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par Milieuterrien
Elbakinien d'Argent
Pour présumer que Christopher frustre le rêve de millions de fans ne parlant que de baston, il faudrait qu'il ait biffé dans son Silmarilion tout ce qui rime avec baston. Mais si le père a écrit de la baston et si le fils a recopié de la baston, c'est à coup sûr une autre censure que la leur qu'il faudra accuser de frustrer les fans de baston.A mon avis le problème - qui est plutôt un défi - se situe plutôt ailleurs, au niveau de la narration. Car même s'il est constitué d'images qui bougent tout comme la littérature est tissée de mots qui se suivent, le cinéma a toujours eu besoin d'un récit apte à sublimer ou habiter ses plages de paix comme ses cascades de batailles.A priori le Silmarilion se conçoit comme une esquisse de fresque étendue sur des millénaires et des générations ; il n'est donc intrinsèquement pas simple d'y porter le focus sur tel ou tel événement se prétendant significatif du grand dessin ; car si un grand dessin pouvait se laisser réduire à une diapositive, en quoi serait-il un grand dessin ?L'autre paramètre requis par une réalisation ambitieuse est l'utilité de s'attaquer à une oeuvre populaire. La popularité de la TdM pré-existait au film, mais celle du Silmarilion ne se compare pas à celle du SdA. Un projet sur le Silmarilion peut bénéficier de l'appel d'air suscité par l'adaptation de la TdM par P Jackson, dont le talent de cinéaste a tout de même bigrement popularisé cet univers, davantage en tout cas que l'ont pu les efforts certes méritoires de Bakshi ou autres islandais, mais si ses deux trilogies, série en cours, ont pavé la voie à des adaptations ultérieures, comme celle de Hurin/Gondolin, assez proche par son format, elles ont aussi de facto instauré une sorte de 'charte qualité' à un niveau très élevé de référence. Du coup, la difficulté est moins d'avoir 'le droit' d'adapter, que d'éviter l'épée de Damoclès suspendue par les attentes du public au-dessus de toute adaptation faible au plan narratif ou 'cheap' au plan de la réalisation. Cela se compare avec d'autres 'franchises' : prenons celle d'Astérix : plusieurs réalisateurs déjà s'y sont frottés depuis une quinzaine d'années. Mais en dépit des ambitions de chacun d'eux et des ayant-droits, la majorité des transcriptions ont piteusement piqué du nez, aussi bien aux yeux du public qu'aux yeux de la critique, sans que ces échecs retirent quoi que ce soit à la qualité intrinsèque des albums. Mais inévitablement on compare chacune d'elles avec la réussite d'une adaptation inspirée, celle d'Astérix et Cléopâtre.Donc toutes sortes d'adaptations du Silmarilion sont envisageables, simplement la probabilité qu'elles soient considérées comme de lamentables échecs ou de piteuses imitations par comparaison avec le souffle de la trilogie du SdA de Jackson pèse et pèsera dans la balance.N'oublions pas que même Spielberg, Lucas ou Cameron ont vu leur étoile pâlir par comparaison au succès sans précédent de la Trilogie Jackson, et rien ne dit que s'ils s'étaient attaqués eux-mêmes à la TdM ils en seraient sortis indemnes ou même grandis.