Et voilà, Acacia terminé ce week-end! :)Le sentiment étrange que je mentionnais plus haut s'est maintenu jusqu'au bout, tout au long de ma lecture, ce qui confirme les points forts et faibles de ce cycle à mes yeux.J'ai trouvé dans le trilogie d'Anthony Durham un cycle solide, bien construit, doté d'un excellent style, avec des personnages attachants, et dont les pages se tournaient toutes seules... et malgré tout, je savais qu'en le refermant, je ne ressentirais pas la tristesse éprouvée avec d'autres oeuvres de quitter de vieux compagnons de route, pas plus que je ne m'en rappellerais comme une oeuvre mémorable que je relirais dans quelques années.Le détachement ressenti lors du premier tome a donc continué, ce qui est selon moi moins dû aux personnages (qui ne laissent pas indifférent : j'ai adoré Dariel ou Mena, et détestais Corinn, qui me faisait le même effet que Cersei Lannister à l'époque où je lisais le trône de fer) qu'au style de l'auteur, et au déroulement de ses intrigues.Concernant le style de l'auteur, j'ai eu le sentiment que lui-même adoptait un style détaché et descriptif, comme s'il souhaitait maintenir une barrière entre ses personnages et lui. Il enrésultait un ton riche mais parfois aseptisé et clinique, particulièrement dans les scènes censément émotionnelles. On se retrouve ainsi spectateur des sentiments des personnages, que l'on constate sans réellement les partager.Cette sensation a été encore renforcée chez moi par le traitement et le déroulement des intrigues, qui traînaient parfois trop en longueur dans leur mise en place, multipliant parfois les points de vue et considérations inutiles, pour se résoudre de façon abrupte et artificielle.
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Je pense particulièrement à la résolution des trois intrigues du troisième tome :- la progression de l'intrigue du Santoth a pris trois volumes, et s'achève en quelques dizaines de pages lorsque le plan de Corinn... se déroule sans accrocs.- le combat contre les Auldeks ne connaît qu'un prélude avec Mena, avant qu'Aliver n'apporte une solution sur un plateau qui, là aussi, fonctionne à la perfection : tout le monde s'aime, et puis fini...- Idem pour lu lutte contre la Ligue dans l'Ushen Brae : Dariel met un livre et demi à devenir le Rhuin Fa, et finalement le combat contre la ligue se résume à trouver une pièce secrète en pilotage automatique, à poser sa marque magique sur une pierre magique, et pouf, miracle, la ligue est vaincue...
Ce sont là les principaux points faibles de ce cycle (qui ne sont pas dramatiques pour autant, j'ai déjà lu des conclusions beaucoup plus bâclées), qui font qu'il ne restera pas gravé dans ma mémoire... MAIS... le résumer à ces points négatifs serait selon moi une erreur, tant il regorge par ailleurs de qualités.Acacia est en effet doté d'un monde solide et bien construit, qui ne m'a laissé à aucun moment un sentiment de vide ou d'artificiel, comme j'ai parfois pu en rencontrer dans d'autres oeuvres. Autre point fort, et pas des moindres : ce monde est original, délaissant le contexte médiéval européen habituel pour mettre en scène un cadre davantage influencé par les cultures du sud, notamment l'Afrique et les îles du Pacifique. Je ne suis d'ailleurs pas parvenu à mettre le doigt sur des références plus précises que celles que je viens de citer, ce qui me donne le sentiment qu'Anthony Durham est parvenu avec succès à créer un monde qui lui est propre, à la fois étranger et familier. D'habitude, je suis moins à l'aise avec ce style d'univers, mais dans ce cas-ci c'est passé comme une lettre à la poste, ce qui démontre à mes yeux la qualité du travail accompli.Autre point positif : ce cycle aborde des thèmes assez inhabituels en fantasy, et qui sont particulièrement actuels : l'esclavage en tant que système économique, le trafic de drogue, et la prédominance de l'économie sur l'état (avec toute l'immoralité qui va avec).Comme je l'ai déjà écrit, des personnages attachants et qui ne laissent pas indifférents sont également à mettre au crédit de l'auteur, bien que tous ne se valent pas à mes yeux : il y avait peut-être un peu trop d'écart entre les personnages principaux et secondaires. Ainsi, les personnages secondaires précisaient en général le contexte de l'intrigue, tandis que les personnages principaux la faisaient avancer. Ce schéma un peu trop visible à mes yeux avait tendance à conditionner ma lecture : j'abordais les points de vue des personnages secondaires avec un certain ennui (surtout dans le troisième tome), sachant pertinemment que l'intrigue n'avancerait pas au cours de ce chapitre, pourtant indispensable à la bonne compréhension de l'ensemble.Enfin, il convient selon moi de saluer une intrigue qui ne se disperse jamais en cours de route, malgré la facilité avec laquelle l'auteur aurait pu tomber dans ce "piège" : intrigues multiples et longues, étalées sur un niveau continental et se déroulant sur plusieurs dizaines d'années, multiplication des points de vue, morts importantes... Tous les ingrédients étaient réunis pour que l'auteur perde la maîtrise de son oeuvre, multipliant à outrance les intrigues et points de vue, jusqu"au délaissement de l'intrigue principale et à l'enlisement final du récit.Ici, rien de tout ça : malgré la diversité des points de vue, l'histoire contée par Anthony Durham est maîtrisée de bout en bout (à part les quelques questions de rythme citées plus haut), et vole comme une flèche vers sa conclusion sans jamais dévier de sa route. Au final, une oeuvre de qualité qui a ses défauts, mais à côté de laquelle il serait tout de même dommage de passer (enfin, si on parvient à trouver le cycle complet...), même si elle ne reste au final pas gravée dans la mémoire. Un 7,5 sur 10 pour moi.