capital d’Elder Craft. Il a accepté. Le processus de sortie est aujourd’hui initié, irréversible et encadré légalement.
À son terme, la société Saint Germain n’aura plus aucun lien capitalistique ou contractuel avec Elder Craft ou ses projets littéraires.
Je n’écris pas ces lignes pour me justifier, mais pour assumer.
J’ai cru, à tort, que mes intentions suffisaient à légitimer mes choix.
Je réalise aujourd’hui que la responsabilité d’un éditeur dépasse la gestion d’une entreprise : elle touche à la confiance, à la sécurité morale, à l’image que l’on renvoie à une communauté tout entière.
Je demande pardon à celles et ceux que cette décision a blessés, heurtés ou déçus.
Mon erreur ne réside pas seulement dans le choix initial, mais dans le manque d’écoute et de discernement dont j’ai fait preuve face à ce qu’il représentait.
Je tiens à présenter mes excuses aux créatrices et créateurs dont les ouvrages ont paru chez Elder Craft.
Nos livres et nos jeux sont le fruit du travail d’artistes qui n’ont rien à voir avec cette situation, et je regrette sincèrement que celle-ci ait pu en détourner l’attention.
Je veux aussi présenter mes excuses à FibreTigre, qui vit autant de son image que de ses créations. Les répercussions de cette affaire l’ont injustement touché, alors qu’il n’a eu aucun rôle dans ces décisions.
Cet écrit n’est pas une défense, mais une mise au point sincère : un rappel des faits, des engagements, et de la volonté d’assumer les erreurs du passé pour mieux avancer.
Je ne peux pas effacer cette faute, mais je peux en tirer les leçons et tenter de la réparer.
Je ne cherche pas à clore le débat, mais à reconstruire la confiance, dans la vérité et l’humilité.
Sébastien Moricard - Elder Craft