J’aime pas trop jouer au jeu des « incohérences », c’est un angle critique que je trouve rarement pertinent (où s’arrête-t-on ? faut-il décortiquer le manque de logistique dans le déplacement des armées ? le manque d’explication sur l’organisation de la société elfe pour qu’elle puisse tenir comme elle le fait ? etc.). Je trouve plus intéressant d’analyser ce qui peut rompre le contrat de suspension d’incrédulité entre une série et le téléspectateur. Qu’est-ce que les scénaristes ont mal fait pour que le récit n’emporte pas assez une personne, au point d’arriver à masquer les mécanismes de narration ? Quelle est la disposition du spectateur pour qu’il ne rentre pas dans le contrat (attente différente, hate-watching, méconnaissance des mécanismes/trope d’un genre, etc.) ?
Mais je vais quand même répondre un peu point par point à ton message, Bergelmir, parce que sur ces sujets-là, je suis parfois assez surpris par certaines incohérences relevées alors qu’il est assez clair que les scénaristes essaient d’y répondre à l’avance dans la série, que ce soit par des indices visuels ou carrément par des dialogues limpides. On sent même parfois vraiment que certains éléments sont là uniquement pour répondre à des risques d’incohérences, là où certains scénaristes ne chercheraient même pas à traiter le sujet (parce que ça n’a pas d’intérêt par le récit, parce qu’ils savent qu’il n’y a pas de justification, ou toute autre raison).
Typiquement, pour reprendre l’exemple de Foradan sur la tour qui s’effondre, la scène présente très clairement le fait que le lieu a été piégé dans l’attente des Orcs (avec notamment la poutre attachée à la pierre) et donc que la tour a été sabotée dans l’attente de la flèche d’Arondir (qui attaque la corde à vitesse grand V, je l’accorde).
De la même façon, le fait que les Numenoréens débarquent pile au bon endroit et arrivent pile à Ostirith est expliqué par un dialogue d’Halbrand dans un épisode précédent.
- les centaines de chevaux/cavaliers qui sortent de 3 pauvres navires où on peut en transporter 15 par cale
Les bateaux de transport militaires du Moyen Âge qui faisaient à peu près la même taille que les bateaux de Numenor pouvaient transporter 40 à 50 chevaux en plus des hommes. La charge de cavalerie a l’air composée d’environ 100 à 150 cavaliers. Ça a pas l’air du tout déconnant. Mais outre ces considérations bassement numériques, la série s’attarde à deux fois sur l’importance du transport des chevaux pour justifier cela : dans l’épisode précédent, lors du chargement des bateaux, on voit bien que le chargement des chevaux est important, avec notamment un cheval sur un treuil. Puis dans cet épisode, la scène où Isildur va voir Berek n’a quasiment que cette fonction : montrer que les chevaux sont bien transportés dans le bateau et ne pas sortir un armée montée du chapeau par la suite.
- les problèmes d'orientation est/ouest avec un soleil qui se lève du mauvais côté
Je ne suis pas sûr de voir de quelle scène tu parles, mais si c’est l’arrivée en bateaux, l'armée de Numenor arrive bien de l’ouest pour aller vers l’est et le soleil se lève côté Terre du Milieu, donc ça me semble bon, non ? Après, je sais pas si ça a un impact sur l’orientation ou les cycles du soleil, mais Arda n’est pas censée être plate à cette époque ? Ça doit faire des trucs un peu bizarres

- les ellipses temporelles qui frôlent la téléportation entre Númenor et la Terre du Milieu
Il me semble qu’il n’y a justement pas d’ellipses temporelles dans l’épisode. Elendil dit bien au début de l’épisode qu’il reste un jour de navigation, puis un jour de chevauchée pour arriver dans la vallée. Ce qui correspond au cycle jour/nuit des évènements dans les Southlands. J’ai connu des séries moins regardantes sur les
timelines et les temps de trajet

(même si ça m’a jamais gêné non plus dans
Game of Thrones). A la rigueur, l’effort à avoir est d’accepter que les évènements à Numenor et dans les Southlands de l’épisode précédent ne sont pas directement concomitants (le départ des bateaux et l’armée qui se masse aux pieds d’Ostirith), mais c’est une distorsion temporelle qui me semble classique quand deux intrigues sont complètement séparées, le plus important étant qu’elles concordent une fois qu’elles se retrouvent (c’est-à-dire au sein de cet épisode).
- la scène ridicule et bien trop longue de l'orque qui perd 1l de sang pendant 30 sec sur Halbrand
J’ai pas été gêné par la durée de la scène même si je peux comprendre qu’on le soit, mais la scène est là notamment pour bien remettre dans l’esprit des téléspectateurs (et pour que le souvenir soit vif dans celui d’Arondir) que les Orcs ont le sang noir. Élément qui devient directement important dans la scène suivante où
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Arondir est justement celui qui s’aperçoit que la plupart des cadavres saignent rouge, et sont donc principalement des humains envoyés au casse-pipe
L’idée n’était pas de nous lancer dans un jeu de citation pour essayer à tout prix de justifier pourquoi tel évènement est possible ou pas, je pense que ce serait passer à côté de l’analyse structurelle et narrative de la série (qui a très clairement pas réussi à emporter tout le monde dans son contrat de suspension d’incrédulité, ce qui est dommage pour une série qui se veut si grand public), mais j’avais envie de céder à la tentation pour une fois.

Et à titre préventif pour le prochain épisode : oui, je pense que la nuée ardente sera traitée comme un gros nuage de poussière et qu’on sera plus proche d’une imagerie façon New York lors du 11-Septembre (en plus rouge) que Pompéi. Après, c’est pas comme si la Montagne du Destin était traitée (en tout cas dans le films de Jackson) comme un volcan à l’imagerie beaucoup plus symbolique qu’une réalité géologique (je rappelle que Gollum se noie littéralement dans la lave

).